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Acquisition de la nationalité française : les préfets appelés à la vigilance dans le contrôle de l’assimilation

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Poussé par l’aile dure de l’UMP à revoir le droit de la nationalité, le ministre de l’Intérieur a fait savoir cet été que le gouvernement n’avait, pour l’instant, pas l’intention de légiférer sur la question. Une convention du parti de la majorité devrait toutefois se tenir en octobre pour y aborder les thèmes de la déchéance et de l’acquisition de la nationalité ou bien encore de la binationalité. En attendant, Claude Guéant a, le 24 août, adressé aux préfets une circulaire pour les guider dans l’instruction des demandes d’acquisition de la nationalité française et, « à la lumière de plusieurs cas récents », les appeler à la vigilance dans le contrôle de « l’assimilation », condition sine qua non à respecter pour devenir français tant par naturalisation qu’au titre du mariage avec une personne de nationalité française.

En clair, le ministre souhaite que les préfets s’assurent avec la plus grande rigueur que les demandeurs de la nationalité française épousent bien le style de vie et les valeurs de la France.

Dans le cadre d’une procédure d’acquisition par le mariage

Les conjoints de Français disposent, pour accéder à la nationalité française, de conditions favorables, leur situation matrimoniale constituant en soi une présomption de bonne intégration. Ils bénéficient à cet effet d’une procédure déclarative. Pour autant, « cela ne signifie en rien que cette voie d’accès à la nationalité soit automatique », rappelle Claude Guéant. En effet, le gouvernement peut toujours s’y opposer, dès lors qu’il en considère les conditions non remplies. Le ministre insiste sur le rôle d’alerte qui incombe aux préfets en la matière.

Deux notions permettent de fonder une opposition : l’indignité et le défaut d’assimilation autre que linguistique (1). La première s’apprécie de plusieurs façons. « Elle peut être constatée par la commission de faits répréhensibles avérés, […] en France ou dans un pays étranger, examinés en fonction de leur ancienneté, de leur répétition et de leur gravité », explique Claude Guéant, ajoutant qu’« elle peut tenir compte du loyalisme du déclarant à l’égard des institutions publiques, de l’administration fiscale ou encore des organismes sociaux ». Et le ministre de citer des cas d’indignité reconnus par le Conseil d’Etat : perception frauduleuse pendant plusieurs années de prestations de la caisse d’allocations familiales, perception indue du revenu minimum d’insertion, exercice d’un travail dissimulé, aide à l’entrée et à la circulation ou au séjour irrégulier en France, etc.

Claude Guéant estime que les « comportements prosélytes contraires aux valeurs républicaines, par exemple le militantisme actif au sein de mouvements ou d’associations considérés comme extrémistes ou radicaux » entrent également dans ce champ « dès lors qu’ils encouragent la propagation de thèses contraires ou hostiles aux valeurs essentielles de la communauté française ».

Le ministre apporte par ailleurs des précisions sur sa vision de l’assimilation à la communauté française (autre que linguistique), laquelle suppose « une adhésion aux règles de fonctionnement et aux valeurs de tolérance, de laïcité, de liberté et d’égalité de la société française ». Il rappelle au passage que les faits expressément visés par le code civil sont la situation effective de polygamie du conjoint étranger ainsi que la condamnation au titre de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur un mineur de 15 ans. « Le défaut d’assimilation est ainsi constaté lorsque le déclarant se trouve formellement dans les liens de plusieurs unions matrimoniales ou, précise-t-il, dans une situation de fait assimilable à la polygamie, déterminée par la présence, dans le même espace de proximité, de l’épouse et de la concubine. »

Ces situations ne sont toutefois pas les seules à permettre une opposition pour défaut d’assimilation. Claude Guéant multiplie, à cet égard, les exemples. L’adoption au quotidien d’attitudes discriminatoires vis-à-vis des femmes, telles que le refus de leur serrer la main, révèle ainsi un défaut d’assimilation. « Il en va de même de l’autorité du déclarant à l’égard de son épouse, de ses filles ou de ses sœurs marquées par exemple par une interdiction de participer à toute vie sociale, le confinement au domicile, le mariage forcé, l’interdiction de poursuivre des études ou de suivre une formation ou encore l’interdiction de signer un contrat d’accueil et d’intégration. »

S’attardant plus spécifiquement sur la question du port du voile, le ministre précise que la stricte observance d’une religion et la manifestation d’un attachement aux principes de cette religion par le port d’un insigne ou d’un vêtement traditionnel ne sont pas suffisantes pour constituer le défaut d’assimilation. Toutefois, une opposition peut être envisagée « si le dossier fait apparaître que cet aspect du comportement s’inscrit dans un mode de vie nettement et objectivement incompatible avec les valeurs essentielles de la République française ».

Dans le cadre d’une procédure de naturalisation

L’autorité administrative dispose d’un large pouvoir pour apprécier l’opportunité d’accorder ou non la nationalité française à un candidat à la naturalisation. La circulaire livre quelques exemples de situations pouvant fonder une décision d’irrecevabilité pour défaut d’assimilation : une pratique radicale de la religion ou un mode de vie non conforme aux us et coutumes tel que le confinement au foyer, la limitation des relations sociales avec des personnes de l’autre sexe, une attitude intolérante ou discriminatoire fondée sur des critères de sexe, de race, de religion ou de nationalité tels que le dénigrement de certaines communautés ou l’appartenance à des mouvements radicaux prônant l’action violente.

Le rôle d’investigation des préfets

Le ministre de l’Intérieur insiste sur le « caractère déterminant » des enquêtes diligentées par les préfets et donne à cet égard aux représentants de l’Etat

des instructions particulières s’agissant de celles visant les déclarants au titre du mariage.

« L’opposition pour défaut d’assimilation à la communauté française ne peut être engagée que si des éléments de preuve suffisamment précis et circonstanciés, portant sur des faits directement imputables au déclarant, sont de nature à révéler un comportement incompatible à l’acquisition de la nationalité française », explique ainsi Claude Guéant. En outre, si les postulants résident à l’étranger, l’appréciation de l’assimilation du déclarant devra être adaptée au contexte local de son pays de résidence.

Les préfets sont invités par ailleurs, dès lors qu’ils constatent des difficultés au titre de l’intégration à la communauté française, à auditionner les époux séparément puis ensemble « afin de mesurer le niveau éventuel de pression exercée par l’un des époux sur l’autre, ainsi que le degré d’implication de chacun d’entre eux dans le mode de vie familial ». Ces entretiens, précise le ministre, doivent être conduits par deux agents d’encadrement, l’un masculin, l’autre féminin, afin de permettre aux représentants de l’Etat « une observation plus fine et plus objective » des comportements de leurs interlocuteurs, « sans que ne se manifeste, bien évidemment, une quelconque remise en cause de la liberté religieuse ».

[Circulaire du 24 août 2011, n° NOR IOCN1114306C, disp. sur www.circulaires.gouv.fr]
Notes

(1) L’assimilation linguistique n’est pas comprise dans le champ de cette notion de défaut d’assimilation mais demeure un motif de refus d’enregistrement.

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