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RÉFORME DE LA PSYCHIATRIE : « CHAQUE ÉTABLISSEMENT INTERPRÈTE LE TEXTE À SA FAÇON »

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Largement contestée par l’ensemble des acteurs de la psychiatrie, la loi du 5 juillet 2011 relative aux soins psychiatriques sans consentement est entrée en vigueur le 1er août (1). Les premiers mois de son application montrent que le texte est « inapplicable », juge Angelo Poli, président du Syndicat des psychiatres d’exercice public (SPEP) (2).

Cette loi, qui a été vivement critiquée, était pourtant très attendue…

Oui, parce qu’elle vient réformer la loi du 27 juin 1990 relative à l’hospitalisation en psychiatrie, ce qui n’avait jamais été fait alors que le texte prévoyait sa révision dans les cinq ans. Si cette réforme était attendue par tous les acteurs – soignants, familles, patients –, elle nous a été imposée. Portée par Nicolas Sarkozy depuis 2007, alors ministre de l’Intérieur, elle a été lancée fin 2008, après le meurtre, à Grenoble, d’un étudiant par un malade mental en fuite. Mais c’est la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 exigeant le contrôle d’un juge des libertés et de la détention au plus tard au quinzième jour d’hospitalisation sans consentement qui a précipité son adoption.

Comment est-elle appliquée ?

Elle est entrée en vigueur sans information précise et chaque établissement interprète le texte à sa façon. Il suffit de consulter la « foire aux questions » sur le site du ministère de la Santé pour prendre la mesure des difficultés. Premier problème : nous passons notre temps à rédiger des certificats. La loi, en introduisant quatre avis médicaux dans les huit premiers jours d’hospitalisation, a complexifié la procédure. Sans compter que des certificats mensuels sont envoyés au préfet. Par exemple, dans mon établissement, il a été nécessaire de prévoir près de 25 types de certificats pour répondre à toutes les situations possibles ! Cela n’apporte rien à la clinique ni à la prise en charge des patients et est très consommateur de temps médical.

Comment se passent les audiences devant le juge ?

En cas d’hospitalisation, le patient doit passer devant un juge dans les 15 premiers jours, puis au bout de six mois. Cela peut se faire soit au palais de justice, soit à l’hôpital, soit par visioconférence. D’après notre bilan, dans un tiers des cas, le juge se déplace à l’hôpital – ce que nous souhaitons d’ailleurs –, dans 60 % c’est le patient qui va au tribunal et la visioconférence n’est utilisée que pour 5 % des situations. Alors qu’il n’y a eu aucun moyen nouveau, l’accompagnement d’un patient par deux soignants prend quatre heures. Ce qui pose aussi des problèmes de sécurité : le patient fait parfois 60 km pour se rendre au tribunal, où l’attente est longue, ce qu’il n’est pas toujours capable de supporter (3). Autre problème : il s’agit d’une audience classique, donc publique, ce qui pose la question du secret médical. A cela s’ajoutent d’autres dysfonctionnements : par exemple, le fait qu’un juge demande l’avis des infirmiers qui accompagnent le patient ou l’intervention d’un représentant du préfet lors de l’audience. On voit aussi des magistrats s’adresser au patient comme à un citoyen « lambda », ce qui crée quiproquos et malentendus. Les juges n’ont pas été préparés à cette rencontre avec les patients.

La loi a aussi supprimé les sorties d’essai…

Cette procédure a été remplacée par le programme de soins. Le problème est la suppression des permissions de courte durée (quelques jours) qui permettaient d’évaluer la capacité d’un patient à retourner dans son milieu. Aujourd’hui, ce n’est plus possible puisque dans l’esprit de la loi, le patient ne peut plus alors être réhospitalisé, excepté en repassant par toute la procédure d’admission. Mais notre plus grande crainte est que l’on nous impose de garder des patients au-delà du raisonnable alors que notre but est que le malade adhère aux soins !

Notes

(1) Voir ASH n° 2716 du 1-07-11, p. 5.

(2) www.spep.fr/joomla.

(3) L’Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique a lancé une pétition pour contester « le transport indigne pour les patients en psychiatrie » – Voir www.idepp.info.

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