« C’est un moment historique », assure Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France (ADF). Il a en effet signé le 21 septembre, avec quatorze fédérations gestionnaires de services d’aide à domicile (1), une convention de partenariat « pour une refondation des services d’aide et d’accompagnement à domicile autorisés par les conseils généraux ». Celle-ci résulte « de la volonté de trouver des solutions concrètes pour refonder l’organisation de la prise en charge à domicile des personnes en perte d’autonomie et pas seulement de réformer un système de tarification devenu insupportable », explique l’ADF.
Ce texte ambitieux est le fruit d’un travail de 18 mois menés par l’ADF ? et le « Collectif des 16 », regroupant l’ensemble des organisations du secteur. Face aux difficultés structurelles des services liées à l’inadéquation du mode de tarification et à l’absence de réponses de la part des pouvoirs publics (2), l’association d’élus et les fédérations gestionnaires avaient en effet choisi, dès février 2010, de réfléchir ensemble à l’élaboration d’un nouveau mode de financement.
A partir de ces travaux, les deux parties – financeurs et opérateurs – ont abouti à un diagnostic partagé des dysfonctionnements du système de tarification. Il est « à bout de souffle », « trop complexe et porteur d’injustice » et ne répond plus aux besoins actuels, résume Yves Daudigny, sénateur (PS), président du conseil général de l’Aisne et président de la commission « Politiques sociales et familiales » de l’ADF. En cause : un pilotage départemental complexe du fait de la coexistence d’un système d’agrément et d’autorisation, une tarification horaire inadéquate, des plans d’aide inadaptés et partiellement mis en œuvre, une annualité budgétaire inappropriée pour gérer les ressources humaines des services et prendre en compte les besoins des personnes et de l’entourage.
En premier lieu, la convention prévoit de rénover le processus d’autorisation afin que celle-ci vaille mandatement et permette aux services d’aide à domicile d’être considérés comme des services sociaux d’intérêt général. Par ailleurs, elle prévoit la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) entre le département et l’association gestionnaire. Elle supprime la tarification horaire pour instaurer un forfait global qui est versé à 90 % au cours de l’exercice et le reste en fin d’exercice. Au-delà des heures d’intervention, ce prix tient compte des niveaux de dépendance de la personne aidée, de la qualité et de la capacité de son entourage, de son environnement géographique, des difficultés sociales, de la qualification des intervenants… Il implique aussi un double plafonnement pour les dépenses de structure et les temps de « non-présence directe » des intervenants (réunion, supervision, droit syndical…). La convention prévoit, par ailleurs, que les modalités de participation des usagers respectent les principes d’équité territoriale.
Enfin, les deux parties s’engagent à dégager « des gains de productivité dans les tâches administratives » par la suppression des facturations individuelles, la mise en place de la télégestion, la mutualisation des « heures perdues » par le service, notamment à cause des hospitalisations.
Deux départements – l’Oise et le Doubs – se sont lancés, dès cet été, dans l’expérimentation de ce nouveau mode de tarification en signant, avec leurs partenaires associatifs, des conventions proches de celle qui vient d’être signée à l’échelon national. Sur la base du volontariat, des « préfigurations » devraient être mises en œuvre par les départements et les services. L’Assemblée des départements de France et le collectif devraient poursuivre leurs travaux et espèrent pouvoir faire des simulations en s’appuyant sur un organisme tiers comme la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Le 21 septembre est « une étape très importante pour le secteur, reconnaît Hugues Vidor, directeur général d’Aide à domicile, mais tout reste à faire ». C’est ainsi que, si la convention permet aux conseils généraux et aux services de mener des expérimentations sur le terrain, elle n’est pas sécurisée juridiquement. Dans ce but, l’ADF prévoit, par la voix du sénateur Yves Daudigny, de déposer des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012. L’opération avait déjà été tentée lors de l’examen du PLFSS 2011 alors que les grands principes de la nouvelle tarification n’étaient qu’à l’état d’ébauche, mais l’amendement avait été rejeté par le gouvernement.
Avec cette convention, « le gouvernement ne peut plus nous ignorer », affirme Claudy Lebreton. Les pouvoirs publics ne cessent en effet, depuis deux ans, de renvoyer la question des difficultés du secteur à la réforme de la dépendance, qui vient encore une fois d’être repoussée.
Mais pour la survie des services à très court terme, le « Collectif des 16 » continue de réclamer un fonds de soutien financier. La promesse, le 17 septembre, par Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, de débloquer 50 millions d’euros pour venir en aide aux services en difficulté ne le satisfait pas.
Le collectif réclame toujours que le code de l’action sociale intègre les familles aidées dans le public dit « fragile », pour que les services « familles » puissent bénéficier des exonérations « aide à domicile ». Enfin, il attend toujours l’agrément et l’extension de la convention collective unique de l’aide à domicile signée le 21 mai 2010.
(1) Adessa A Domicile, AD-PA, Aînés ruraux, APF, CFPSAA, Croix-Rouge française, FNAAFP-CSF, Fnadepa, Fnapaef, Fnaqpa, Mutualité Française, UNA, Unccas, Uniopss. Notons que l’ADMR ne fait pas partie des signataires.
(2) Plusieurs réunions ont eu lieu à la direction générale de la cohésion sociale sur la situation financière des services d’aide à domicile – Voir ASH n° 2719 du 22-07-11, p. 33.