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PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE : « LE GOUVERNEMENT REPREND LA MAIN »

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Une circulaire du 8 juillet invite les préfets et procureurs de la République à intensifier la mise en œuvre de la politique de prévention de la délinquance (voir ce numéro, page 23). Un texte qui entérine le fossé qui sépare désormais cette dernière de la prévention sociale, analyse Virginie Gautron, maître de conférences à la faculté de droit de Nantes (1).

Que pensez-vous de cette circulaire ?

Elle confirme, après la loi du 5 mars 2007, la rupture idéologique qui s’est opérée sur la politique de prévention de la délinquance. Alors que la France a fait longtemps figure de modèle au plan international en privilégiant une définition fondée sur le traitement social de la délinquance avec l’idée d’agir sur les facteurs ou les processus considérés comme déterminants, il s’agit désormais de réduire les facteurs du passage à l’acte et de récidive. De moins en moins sociale, la prévention devient de plus en plus situationnelle et dissuasive. Si cette approche ne date pas de l’élection de Nicolas Sarkozy – dès 1997, le gouvernement de la gauche plurielle était revenu à une conception plus sécuritaire –, elle est aujourd’hui revendiquée et assumée sans état d’âme. Selon la circulaire, la politique de prévention « s’inscrit désormais dans le registre de la politique de sécurité en relation avec la politique pénale ».

Exit donc la prévention sociale ?

Le gouvernement ne décrédibilise pas les programmes de cohésion sociale, mais précise que la prévention de la délinquance s’en distingue du fait « d’objectifs et d’angles d’attaques différents ». Il se réjouit d’ailleurs que celle-ci se soit « éloignée de l’approche exclusivement socio-éducative d’origine ». La circulaire entérine donc cette coupure et, si elle fait encore référence à la prévention sociale, c’est pour la confondre avec la prévention précoce ; laquelle, loin d’être, comme au Canada, fondée sur une intervention sociale intensive menée par les travailleurs sociaux auprès de tout type de familles, est cantonnée à « des démarches plus individualisées de repérage » pour « que soient apportées au plan local des réponses immédiates et graduées à tout signalement de comportement incivil ».

Le texte revient d’ailleurs sur l’échange d’informations nominatives…

Il en rappelle en effet les vertus, n’hésitant pas à dénaturer l’article L. 121-6-2 du code de l’action sociale et des familles. Il n’est plus question de limiter le partage d’informations à « ce qui est strictement nécessaire à l’accomplissement de la mission d’action sociale », mais « aux informations strictement nécessaires pour agir efficacement ». Le gouvernement n’en est pas à une distorsion près de la loi pour étendre l’application d’un article pourtant contre-productif ! Car la légalisation des pratiques du secret partagé n’a fait que cristalliser les tensions entre travailleurs sociaux, municipalités et représentants de la justice et freiner le développement des chartes initiées par les acteurs locaux.

Le gouvernement veut néanmoins « intensifier la coopération » entre les acteurs…

Derrière cette « coopération », il s’agit surtout de reprendre la main sur les politiques locales de sécurité. Les procureurs, policiers, préfets sont invités à « aider » les collectivités territoriales dans la détermination de leurs priorités d’action en leur fournissant des informations sur l’évolution de la délinquance. Une formule infantilisante, comme si ces dernières avaient à apprendre des services de l’Etat, dont l’expertise locale est plus limitée qu’il n’y paraît ! Le gouvernement tente d’assujettir à sa propre rationalité ses partenaires locaux, qui ne seront aidés financièrement que s’ils utilisent « la boîte à outils » qu’on leur propose : rappels à l’ordre, conseils des droits et devoirs des familles…

Dans ce contexte, que peuvent faire les travailleurs sociaux ?

Ils sont tentés de déserter les instances partenariales – CLSPD, GLTD (2) – alors que c’est une façon de se tirer une balle dans le pied. Moins ils y sont, moins le discours préventif et éducatif a des chances d’exister. Même si les rapports peuvent être conflictuels, ils doivent au contraire investir ces lieux et y défendre le travail social !

Notes

(1) Voir aussi le site « Délinquance, justice et autres questions de société » : www.laurent-mucchielli.org.

(2) Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, groupes locaux de traitement de la délinquance.

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