Au nombre de 2 400 environ, les assistantes sociales scolaires font figure de marginales. « Que représentent-elles ? Une goutte d’eau dans l’univers des travailleurs sociaux. Une poignée d’acteurs dans la masse des enseignants. Quelques postes clairsemés dans les établissements scolaires », observe la sociologue Pascale Garnier dans l’un des rares ouvrages – déjà vieux de près de 15 ans – consacrés à cette profession (1). « Régulièrement oublié, [le service social scolaire] est l’un des éléments pauvres du système », note également Julie Michel, assistante sociale scolaire dans l’académie de Grenoble (2). « Lors du lancement du site Internet
Si elles pèsent peu en nombre, ces fonctionnaires de l’Education nationale ont pourtant un rôle d’autant moins négligeable qu’il est désormais établi que nombre de « déviances » scolaires (absentéisme, violence, décrochage…) prennent corps dans les situations de précarité vécues par les familles. Dans ce contexte, et bien que l’école n’ait pas pour vocation première de « faire du social », les assistantes sociales scolaires sont en première ligne pour accompagner les élèves dans leurs difficultés personnelles et familiales.
Or, paradoxalement, elles sont très peu soutenues par leur ministère de tutelle. Dès 2003, elles livraient bataille pour échapper à leur transfert aux départements, ce qui aurait signifié la disparition ou, tout du moins, la dilution de leurs spécificités dans d’autres priorités locales. Elles ont, certes, arraché in extremis leur maintien au sein de la fonction publique d’Etat, garantie, selon elles, d’une certaine indépendance. Mais leurs effectifs ont stagné. En 2007, une inter-syndicale formée du Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP-FSU) et du Syndicat national des assistants sociaux de l’Education nationale (Snasen-UNSA) réclamait déjà la création de 4 000 postes sur trois ans avec, pour mot d’ordre, un poste pour deux établissements et un par établissement situé en zone prioritaire. Sans être entendue. « Non seulement il n’y a pas eu de création de postes mais une vingtaine ont été supprimés à la rentrée 2010 dans le cadre du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux à la retraite », pointe Samuel Delépine, un des rares assistants sociaux scolaires hommes et secrétaire national du SNUAS-FP-FSU. « Elles sont “en sursis” ! », s’exclame même Christine Roux, conseillère technique de service social au sein de l’académie d’Aix-Marseille (3).
Cette crispation autour des effectifs n’a toutefois rien de vraiment nouveau. Du point de vue des professionnelles et au regard des besoins, elles n’ont jamais été en nombre suffisant. Leur sous-effectif a d’ailleurs servi d’argument pour motiver leur retrait progressif des écoles maternelles, puis des écoles élémentaires : plutôt que de recruter davantage de professionnelles, le choix a été fait, au début des années 1980, d’axer leur intervention en direction des élèves qui en avaient le plus besoin, à savoir, selon le ministère, les préadolescents et les adolescents. Pourtant, aujourd’hui, alors que leur action est très largement concentrée dans les collèges et les lycées (4), leur situation n’est guère reluisante : que pèsent 2 400 assistantes sociales scolaires face à 5 300 000 élèves et près de 11 500 établissements ?
En moyenne, chacune d’entre elles intervient auprès de 2 200 élèves. Et rares sont celles qui sont affectées à un seul établissement. La plupart partagent leur temps entre deux, trois, quatre, voire huit ou neuf structures. « C’est pourtant leur présence, au quotidien et dans la durée dans chaque établissement, qui leur permet d’être informées des événements qui y surviennent et d’être entendues », défend Samuel Delépine.
En outre, dans certaines académies, seuls les établissements prioritaires ont des assistantes sociales scolaires dédiées ; les autres ne sont censés faire appel à elles qu’en cas de difficultés ponctuelles. Certains départements se prévalent toutefois d’une situation meilleure que les autres. A l’instar de la Seine-Saint-Denis qui a bénéficié, à la fin des années 1990, d’un plan de « rattrapage » se traduisant par la création d’une soixantaine de postes, ce qui porte leur nombre à 150. Aujourd’hui, chaque établissement du second degré bénéficie d’un poste budgétaire d’assistant de service social à temps plein ou à mi-temps. Pour autant, tout n’est pas rose : les conditions de travail sont particulièrement difficiles et certaines professionnelles sont rattachées à des établissements très éloignés l’un de l’autre, impliquant de longs trajets.
« Plutôt que de s’appuyer sur ce corps professionnel qui a le mérite d’être bien formé, on a voulu faire du nouveau et du spectaculaire en multipliant les dispositifs alternatifs ou concurrents avec les emploi-jeunes, les médiateurs en tout genre, les programmes d’aide à la scolarité ou encore les nombreux plans d’égalité des chances », relève le sociologue Daniel Verba. En 2009, plusieurs milliers de médiateurs de réussite scolaire, très peu formés et non soumis au secret professionnel, ont ainsi été recrutés dans les quartiers défavorisés avec des missions recouvrant en partie les leurs. Si, pour eux, l’expérience a tourné court, d’autres – comme les personnels du programme de réussite éducative dans les quartiers priotiaires (5) – continuent à rogner sur leur périmètre d’intervention.
Cette externalisation hors de l’école de leurs missions agacent d’autant plus les intéressées qu’elles souffrent déjà d’une relative invisibilité. Et ce, tant au niveau des établissements, où il n’est pas rare qu’elles s’entendent dire : « Tiens, vous êtes là aujourd’hui ? », que de leur tutelle. Faute de relais efficaces et faute de savoir faire connaître leur travail, elles sont largement négligées lors des débats qui agitent l’école sur des sujets – incivilités, violences scolaires, absentéisme… – où elles jouent pourtant un rôle de premier plan. « C’est affolant de voir qu’on ne parle quasiment jamais de nous !, lâche Julie Michel. Dans la loi du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, nous sommes certes nommées, mais parmi d’autres et sans que notre mission soit clairement précisée. »
Est-ce parce qu’elles dérangent ? De fait, les intéressées restent vigilantes face à des mesures qu’elles jugent inadaptées et face au risque de voir leur profession instrumentalisée à des fins répressives (voir encadré, page 32). Cette distance critique n’est pas étrangère à leur positionnement singulier : à l’interface des familles et des enseignants, c’est le seul travailleur social à faire partie du personnel de l’Education nationale. Or il existe un gouffre profond entre la culture scolaire et les valeurs du travail social : « Tandis que la première, notamment en France, s’appuie sur une conception élitiste, classante et parfois stigmatisante des adolescents, [les assistantes sociales scolaires] prônent une approche singulière non excluante des élèves, fondée sur la confiance et l’encouragement », explique Daniel Verba (6).
Rien d’étonnant, donc, à ce que le personnel enseignant ait parfois le sentiment qu’elles se situent du côté des élèves. Mais, si elles jouent parfois le rôle de « trouble-fête », mettant en évidence « les problèmes que l’institution ne sait pas, ne veut pas ou ne peut pas traiter », comme l’écrit Pascale Garnier (7), c’est surtout pour apporter un autre éclairage sur le comportement des adolescents, faisant valoir notamment que le « temps social » est plus long que le « temps scolaire ». « Contribuer à la réussite des élèves n’a pas forcément le même sens pour nous et pour les enseignants », souligne Samuel Delépine : une exclusion peut être considérée comme une solution pour l’équipe enseignante alors qu’elle sera perçue comme un échec pour l’assistante sociale scolaire.
Cette position d’équilibriste entre le secteur scolaire et le secteur social ne facilite pas son intervention. Il lui faut sans cesse s’interroger : à partir de quand dois-je intervenir ? Comment ne pas empiéter sur la dimension pédagogique ? Que transmettre au personnel éducatif, non soumis au secret professionnel ? Les réponses sont « très dépendantes de la personnalité et des compétences de chacune », répond Chantal Jarjat, conseillère technique de service social au sein de l’académie de Grenoble, qui coordonne une douzaine d’assistantes sociales scolaires en Ardèche.
Une des spécificités de la profession est son importante marge de manœuvre. Seul personnel de l’Education nationale à pouvoir se rendre au domicile des élèves, elles sont en outre – contrairement aux infirmières scolaires rattachées au chef d’établissement – placées sous la responsabilité de l’inspecteur d’académie. « Cette hiérarchie lointaine donne le sentiment aux chefs d’établissements que les assistantes sociales sont des électrons libres », remarque Julie Michel (8).
Cette autonomie, elles la doivent aussi au caractère très généraliste de leurs missions, définies par la circulaire du 11 septembre 1991 (voir encadré, page 31). « Ce texte est complètement obsolète ; à le lire, les assistantes sociales scolaires sont censées contribuer à tout », déplore Chantal Jarjat. Comme elle, nombre de ses consœurs appellent de leurs vœux une mise à jour de leurs missions – au moins pour les adapter aux nouveaux outils apparus depuis 1991, à l’instar du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté ou de la « mallette des parents » (9). De fait, « contrairement aux infirmières scolaires qui bénéficient d’un cadrage national et académique, les assistantes sociales scolaires doivent tout bricoler elles-mêmes et sans cesse s’interroger sur ce qu’elles sont censées faire », regrette Chantal Jarjat.
Mais ce flou est aussi vécu comme une liberté : « Nous devons faire preuve de beaucoup de créativité et nous avons d’ailleurs la chance de pouvoir le faire », se réjouit Julie Michel. De fait, à l’inverse d’autres professions sociales, elles ne sont pas (encore) entièrement soumises à une logique de dispositif – même si les missions de protection de l’enfance ont gagné en importance. C’est à chacune, au quotidien, de définir les frontières de son intervention, d’apporter une réponse adaptée (permanence, visite à domicile, enquête ou évaluation sociales, action de prévention collective…) et de mettre en place des habitudes de travail avec ses partenaires – qu’ils soient situés dans les murs de l’école (équipe de direction, conseillers principaux d’éducation, service de promotion de la santé…) ou hors les murs (polyvalence de secteur, services de la protection de l’enfance, juges des enfants, structures d’aide spécialisée, associations de quartier, clubs de prévention spécialisée, police, caisses d’allocations familiales…).
Un œil extérieur peut également avoir du mal à saisir les contours exacts de son action du fait de l’importance du travail informel : circuler dans les couloirs, discuter au coin d’une porte, prendre un pot dans la salle des maîtres ou déjeuner à la cantine peuvent être l’occasion d’évoquer avec le personnel enseignant les grandes et petites difficultés des élèves et de leur famille. « Le caractère professionnel ou non de l’activité des assistantes sociales scolaires ne peut être tranché a priori », relève Pascale Garnier (10).
Inventives et mobilisées, elles le sont d’autant plus que, au-delà de leurs missions assez imprécises, leur champ d’intervention est très large. Si les problématiques sociales sont importantes, elles ne sont pas exclusives : « Nous sommes à la disposition des élèves dans ce qu’ils vivent, en toute confidentialité, sans l’autorisation de leurs parents : ça va du chagrin d’amour à la crise suicidaire. Un élève de 6e peut très bien nous solliciter parce qu’il a perdu son chat ! », explique Julie Michel. Simple mal-être ou maltraitance, violence ou rupture familiale, absentéisme ou décrochage scolaire, fugue ou infraction à la loi, tentative de suicide ou consommation de psychotropes, accès aux droits ou intégration d’un élève handicapé, soutien à la fonction parentale ou hésitation dans l’orientation d’un élève, grossesse précoce ou situation irrégulière de parents sans-papiers…, toutes ces situations – et bien d’autres – peuvent arriver entre leurs mains.
« Plus on est là, plus on a de boulot », disent-elles. Même quand elles ne sont pas présentes autant qu’elles le souhaiteraient, elles se retrouvent très vite aux avant-postes en cas de problèmes. Et doivent gérer l’urgence au détriment du long terme qu’elles délaissent à regret. De fait, elles ont rarement les moyens de mener une action de fond, préventive et collective, qui fait pourtant partie de leurs missions, et se replient sur une intervention individuelle – néanmoins fondamentale, notamment pour passer le relais à des partenaires extérieurs –, une réponse ponctuelle, un pansement temporaire. « Ici ou là, on observe, à l’initiative d’une conseillère technique courageuse et charismatique, de vrais projets de service et une impulsion vers des projets plus partenariaux, mais compte tenu des contraintes institutionnelles, cela reste marginal », observe Daniel Verba.
Les actions collectives, lorsqu’elles existent néanmoins, sont généralement mises en œuvre dans le cadre du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté, très souvent en lien avec les infirmières scolaires – d’autant plus en force dans le champ de la prévention qu’elles ont bénéficié d’un important plan de recrutements entre 2005 et 2010. Souvent montées avec des bouts de ficelle, ces actions ont pour thèmes récurrents la prévention des conduites à risque, l’éducation sexuelle et, surtout, la citoyenneté : organisation de temps d’échanges sur le thème de la rentrée scolaire à destination des élèves de 6e (afin qu’ils évoquent entre eux les difficultés liées à ce passage important), intervention d’anciens cadres supérieurs auprès de jeunes scolarisés en lycée professionnel (simulation d’entretiens d’embauche et travail sur la présentation de soi), opération de solidarité avec les élèves (récolte de fonds à destination d’une association d’enfants malades), séances de théâtre-forum inter-collèges autour des incivilités et des violences en direction des élèves de 4e… « Si on ne demande pas d’argent et qu’on se débrouille, nous avons une grande liberté », défend Julie Michel.
Que son rôle préventif soit délaissé ou non, cette professionnelle est, en général, bien reconnue pour son expertise sociale. « Dans les diverses instances (fonds social, conseils de classe, conseil de discipline, vie scolaire…), elle apporte un complément d’information et une analyse, qui peuvent expliquer les difficultés scolaires et permettre de mieux déterminer l’aide à apporter », explique Julie Michel. « Que ce soit sous la forme d’évaluations globales des situations, d’avis circonstanciés ou de conseils techniques, nous pouvons éclairer nos interlocuteurs avant la prise de décision », complète Chantal Jarjat.
Cette mise en perspective sociale qui s’ajoute à leur capacité de mobilisation, de coordination et de mise en réseau exige toutefois une énergie démesurée… qui peut s’épuiser parfois. D’autant plus qu’elles sont nombreuses à constater une dégradation et une complexification des situations familiales des élèves, qui leur demandent un investissement plus important. Or, face à cette montée des difficultés sociales, l’assistante sociale scolaire est très solitaire : « Chaque fois, “seule de son espèce” dans les établissements scolaires, c’est l’assistante qui doit “aller de l’avant” », souligne Pascale Garnier (11). Pour lutter contre cet isolement, certaines d’entre elles réfléchissent à des formes de travail plus collectives. Comme dans la Drôme où un groupe d’assistantes sociales scolaires a essayé de s’appuyer sur le centre médico-scolaire pour organiser des séances de travail et des permanences communes – expérience qui n’a malheureusement pas pu être pérennisée. Ou en Ardèche où la conseillère technique a impulsé une harmonisation des pratiques avec la création de supports communs, ce qui a clarifié le positionnement des assistantes sociales scolaires de l’académie et renforcé la cohérence du service.
Elles sont également nombreuses à tenter d’imaginer des modalités d’intervention dans les écoles primaires. Car, depuis la quasi-disparition du service social scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires, les difficultés, lorsqu’elles sont détectées au collège, sont déjà bien installées. « C’est parfois trop tard », regrette Julie Michel. D’autres prônent la généralisation, en direction des assistantes sociales scolaires, de séances d’analyse de la pratique sur le modèle de ce qui se fait déjà dans l’académie d’Aix-Marseille depuis une quinzaine d’années. Lieux d’un partage d’expériences et d’une prise de distance par rapport au quotidien, celles-ci participent aussi, de l’avis de Christine Roux, à la « construction d’une identité professionnelle » (12). Ce qui n’est, sans doute, pas un luxe pour les assistantes sociales scolaires.
Présent dans les collèges et les lycées (publics ou privés sous contrat), le service social scolaire en faveur des élèves (13) est chargé d’écouter, de conseiller et de soutenir les élèves en vue de favoriser leur réussite individuelle et sociale. Longtemps resté sous tutelle médicale dans une perspective hygiéniste et de santé publique, il n’a gagné son autonomie administrative qu’en 1985 lors de son rattachement au ministère de l’Education nationale – ce qui explique qu’aujourd’hui encore infirmières scolaires et assistantes sociales scolaires sont souvent confondues.
Formation
Les assistantes sociales scolaires – des femmes à plus de 95 % – sont titulaires du diplôme d’Etat d’assistant de service social.
La plupart ont obtenu en plus le concours d’assistant de service social de l’Education nationale et sont fonctionnaires d’Etat de catégorie B.
Les autres ont le statut de contractuel.
Si les conseillères techniques de l’académie sont leurs référentes au niveau professionnel, elles sont sous la responsabilité hiérarchique des inspecteurs d’académie.
Missions (loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation et circulaire du 11 septembre 1991)
« Les personnels du service social concourent directement aux missions de service public de l’éducation et contribuent à assurer le fonctionnement des établissements et services de l’Education nationale ».
« L’action sociale au profit des élèves se situe dans le cadre d’un renforcement général du dispositif de prévention » et « constitue un moyen privilégié pour lutter contre les inégalités et faciliter, si besoin est, une intervention précoce d’autres services spécialisés ».
Il s’agit de :
« contribuer à aider l’élève à construire son projet personnel qui a pour objectif général l’entrée aussi satisfaisante que possible dans la vie adulte sous ses aspects professionnels, sociaux et personnels ». Il contribue ainsi à la prévention de l’échec scolaire et à ses conséquences ;
participer « à l’orientation et au suivi des élèves en difficulté », « à la prévention et la protection des mineurs en danger », « à l’éducation à la vie et à la responsabilité en prenant en compte la dimension sociale de la santé » et « à contribuer à faire de l’école un lieu de vie ».
Le service social s’adresse à tous les élèves, même si un effort particulier doit être fait en direction de ceux qui sont le plus en difficulté « par des actions personnalisées […] à la demande de la communauté éducative, de l’élève lui-même ou de ses parents » et « par des actions globales […] s’harmonisant notamment avec la politique de réduction des inégalités ».
« L’assistant social bénéficie d’une autonomie dans l’exercice de sa profession […].
Il ne peut, en particulier, intervenir, ni communiquer des renseignements dans un but de contrôle des individus ».
La lutte contre les violences scolaires et l’absentéisme sont désormais des priorités nationales. Les mesures prises à la suite des états généraux de la sécurité à l’école d’avril 2010 privilégient toutefois la sanction et la répression plutôt que la prévention, déplorent nombre d’assistantes sociales scolaires. La loi du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire autorise ainsi la suspension des allocations familiales, à la demande de l’inspecteur d’académie, dans le cadre d’une procédure très réglementée (14).
Cette mesure est « surtout un affichage médiatique qui ne va en rien régler le problème », avance Samuel Delépine, secrétaire national du SNUAS-FP-FSU. « L’absentéisme étant lié à des causes multiples, la suspension des allocations familiales ne fera pas revenir un enfant à l’école, déplore Julie Michel, assistante sociale dans l’académie de Grenoble. Au contraire, elle risque d’enfoncer les familles un peu plus, notamment si elles sont bénéficiaires des minima sociaux. Plutôt que d’entrer dans cette logique répressive, nous devons être force de proposition et trouver des solutions adaptées qui passent par le partenariat et la prévention. »
Dans la Seine-Saint-Denis, un dispositif préventif existe déjà pour lutter contre l’absentéisme scolaire : si l’établissement a épuisé toutes les solutions, il s’adresse au pôle pédagogique, social et d’orientation (PPSO) – une équipe pluri-disciplinaire comprenant notamment une conseillère d’orientation et deux assistantes sociales scolaires (à temps plein pour les moins de 16 ans et à mi-temps pour les plus de 16 ans). Installé auprès de l’inspecteur d’académie, ce pôle étudie les situations, les analyse et reçoit en binôme (conseillère d’orientation et assistante sociale) les élèves et les familles. Objectif : favoriser la reprise de la scolarité ou envisager des solutions alternatives en créant les conditions d’un dialogue. « C’est une mesure d’accompagnement qui permet d’explorer toutes les causes possibles de l’absentéisme, qu’elles soient sociales, familiales, médicales, liées à une mauvaise orientation… La procédure de suspension des allocations familiales relève, quant à elle, de la responsabilité de l’inspecteur d’académie et ne se mettra en place que si aucune solution n’est trouvée », explique Véronique Guéneau, conseillère technique de service social dans l’académie de Créteil.
En Ardèche également, l’inspection académique a mis en place, dès 2005, des procédures précisant le rôle de l’établissement, du service social scolaire, de l’inspection d’académie… « On ne part pas de rien, explique Chantal Jarjat, conseillère technique de service social dans l’académie de Grenoble. Il nous faut juste adapter et enrichir un peu notre dispositif. » Comme pour sa collègue Véronique Guéneau, il est clair, pour elle, que la suspension des allocations ne sera appliquée qu’en ultime recours, ce qui laisse une « marge de manœuvre importante ».
Il n’empêche, sur le terrain, les professionnelles ont le sentiment de devoir, de plus en plus fréquemment, trouver un compromis acceptable entre sanction et défense des élèves.
Comment à la fois répondre à la demande de signaler les élèves absents (ou « perturbateurs ») et à leur mission d’accompagnement ? Face à cette injonction paradoxale, elles refusent globalement d’être utilisées à des fins de contrôle. « Le service social est au service des élèves, pas d’une politique, ce qui pousse à résister », fait valoir une assistante sociale scolaire, qui a souhaité garder l’anonymat. Pour conserver cette indépendance, elles peuvent d’ailleurs s’appuyer sur la circulaire du 11 septembre 1991 qui précise qu’elles ne peuvent intervenir dans un but de contrôle des individus (voir encadré, page 31).
(1) In Les assistantes sociales à l’école – Ed.PUF, 1997.
(2) In Entre travail social et Education nationale : la double inscription de l’assistante sociale scolaire, mémoire pour l’obtention du diplôme d’Etat d’ingénierie sociale – Collège coopératif, Provence-Alpes-Méditerranée – Décembre 2009.
(3) In « Quand le positionnement professionnel est questionné à l’Education nationale : évolution du service social scolaire au regard des nouveaux dispositifs » – ANAS – Revue française de service social n° 240, 2011.
(4) De façon très marginale, certaines collectivités locales, comme Paris, se sont néanmoins dotées, à leur charge, d’un service social scolaire pour l’enseignement primaire.
(6) Dans une tribune libre publiée dans les ASH n° 2694 du 28-01-11, p. 28.
(7) In Les assistantes sociales à l’école – Op. cit.
(8) In Entre travail social et Education nationale – Op. cit.
(9) D’abord expérimenté dans l’académie de Créteil, ce dispositif, qui consiste à améliorer le dialogue entre parents d’élèves et école, a été généralisé à la rentrée 2010.
(10) In « Un travail de médiation », article paru dans le dossier « L’école au cœur du social » – Informations sociales n° 75, 1999.
(11) Ibid.
(12) In « Quand le positionnement professionnel est questionné à l’Education nationale : évolution du service social scolaire au regard des nouveaux dispositifs » – Op. cit.
(1) Le service social de l’Education nationale comprend également un service social en faveur des étudiants et un service social des personnels.