La proposition de Marc-Philippe Daubresse, secrétaire général adjoint de l’UMP, d’imposer une journée de travail rémunérée à certains allocataires du RSA (revenu de solidarité active) socle (voir ce numéro, page 8) suscite des réactions sceptiques, voire hostiles, des syndicats et des acteurs de l’insertion.
Au printemps dernier, Marc-Philippe Daubresse avait jugé « irresponsables » les déclarations de Laurent Wauquiez, alors ministre des Affaires européennes, qui avait promu l’idée, soutenue par une partie de l’UMP, d’un « travail d’intérêt général » gratuit pour les allocataires du RSA. En suggérant de soumettre ces derniers, sous peine de sanction, à sept heures de travail hebdomadaire en contrat unique d’insertion, l’ancien ministre des Solidarités actives est loin d’apaiser les craintes d’une chasse à l’assistanat qui stigmatise les chômeurs. « Le problème n’est pas de savoir que les allocataires du RSA ne travaillent pas, mais d’admettre enfin qu’il n’y a pas d’emplois pour tout le monde », s’insurge le MNCP (Mouvement national des chômeurs et précaires), qui craint un renforcement des contrôles des allocataires. D’autant que la logique des « droits et devoirs » qui justifie, en partie, la proposition existe déjà dans le dispositif actuel : la loi prévoit que l’allocataire qui ne respecte pas, sans motif légitime, les dispositions prévues dans son projet personnalisé d’accès à l’emploi ou dans son « contrat d’engagement » voit le versement de son allocation suspendu en tout ou partie.
Au-delà, les interrogations portent sur la faisabilité et la pertinence de ces quelques heures effectuées en contrat aidé. La CGT et son Comité national des privés d’emploi parlent d’un « marché de dupes » : « Comment penser que sept heures de travail par semaine vont permettre aux salariés exclus de l’emploi stable et durable de sortir de la pauvreté et de vivre dignement des revenus de leur travail ? Voilà plutôt le moyen d’avoir de la main-d’œuvre bon marché. » Dans la même lignée, la fédération Coorace juge cette mesure improductive : « Surajouter aux contrats et dispositifs existants un nouvel outil qui, tout en favorisant la mise au travail, ne viendrait pas soutenir de manière cohérente les parcours de retour à l’emploi construits au sein des entreprises de l’insertion par l’activité économique est inutile. » L’enjeu est de réussir à construire des parcours progressifs intégrant des périodes de formation et un accompagnement de qualité, plaide également Matthieu Angotti, directeur général de la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) : « Assouplir la durée du contrat unique d’insertion, comme le prévoit la loi [1], pourquoi pas ? Mais avec des garde-fous, défend-il. Une mesure sèche prise de façon isolée aura pour effet de sortir des personnes des statistiques du chômage, avec un effet médiocre en matière d’insertion. Nous ne défendrons jamais une mesure qui précarise les personnes. »
Martin Hirsch, ancien Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, met aussi en garde contre les risques de dérive. « De deux choses l’une, écrit-il sur son blog (2). Soit ces contrats courts viennent se substituer à des contrats plus longs, dans une enveloppe budgétaire fermée, et l’on aura reculé. Soit ces formules viennent compléter l’offre d’insertion et l’on aidera certaines personnes à retrouver leur place dans le monde du travail. » Et le créateur du RSA de citer l’expérience d’Emmaüs Défi, où les personnes à la rue commencent par travailler quelques heures avant d’accéder progressivement à des contrats aidés à temps complet. « Dans ce sens-là, très bien. C’est ce que semble suggérer le rapport en précisant qu’une enveloppe supplémentaire puisse être consacrée à ces contrats très partiels. C’est là-dessus qu’il faudra être vigilants. »
(1) La durée hebdomadaire du travail du titulaire d’un CUI-CAE ne peut être inférieure à 20 heures, sauf lorsque la convention le prévoit en vue de répondre aux difficultés particulièrement importantes de l’intéressé. Lorsque le contrat de travail a été conclu pour une durée déterminée avec une collectivité territoriale ou une autre personne de droit public, la durée hebdomadaire du travail peut varier pendant la période couverte par le contrat, à condition de ne pas dépasser 35 heures hebdomadaires. Cette modulation est sans incidence sur la rémunération mensuelle du salarié.
(2)