Chargé, depuis l’an dernier, par l’Elysée d’une mission de suivi des questions liées à l’application du principe de laïcité en France, le Haut Conseil à l’intégration (HCI) a mis en place à cet effet un groupe de travail composé d’une vingtaine de personnalités d’horizons professionnels et philosophiques différents. Au cours des six derniers mois, ce groupe de travail s’est intéressé plus spécifiquement à « l’expression religieuse et la laïcité dans l’entreprise » et vient de remettre un avis sur le sujet au Premier ministre (1). En effet, si pendant longtemps la question des revendications de nature religieuse ne s’est guère posée dans l’entreprise, « ce n’est plus le cas aujourd’hui », a expliqué le HCI le 6 septembre dans un communiqué faisant état de situations conflictuelles en augmentation. C’est ainsi à la lumière de la récente affaire de la crèche Baby-Loup que, dans l’avis remis à François Fillon, le groupe de travail se prononce pour l’extension du principe de laïcité aux structures privées des secteurs social, médico-social et de la petite enfance, qui régit déjà les services publics. Ce faisant, le Haut Conseil s’inscrit dans la droite ligne de la résolution UMP adoptée le 31 mai dernier par l’Assemblée nationale (2).
Dans le domaine particulier de la prise en charge de la petite enfance, le HCI estime ainsi que les personnels des établissements privés associatifs ou d’entreprises qui prennent en charge des enfants, sur un mode collectif, dans des crèches ou haltes garderies ou, pour les enfants en situation de handicap, dans des établissements spécialisés du secteur privé – hors les structures présentant un caractère propre d’inspiration confessionnelle – se doivent d’appliquer les règles de neutralité et d’impartialité. « Elles sont en effet les seules à pouvoir satisfaire au respect des convictions différentes des enfants et de leurs parents, à l’égale considération de tous », estime le Haut Conseil.
De façon plus générale, l’instance défend que le principe de laïcité régissant les services publics doit être étendu aux structures privées des secteurs social, médico-social ou de la petite enfance chargées d’une mission de service public ou d’intérêt général, hors le cas des aumôneries et des structures présentant un caractère propre d’inspiration confessionnelle. Elle adopte la même position s’agissant du secteur des prestations d’aide au maintien à domicile des personnes âgées dépendantes, ainsi que des établissements privés qui les prennent collectivement en charge, plaidant pour que le personnel encadrant respecte également les principes de neutralité et de discrétion. Pour le HCI, « tout affichage manifestant ostensiblement une appartenance religieuse doit être proscrit, hors le cas, s’entend, des aumôneries et des structures présentant un caractère propre d’inspiration confessionnelle. » Et l’instance d’insister : « on ne peut respecter les convictions de tous que par la neutralité dans le cadre des prises en charge institutionnelles ou dans les accompagnements plus individuels qui ont lieu au domicile privé de l’usager ».
Signalons, enfin, que le HCI recommande plus globalement, sur la question des revendications de nature religieuse dans les entreprises privées, une modification législative du code de travail, afin que celles-ci puissent « intégrer dans leur règlement intérieur des dispositions relatives aux tenues vestimentaires, au port de signes religieux et aux pratiques religieuses ». L’instance est, à cet égard, sur la même ligne que le ministre de l’Intérieur, qui a d’ores et déjà fait savoir que son souhait est précisément « de privilégier le recours au règlement intérieur de la structure pour intégrer des prescriptions en matière de neutralité » (3). Pour mémoire, un groupe de travail interministériel a été chargé, en mai dernier, par Claude Guéant de clarifier les conditions d’application du principe de neutralité du service public et d’en proposer les « conclusions juridiques appropriées ».
(1) Avis disponible sur