Le ministère de l’Intérieur et de l’Immigration fait le point, dans une instruction adressée aux préfets, sur le droit au séjour des personnes victimes de violences physiques ou psychologiques dans le cadre familial.
Les règles en la matière ont fait l’objet depuis 2003 d’une attention régulière du législateur, évoluant dans le sens d’une plus grande protection de cette population lorsque les violences conjugales sont à l’origine d’une rupture de la vie commune. L’idée étant de répondre à la situation des ressortissants étrangers en situation régulière dont le droit au séjour est dépendant de l’existence d’une vie maritale, mais aussi à celle des étrangers victimes de violences conjugales et détenteurs d’une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales, qu’ils soient en situation régulière ou non.
L’instruction du ministère décrit les dispositifs applicables selon les différents cas de figure, afin de faciliter l’instruction des demandes de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour présentées par les personnes entrant dans ces catégories.
Premier cas de figure envisagé : celui du ressortissant étranger victime de violences conjugales dont le droit au séjour est associé au statut de son conjoint – que ce soit en tant que conjoint de Français ou en tant que bénéficiaire du regroupement familial – et qui a rompu la vie commune pour s’en protéger. Toute personne entrant dans cette catégorie et se présentant auprès des préfectures en faisant valoir la réalité des violences peut voir sa carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » renouvelée, en dépit de la rupture de la communauté de vie. Il ne s’agit toutefois que d’une possibilité. « La circonstance qu’une personne atteste être victime de violences conjugales ne suffit pas à elle seule à fonder [la] décision de renouveler ce titre », souligne le ministère. Le pouvoir d’appréciation des préfets reste entier et il leur revient d’examiner la situation personnelle de l’intéressé ainsi que les éléments justificatifs des violences invoquées (dépôt de plainte, jugement de divorce, condamnation du conjoint pour ce motif, témoignages, attestations médicales, etc.).
Autre règle protectrice : en cas de violence commise après son arrivée sur le territoire mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger d’un Français ou bénéficiaire du regroupement familial doit se voir délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public et sous réserve que la réalité de ces violences soit établie, une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale ». Dans cette circonstance, insiste le ministère, les préfets sont tenus de délivrer le titre de séjour et leur pouvoir d’appréciation ne s’exercera que lors de la demande de renouvellement de ce titre.
Enfin, l’instruction rappelle qu’il est expressément prévu dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que le retrait du titre de séjour n’est pas possible, tant en ce qui concerne le conjoint de Français que le conjoint bénéficiaire du regroupement familial, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison des violences qu’il a subies de la part de son conjoint (et si ces violences sont avérées).
La loi protège également la personne étrangère mariée, liée par un pacte civil de solidarité ou vivant en concubinage, victime de violences conjugales et détentrice d’une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales. Et ce, que l’intéressée soit en situation régulière ou irrégulière. Précision importante : la délivrance du titre de séjour est dans ce cas de figure de plein droit en raison de l’existence d’un acte formel de l’autorité judiciaire (l’ordonnance de protection). Les préfets n’ont donc aucune marge d’appréciation sur ce point.
Ainsi, concrètement, le titre de séjour arrivé à expiration de l’étranger bénéficiant d’une telle ordonnance en raison de violences conjugales doit être renouvelé, sauf menace pour l’ordre public.
Par ailleurs, l’étranger bénéficiaire d’une ordonnance de protection qui se présente en préfecture pour obtenir la délivrance d’une première carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » doit se voir délivrer ce titre « dans les plus brefs délais », sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public et dès lors qu’il n’existe pas de doute sur l’identité de la personne titulaire de l’ordonnance de protection et sur l’authenticité de celle-ci.
Le ministère insiste sur le fait que le régime applicable aux personnes bénéficiant d’une ordonnance de protection ne se substitue pas au régime général applicable aux étrangers victimes de violences conjugales. Les préfets ne peuvent donc pas exiger systématiquement la production d’une ordonnance de protection pour instruire une demande de renouvellement ou de délivrance d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » déposée dans le contexte d’une rupture de la vie commune en raison de violences conjugales.
Le droit au séjour des ressortissants algériens étant régi par l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, cette population ne bénéficie pas, en principe, des deux dispositifs décrits ci-dessus. Toutefois, précise le ministère, conformément à une jurisprudence constante du Conseil d’Etat, les préfets peuvent, dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire, tenir compte, parmi d’autres éléments, de la circonstance de violences conjugales, « attestée par tout moyen, en particulier par ordonnance de protection », pour décider du droit au séjour d’un ressortissant algérien.