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Le torchon brûle entre l’Etat et les professionnels

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La mobilisation des professionnels de l’urgence sociale et des militants du droit au logement s’est accrue durant l’été. En cause : la réduction des crédits d’urgence au nom de la logique du « logement d’abord », malgré les besoins non satisfaits de places d’hébergement.

Le logement d’abord ? D’inspiration nord-américaine, l’idée de privilégier l’orientation vers l’habitation pérenne plutôt que vers une place d’hébergement est séduisante. Promue par le secrétaire d’Etat au logement pour mener à son terme la « refondation » des politiques françaises contre le sans-abrisme, elle est aussi plébiscitée par les associations. Reste que sa mise en musique se heurte pour l’heure à la difficile équation entre ce concept, encore théorique, et la réalité du terrain. Un sujet majeur pour la réussite de la réforme, qui divise pourtant l’Etat et les acteurs du secteur sur la stratégie à privilégier.

En juillet dernier, la réduction de 25 % du budget du SAMU social de Paris dévolu aux nuitées d’hôtel a entraîné l’annonce de la démission de son président, Xavier Emmanuelli (1). Puis, la mobilisation des professionnels et des militants pour le droit au logement n’a cessé de gonfler. Le 2 août dernier, la Coordination nationale des professionnels de l’urgence sociale ­lançait un appel à la grève : un mouvement inédit, suivi au cœur de l’été dans plus de 30 départements et soutenu par la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS). Car l’argument du secrétaire d’Etat au logement, Benoist Apparu – supprimer 4 500 places d’hôtel en Ile-de-France pour les remplacer par autant de places (1 500 nouveaux logements) en intermédiation locative (voir ce numéro, page 14) – ne convainc pas. « Aujourd’hui, en optant pour la restriction des financements accordés à l’hébergement, vous condamnez tout simplement, en dépit de la loi, des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants à l’errance, l’insécurité de chaque nuit, l’épuisement et à la désocialisation », écrivait la Coordination nationale des professionnels de l’urgence sociale dans une lettre adressée au chef de l’Etat le jour de la mobilisation. « On remet des personnes à la rue, on supprime des places d’hébergement et après seulement, peut-être un jour, on construira des logements. » De fait, faute de pouvoir répondre aux demandes, le 115 de Paris s’est vu contraint d’orienter des familles vers les urgences hospitalières. Les professionnels témoignent de l’aggravation de la crise du secteur sur fond d’austérité budgétaire. Selon une enquête réa­lisée le 20 juillet par l’Observatoire de la FNARS dans 34 départements (l’échantillon ne comprend pas Paris), les 115 répondent négativement deux fois sur trois aux appels. Et les couples avec enfants se voient le plus souvent essuyer un refus.

La charrue avant les bœufs

Dans ce contexte, les acteurs de l’hébergement et du logement accusent le gouvernement de mettre la charrue avant les bœufs en sacrifiant les dispositifs d’urgence et le principe de l’accueil inconditionnel. L’ensemble des crédits consacrés à l’hébergement a chuté de 3 % en 2011 et, selon la FNARS, le budget voté pour les dispositifs d’urgence en loi de finances initiale 2011 (248 millions d’euros) s’est réduit de 13 % par rapport aux crédits consommés (rallonges comprises) en 2010. « Si personne ne peut nier la pertinence d’un changement de stratégie, on ne peut, alors que l’on fait face à une urgence sociale, accepter la réponse du secrétaire d’Etat, réplique Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé-Pierre. On ne peut figer une réforme dans une logique comptable sans tenir compte des besoins des personnes. » Et si Benoist Apparu explique sa logique par un transfert de budgets en 2011, la réalisation des nouveaux logements en intermédiation locative demandera du temps. Actuellement, 1 600 logements Solibail sont en cours, alors qu’un objectif de 5 000 avait été annoncé dès 2009.

Des assises de l’hébergement

La grogne devrait encore s’accroître avant que le Premier ministre ne rencontre les associations à la rentrée, comme il s’y est engagé après l’annonce du départ du ­président du SAMU social. Le collectif « Urgence un toit », dont fait notamment partie le DAL et qui a multiplié les initiatives pendant l’été, appelle à une nouvelle journée de mobilisation nationale le 3 septembre. Pour répondre à ces tensions, le secrétaire d’Etat vient d’annoncer des assises interrégionales entre septembre et décembre, puis des assises nationales de l’hébergement à la fin de l’année, pour valider le concept du « logement d’abord ». La FNARS avait demandé des rencontres sur le sujet, sous une forme différente toutefois, puisqu’elle préconisait une conférence de consensus. « Il s’agit de dé­finir ce que l’on met dernière cette notion et ses modalités de mise en œuvre, explique François Brégou, responsable du service « analyse stratégique et partenariats » de la FNARS. Quelle est la place de l’hébergement, est-il possible de supprimer cette étape, dans quelles conditions ? Il y a des approches diverses sur le sujet, mais il y a au moins consensus sur le fait qu’il faut des solutions d’insertion plus rapides et qu’il faut pour cela un accompagnement social global des personnes, adapté à leurs besoins et dans la durée. »

Echanger sur le « logement d’abord », oui, mais – prérequis pour une politique d’accès au logement –, il ne faut pas oublier les sujets « mis sur la table depuis le rapport d’Etienne Pinte en 2008 – dont la prévention des expulsions et une politique de logement à loyers accessibles », juge, pour sa part, Christophe Robert. Fin décembre 2010, 18 718 ménages « prioritaires DALO » n’étaient toujours pas relogés malgré le dépassement du délai prévu par la loi, dont 16 214 en Ile-de-France.

Notes

(1) Voir ASH n° 2719-2720 du 22-07-11, p. 30.

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