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La Cour des comptes appuie à son tour l’idée d’un « bouclier sanitaire »

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Comme la commission des comptes de la sécurité sociale en juin dernier (1), la Cour des comptes indique que le déficit du régime général de la sécurité sociale s’établit à près de 24 milliards d’euros en 2010. Dans son rapport sur l’état des comptes sociaux en 2010 (2) présenté le 8 septembre, l’instance relève que, sans surprise, la situation des branches maladie et vieillesse explique pour l’essentiel cette situation. Mais, d’après elle, « le niveau exceptionnellement élevé des déficits ne s’explique que partiellement par la crise économique. Moins de la moitié de celui du régime général provient de la faiblesse de la conjoncture : les facteurs structurels expliquent environ 0,7 point d’un déficit qui a représenté 1,2 point de produit intérieur brut [PIB] en 2010. » Au-delà, la cour s’est penchée sur les dispositifs d’exonérations du ticket modérateur et d’aide à la souscription d’une complémentaire santé, sources, selon les magistrats financiers, d’inéquités et de dépenses inconsidérées. Pour contrer cette « spirale d’accroissement de la dette sociale », l’instance formule un certain nombre de propositions qui pourront compléter celles que le gouvernement doit présenter le 22 septembre dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Un respect de l’ONDAM fragile

Pour la première fois depuis dix ans, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM), fixé à 162,4 milliards d’euros en 2010 (soit + 2,9 % par rapport à 2009), a été tenu, avec des dépenses un peu inférieures. Une situation qui s’explique notamment par le respect du sous-objectif « soins de ville » pour la deuxième année consécutive (3). « Cependant, souligne la Cour des comptes, le respect de l’ONDAM reste fragile car il résulte aussi en 2010 d’éléments plus circonstanciels difficilement reproductibles. » S’agissant de l’ONDAM médico-social, l’instance note un dépassement de 191 millions d’euros de l’objectif global de dépenses (OGD) pour le secteur des personnes handicapées. Ce dépassement, qui porte sur 2,3 % de l’OGD, « devient ainsi significatif ». En revanche, le budget alloué au secteur des personnes âgées est toujours affecté par des sous-consommations (230 millions), de l’ordre de 2,8 % de l’OGD prévu (contre 8 % en 2009 et 3,5 % en 2010).

Au vu de ces résultats, le ministre de la Santé a indiqué, dans un communiqué du 8 septembre, que l’effort sera poursuivi avec le vote d’une progression de l’ONDAM de 2,8 % par an entre 2012 et 2014. Mais, pour la Cour des comptes, si le respect d’un taux de croissance de l’ONDAM de 2,8 % pourrait permettre un « recul de la part des dépenses d’assurance maladie dans le PIB, [il] ne suffirait cependant pas à résorber totalement le déficit structurel » (4).

Un dispositif d’exonérations de ticket modérateur peu cohérent et coûteux

Les dispositifs de prise en charge à 100 % des dépenses de santé par la sécurité sociale en faveur de certains assurés (femmes enceintes, mineurs…) sont complexes, illisibles et peu cohérents, du fait même de la multiplicité des motifs d’exonération (5), estiment les magistrats de la rue Cambon. Le système d’exonération du ticket modérateur est aussi incohérent parce qu’il résulte d’« une stratification progressive de mesures prises isolément sans véritable évaluation de leur pertinence et de leur cohérence ». En outre, relève l’instance, « le périmètre des prises en charge est très variable, là encore sans que les justifications n’apparaissent clairement ». Bien que le montant des dépenses engendrées à ce titre n’ait pas été évalué, une étude de la caisse nationale d’assurance maladie a montré que les seules exonérations de ticket modérateur pour les soins dispensés en ville dépasseraient les 10 milliards d’euros en 2009.

Par ailleurs, malgré le nombre important de motifs d’exonération de ticket modérateur, certains assurés supportent des restes à charge élevés, en particulier les 6 % d’assurés dépourvus de couverture complémentaire de santé. Ces sommes concernent surtout les frais d’hospitalisation, d’optique et dentaire. « En tout état de cause, l’objectif de limitation des restes à charge importants n’est pas complètement atteint », déplore la Cour des comptes, qui préconise donc deux voies de réforme indispensables dans un contexte de grave déficit des comptes sociaux. « A minima, il conviendrait de supprimer les exonérations ciblées non justifiées, tout en veillant à éviter de compromettre l’accès aux soins des assurés en remodelant certains dispositifs fortement inégalitaires », estime-t-elle. Et d’ajouter qu’une « réforme globale et équilibrée de la participation des assurés à l’hôpital s’impose désormais de manière pressante ». Autre solution : supprimer tout ou partie des exonérations ciblées existantes et « mettre en place un régime unifié de prise en charge ». Une préconisation qui pourrait prendre la forme d’un bouclier sanitaire (6), sous réserve que des expertises approfondies soient diligentées pour mesurer notamment l’ampleur des transferts de charges entre catégories d’assurés qui pourraient en résulter.

Des aides à l’acquisition d’une complémentaire santé imparfaites

Les aides fiscales et sociales en vue de favoriser la couverture maladie complémentaire des assurés, bénéficiant pour l’essentiel aux contrats collectifs, sont d’un « coût élevé » (4,3 milliards d’euros), d’une « pertinence discutable » et « mal utilisées au regard même des objectifs qu’elles se fixent », souligne la Cour des comptes. En outre, les garanties offertes par les contrats collectifs sont plus avantageuses que celles des contrats individuels. Les dispositifs de soutien aux assurés défavorisés – couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé (ACS) – sont, quant à eux, « mal articulés », estime l’instance. Elle regrette entre autres « l’étroitesse de la fourchette de revenu qui ouvre droit [à l’ACS] ainsi que la nécessité d’en faire la demande contrairement à la CMU-C ». La Cour des comptes suggère donc, par exemple, de « rediriger au moins pour partie les aides consacrées aux contrats collectifs en direction des assurés disposant de faibles revenus afin notamment de supprimer l’effet de seuil trop marqué constaté entre la CMU-C et l’ACS, dispositif qu’il convient par ailleurs de continuer de promouvoir activement ». Concrètement, cela reviendrait à élargir la fourchette de revenu qui permet de prétendre à l’ACS. L’instance préconise aussi d’utiliser à cet effet les sommes dégagées par la remise en cause totale ou partielle de certaines exonérations du ticket modérateur (voir ci-dessus).

Le gouvernement promet un recul rapide des déficits sociaux

Le constat dressé par la Cour des comptes sur la situation financière du régime général de la sécurité sociale n’entame en rien l’optimisme du gouvernement. La réforme des retraites de 2010, la fixation à 2,8 % du taux de progression de l’ONDAM pour 2012 et les mesures d’économies annoncées par le Premier ministre le 24 août dernier (taxation des mutuelles, suppression de niches sociales) (7) conduiront à un « très net redressement de la situation de la sécurité sociale », affirme la ministre du Budget et des Comptes publics dans un communiqué du 8 septembre. Valérie Pécresse soutient également que, « en deux ans, entre 2010 et 2012, le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse sera réduit de près de 40 % et le déficit de l’assurance maladie divisé par deux ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2714 du 17-06-11, p. 10.

(2) Sécurité sociale – Septembre 2011 – Disp. sur www.ccomptes.fr.

(3) Toutefois, relève le rapport, « même en prenant en compte les mesures supplémentaires décidées en cours d’année, le rendement des économies attendues est significativement inférieur aux 1,8 milliard d’euros attendus. »

(4) En effet, précise le rapport, cela conduirait à un très lent recul du déficit, qui serait encore de 5 milliards en 2020 avec un retour à l’équilibre seulement en 2027.

(5) Les exonérations peuvent être liées au coût des prestations (affection de longue durée, hospitalisations longues…), à des considérations de santé publique (frais de dépistage du VIH/SIDA, actions de prévention pour les mineurs…) ou à la situation des bénéficiaires (invalides, femmes enceintes…).

(6) Proposée par Martin Hirsch en 2007, la création d’un bouclier sanitaire a aussi trouvé écho au sein de la Haute Autorité de santé, du Haut Conseil de la santé publique et de l’Assemblée nationale – Voir notamment ASH n° 2535 du 14-12-07, p. 13, n° 2585 du 5-12-08, p. 8, n° 2637 du 18-12-09, p. 12.

(1) Voir ASH n° 2722 du 2-09-11, p. 5.

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