RACHAT DE DETTE. « J’ai jamais voulu quitter le Zimbabwe et venir dans ce drôle d’endroit mais les choses m’ont forcé. » Fraîchement arrivé d’Afrique à Londres, le héros de Harare Nord, 22 ans, est sans le sou et sans papiers. Surtout, il a une dette de 5 000 € pour racheter sa liberté auprès de fonctionnaires corrompus. Son objectif ? Gagner assez d’argent en Angleterre pour rentrer au pays. Mais même quand on est intelligent et débrouillard, il est vain de croire que l’on peut économiser quoi que ce soit quand on est immigré. « L’argent, c’est comme les termites. Plus tu désires l’attraper, plus tu le fais rentrer de peur dans son trou », se rend-il vite compte. Ce roman retrace les longs mois où le clandestin tente de survivre. Après quelques semaines chez des cousins peu accueillants, son ami d’enfance, Shingi, lui propose de s’installer dans un squat habité par quatre compagnons d’infortune qui tous vivent de petits arrangements. La plus jeune, Tsiti, 17 ans, loue son bébé aux femmes cherchant un appartement auprès des services sociaux. Quand ils n’arnaquent pas, ils sont eux-mêmes arnaqués, par des patrons véreux, des dealers, des compatriotes… Alors que les galères s’enchaînent, sans permis de travail, sans aides sociales, le héros, persuadé qu’il est atteint du VIH ? parce qu’il a fait de la prison, doit aussi gérer les demandes d’argent venues du pays. S’il se rend compte qu’il a quitté une misère pour une autre, il ne perd jamais son humour. Et quand il admet que le retour est impossible, il utilise, comme à son habitude, une métaphore caustique : « La vie te fait croire que tu fais frire des pousses de soja et tout à coup tu te réveilles et tu réalises qu’en fait t’es en train de faire cuire des clous. » Brian Chikwava, auteur d’origine zimbabwéenne, a inventé une voix singulière et poétique, à travers celui que l’on devine être son double.
Harare Nord – Brian Chikwava – Ed. Zoé, coll. « Ecrits d’ailleurs » – 20 € –