Des désirs en déni

Souvent appréhendées ensemble sous l’angle de la dépendance, la situation des personnes handicapées et celle des personnes âgées présentent aussi des éléments de convergence au regard de l’accès à la sexualité. Dans les deux cas, les individus qui vivent en institution risquent de se voir considérés comme des êtres asexués (1). Dans le champ gérontologique comme dans celui du handicap, la question qui se pose est celle du rôle de l’acteur social amené à intervenir sur ce qui échappe ordinairement au regard d’autrui, explique Philippe Pitaud, directeur de l’Institut de gérontologie sociale de ­Marseille, maître d’œuvre de cet ouvrage collectif. Mais si, comme le souligne ­Marcel Nuss, formateur et écrivain en situation de handicap, il est difficile, aujourd’hui, d’ignorer la voix des personnes handicapées revendiquant le droit à un accompagnement sexuel, il n’en est pas de même pour ce qui concerne les personnes âgées. « Puisqu’il est déjà difficile de penser à la sexualité des gens âgés, il est encore plus malaisé de penser à celle des résidents en institution », constate Philippe Pitaud. Là n’est, d’ailleurs, pas le moindre des paradoxes de l’époque actuelle : le vieillissement de la population et l’omniprésence des figures du sexe en sont deux réalités incontournables, mais le couple sexualité-vieillesse ne fait pas bon ménage, note Jean-Jacques Amyot, psychosociologue spécialiste des problématiques de personnes âgées. Pourtant, même – « et peut-être surtout » – les établissements qui disent ne rien faire en ce qui concerne la sexualité ont une manière de s’occuper de la vie sexuelle de leurs pensionnaires, fait observer Alain Giami, directeur de recherche à l’Inserm. Reste à savoir laquelle. Pour aider les équipes à identifier leurs pratiques, attitudes et représentations à l’égard de la sexualité, Alain Giami propose une grille de réflexion utilisable par les professionnels d’institutions accueillant des résidents âgés comme par ceux qui interviennent auprès de personnes handicapées.