On entend la main avant de la distinguer. Patiente, aimante, elle caresse l’énorme feuille d’un philodendron, et le son de cette main parcourant les nervures évoque le bruissement d’une peau. « Moi, je ne veux pas qu’on me touche ! », avait prévenu Frida. A 87 ans, elle est convaincue qu’elle ne tombera plus amoureuse. Mais elle n’a rien perdu de sa sensualité. Elle s’exprime juste différemment : en caressant les plantes ou en mordant dans les poires de son jardin, sous le regard pudique de la caméra de Ludovic Virot.
A rebours du jeunisme ou du débat sur la dépendance des personnes âgées, le documentaire Le sens de l’âge aborde la vieillesse dans sa dimension humaine, à travers six octogénaires fatigués mais valides, conscients de leurs limites, mais aussi de leur chance d’être toujours debout. « Mourir, ça peut toujours aller, résume ainsi Jacqueline, 81 ans. Mais souffrir et se voir se déglinguer, c’est pas drôle. » Alertes mais détachés, pleins d’humour et sans regrets, ces six témoins racontent la perte des proches, les petits plaisirs du quotidien, les limites imposées par leur corps et le bonheur de se sentir en vie. De leur passé, de leur entourage, on ne saura pas grand-chose. L’une était psychanalyste, l’autre forestier, tout juste évoquent-ils leurs conjoints ou leurs amis. « Il me semblait important de ne pas les filmer dans un environnement social ou une fonction sociale, justifie Ludovic Virot. Je cherchais plutôt à entrer en relation avec chaque personne en tant qu’individu unique et singulier. » De ce parti pris naît un film d’une lenteur qui pourrait être de la sagesse, à l’esthétique époustouflante – jeux de lumière dans la forêt, bourdonnement des abeilles, flocons de neige sur les branches des arbres… – et au propos si anecdotique qu’il en devient universel.
Le sens de l’âge – Ludovic Virot – En salles le 14 septembre – 1 h 15 –