A l’occasion d’une visite de deux centres de vacances et de loisirs dans le Var, le 3 août dernier, le ministre de la Jeunesse et de la Vie associative, Luc Chatel, a annoncé la mise en place à la rentrée d’un groupe de travail sur la durée du temps de travail et le droit au repos des animateurs occasionnels de centres de loisirs et de vacances. Une annonce qui fait suite à l’inquiétude des accueils collectifs de mineurs – largement relayée dans la presse cet été – suscitée par les difficultés financières que pourrait entraîner pour ces structures un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 14 octobre 2010 (sur les réactions associatives, voir ce numéro, page 31).
A l’origine de cette décision européenne, l’Union syndicale Solidaires Isère, qui a saisi en 2007 le Conseil d’Etat d’une demande d’annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 juillet 2006 sur le contrat d’engagement éducatif créé par la loi du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l’engagement éducatif (1). L’organisation syndicale faisait valoir notamment que ce texte était contraire à la directive européenne 2003/88/CE du 4 novembre 2003 sur l’aménagement du temps de travail en ce qu’il exclut les titulaires d’un contrat d’engagement éducatif du droit à une période minimale de repos journalier accordé aux travailleurs par le code du travail (11 heures). Le décret prévoit en effet seulement qu’ils bénéficient d’un repos minimum de 24 heures consécutives par semaine et que la durée cumulée des contrats conclus par une même personne ne peut excéder 80 jours sur une période de 12 mois consécutifs. Le Conseil d’Etat a décidé, avant de statuer, de saisir la CJUE pour lui demander si ces personnels relevaient bien du champ de la directive européenne du 4 novembre 2003. Dans sa décision du 14 octobre 2010 (2), la Cour européenne répond par l’affirmative. Selon elle, les titulaires d’un contrat d’engagement éducatif qui exercent des activités occasionnelles et saisonnières dans des centres de vacances et de loisirs et accomplissent au maximum 80 journées de travail par an relèvent du champ d’application de la directive. Or cette dernière prévoit que tout travailleur (3) bénéficie d’une période minimale de repos de 11 heures consécutives par période de 24 heures : le contrat d’engagement éducatif paraît donc, à première vue, incompatible avec la législation européenne, indique la cour. Toutefois, analyse-t-elle, les titulaires d’un tel contrat relèvent d’une dérogation prévue par l’article 17, paragraphe 3, b et c de la directive. Une disposition qui permet aux législations nationales d’adapter la durée du travail et les temps de repos de certains travailleurs pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d’assurer la protection des biens et des personnes ou pour les activités nécessitant d’assurer la continuité du service. Mais la mise en œuvre de cette dérogation est subordonnée à la condition que des périodes équivalentes de repos compensateurs ou, le cas échéant, une protection appropriée, soient accordées aux travailleurs concernés. Or, pour la CJUE, le fait que la durée cumulée de contrats d’engagement éducatif conclus par une même personne ne peut excéder 80 jours sur une période de 12 mois consécutifs ne satisfait pas à cette obligation d’accorder des repos compensateurs équivalents ou une protection appropriée.
Au vu de cet arrêt européen, le Conseil d’Etat, qui doit rendre sa décision en septembre, pourrait donc prononcer l’annulation du décret. Le gouvernement, aidé des conclusions du groupe de travail, prendra alors les mesures nécessaires pour assurer à la fois « le respect du droit du travail et la pérennité des colonies », a assuré le ministre de la Jeunesse, soucieux des risques pour l’équilibre financier des structures d’accueil collectif de mineurs et le coût des séjours.
Sans attendre les décisions gouvernementales, plusieurs députés (UMP) ont déposé, le 13 juillet à l’Assemblée nationale, une proposition de loi tendant à faire échec à la jurisprudence européenne. Ce texte insère au début de l’article L. 432-1 du code de l’action sociale et des familles définissant le contrat d’engagement éducatif un nouvel alinéa qui précise que « l’activité d’engagement éducatif, qui repose sur le volontariat et implique l’adhésion à un projet pédagogique et social, est exercé à titre occasionnel et saisonnier, dans des conditions qui lui sont propres, eu égard notamment à la nécessité d’assurer une présence permanente et continue auprès des mineurs faisant l’objet d’un accueil collectif à caractère éducatif ». « Cette définition permettrait d’échapper aux dispositions de la directive 2003/88/CE concernant l’obligation de repos quotidien, les spécificités de l’engagement éducatif étant clairement énoncées dans la loi », affirme l’exposé des motifs du texte.
(1) Statut dérogatoire au droit commun pour les personnels pédagogiques occasionnels en accueil collectif de mineurs, le contrat d’engagement éducatif permet de rémunérer les animateurs sur la base d’un forfait journalier (2,2 SMIC horaires) et de leur appliquer un régime de durée du travail adapté – Voir ASH n° 2456 du 19-05-06, p. 11 et n° 2466 du 25-08-06, p. 22.
(2) CJUE, 14 octobre 2010, aff. C-428/09, disp. sur
(3) Dans sa décision, la CJUE a considéré que, même s’ils ne sont pas soumis à certaines dispositions du code du travail, les titulaires d’un contrat d’engagement éducatif ont la qualité de « travailleur » au sens de la législation européenne.