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Educateurs de rue et médiateurs sociaux : oser la coopération

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Alors que les métiers de la médiation sociale gagnent en visibilité et en reconnaissance, la question de leur articulation avec la prévention spécialisée et le champ du travail social se pose avec une nouvelle acuité. Des expériences récentes de coopération montrent que, au-delà de leurs différences, ces intervenants sociaux peuvent agir en complémentarité dans un contexte de malaise accru de la jeunesse.

Côté pile, la prévention spécialisée, bien installée dans le paysage du travail social, à la formation codifiée et aux savoir-faire reconnus. Côté face, la médiation sociale, fonction récente et multiforme, qui emprunte seulement le chemin de la reconnaissance institutionnelle. Ces deux univers, aux histoires et aux réalités différentes, se sont longtemps regardés en chiens de faïence. Mais, depuis plusieurs années, des rapprochements s’opèrent sur le terrain. Si bien que la prévention spécialisée, qui n’est plus la seule à intervenir auprès des jeunes dans la rue, cherche de nouveaux modes d’articulation avec les médiateurs sociaux. « Nous nous trouvons face à un basculement, affirme Bernard Heckel, président du Comité national de liaison des associations de prévention spécialisée (CNLAPS). La médiation sociale représente un nouveau besoin dans notre société, relatif à la tranquillité publique, et pas seulement la sécurité. Les médiateurs ont aussi leur place dans la construction du mieux-être ensemble, du lien social, de la participation des habitants et du développement local. »

Signe de l’actualité du débat, le CNLAPS a lancé un groupe de travail sur les liens entre éducation spécialisée et médiation sociale, tout comme le Conseil technique de la prévention spécialisée (CTPS), qui vient de lui dédier une commission spécifique. Un travail réalisé en collaboration avec France Médiation. « Il s’agit de voir comment travailler ensemble en clarifiant les missions et le cœur de métier de chacun, explique Laurent Giraud, directeur de cette association fondée en 2008, qui regroupe une cinquantaine de structures employant des médiateurs.

Ce partenariat est à mettre en œuvre pour améliorer l’efficience de nos actions sur le territoire. » Cette initiative n’élude pas pour autant les difficultés passées. « L’arrivée des médiateurs sur le terrain n’a pas été simple pour les travailleurs sociaux, reconnaît Laurent Giraud. Il y a eu des craintes légitimes. Mais la reconnaissance des médiateurs se fera par leur formation, afin que ce soient des professionnels qui parlent à d’autres professionnels. » Le travail engagé avec le CNLAPS se donne ainsi pour objectif de mieux définir « le cadre et les limites de chacun pour voir comment travailler ensemble ».

Pour le sociologue Pierre-Jean Andrieu, professeur associé à Paris-VII, ancien ­président du CTPS et administrateur d’une association de prévention spécialisée (Arc 75), le débat sur l’articulation entre les deux secteurs n’est pas nouveau. « Nous avions mené des travaux sur les agents locaux de médiation au sein du CTPS à la fin des années 1990, rappelle-t-il. Le rapport avait déjà montré à l’époque qu’un processus d’apprivoisement et une clarification des rôles de chacun étaient à l’œuvre. » De la même manière, le rapport Brévan-Picard, paru en 2000 (1), évoquait une évolution des pratiques et des postures professionnelles des éducateurs spécialisés face à l’arrivée des médiateurs. Tandis qu’en 2004, un ouvrage de la délégation interministérielle à la ville (DIV) et du centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) relevait les points communs aux deux champs professionnels (2) : intervention en « milieu ouvert » supposant une « démarche proactive de l’intervenant social en direction des groupes » mais aussi une certaine proximité dans les compétences mobilisées (diagnostic, orientation, écoute, dialogue, évaluation, etc.).

« Travailler ensemble »

Pour Pierre-Jean Andrieu, le développement de coopérations entre les deux champs connaît aujourd’hui un nouvel interêt parce que la médiation sociale entame une phase d’institutionnalisation (voir encadré, page 32). Ce processus, engagé depuis un à deux ans, pose à nouveau la question des limites de chaque champ professionnel. « Ce qui est intéressant, c’est que cette question intervient à un moment où on est en présence, au niveau local, d’une reformulation des politiques en direction des jeunes, ajoute-t-il. C’est donc à l’aune des évolutions de la jeunesse, dont le malaise s’est accru, qu’il faut regarder l’évolution des pratiques. » Chef de service à l’APS 34, association de prévention spécialisée basée dans l’Hérault, Gérard Boulet ne dit pas autre chose : « Les problématiques sont tellement fortes qu’il faut travailler ensemble. On ne sera jamais trop nombreux auprès des plus vulnérables. »

A ce titre, l’expérience conduite dans la ville de Béziers (70 000 habitants) (3) montre que ces deux univers peuvent collaborer de manière harmonieuse. Le contexte politique y est évidemment pour beaucoup. La municipalité, qui emploie dix médiateurs (4), a fait le choix de la coopération avec la prévention spécialisée. Alors qu’elle avait recruté deux agents socio-éducatifs pour assurer un suivi individuel des jeunes, elle les a mis à disposition de l’APS 34 pour compléter ses équipes d’éducateurs de rue à Béziers. Trois journées de formation commune ont été organisées en 2009, 2010 et 2011 (5), tandis que, sur le terrain, la coopération s’organise. Il peut s’agir d’échanges d’informations sur des jeunes suivis de manière conjointe, de temps de présence ou encore d’actions en commun auprès de groupes de jeunes. Par exemple, lors d’une manifestation de sport de combat organisée dans la halle sportive de Béziers, médiateurs et éducateurs de rue ont accompagné ensemble les jeunes d’un quartier. Récemment, alors qu’une rixe à la sortie d’un collège semblait se préparer, médiateurs et éducateurs de rue sont convenus ensemble d’une méthode d’intervention. « Les médiateurs sont intervenus en premier car ils ont davantage l’habitude de la prévention situationnelle dans un temps court et, dans un second temps, ces jeunes ont été invités à prendre contact, s’ils le souhaitaient, avec les éducateurs de rue pour un suivi au long cours », explique Gérard Boulet.

A le croire, cette complémentarité génère de nouveaux modes d’intervention, mieux adaptés aux réalités vécues par les jeunes. « Il faut aller vers plus de transversalité, de proximité et de réactivité, estime Gérard Boulet. Mais pour que cela ne reste pas des concepts incantatoires, il faut oser la coopération. » Autre avantage de ce rapprochement, la possibilité de croiser les compétences sur les territoires. « Alors que les éducateurs spécialisés interviennent dans le centre ville ou dans des zones urbaines sensibles, les médiateurs ont un mandat sur l’ensemble de la ville et même sur l’agglomération. Cela permet de suivre les jeunes qui se déplacent et ceux en errance. » De son côté, le chef du service de médiation, Jean-Marc Barascut, par ailleurs directeur de la cohésion sociale dans l’agglomération de Béziers, estime que la présence des éducateurs de rue apporte un regard critique « constructif » sur les modes de faire des médiateurs. « Les compétences se bâtissent au contact des uns et des autres », souligne le responsable, qui travaille avec l’APS 34 sur une charte de la coordination entre les deux secteurs. Reste qu’une telle coopération n’est jamais acquise. « Cela peut parfois se crisper. On est encore dans le tâtonnement », avoue Gérard Boulet.

Dépasser les représentations

Ce rapprochement peut également s’opérer dans une autre configuration : celle d’une association de prévention spécialisée se dotant d’un service de médiation sociale. C’est le cas, en Isère, de l’AGIL (Association pour la gestion des initiatives locales), créée en 1986 par l’APASE (Association pour la promotion de l’action socio-éducative). Cette seconde association est née pour offrir un support technique aux activités annexes de l’éducation spécialisée (gestion des salaires des jeunes en chantier, par exemple). Puis, à la fin des années 1990, l’APASE s’est appuyée sur l’AGIL pour développer de nouvelles activités liées à l’accompagnement scolaire et à la médiation. Aujourd’hui, elle possède une équipe de six médiateurs, encadrés par un responsable d’équipe. Ces derniers interviennent en binôme et en soirée sur trois territoires de l’agglomération grenobloise. Elle mène également des actions de prévention en piscine et en base nautique durant l’été avec 15 médiateurs (6).

Pour la première fois, les salariés de l’AGIL et de l’APASE vivront une journée de formation commune en novembre prochain. « On veut dresser un état des lieux des pratiques de complémentarité entre ces deux secteurs et voir pourquoi cela fonctionne à un endroit et pas à un autre », explique Sandra Fugier, directrice adjointe de l’AGIL, rappelant « qu’il aura fallu dix ans pour programmer une journée inter-associative ». C’est qu’« il y a encore des représentations chez les éducateurs spécialisés qui ne veulent pas entendre parler des médiateurs, et encore des médiateurs qui disent faire la même chose que les travailleurs sociaux en étant moins bien payés ». Pour autant, des liens se nouent entre certaines équipes. « Le jeudi soir, des éducateurs spécialisés et des médiateurs se passent le relais. Ils échangent sur l’ambiance du quartier ou partagent une inquiétude sur un jeune qui va mal », souligne-t-elle. Toutefois, les incompréhensions persistent malgré la volonté politique et institutionnelle. « Il est souvent plus simple de travailler avec de jeunes éducateurs, qui ont un regard plus ouvert sur la médiation. C’est peut-être une question de génération. »

A Besançon, l’Association départementale du Doubs pour la Sauvegarde de l’enfance (ADDSEA) a mis en place un service de médiation en 2007. Il s’agit d’une équipe de correspondants de nuit, qui déambulent dès 19 heures dans le centre ville et les quartiers d’habitat à loyer modéré. Outre une présence dans la rue, les médiateurs offrent une aide et une assistance dans les halls d’immeuble et auprès des personnes en difficulté, en lien avec les bailleurs. Après une phase de rodage, les correspondants de nuit travaillent aujourd’hui en complémentarité avec les équipes de jour, en particulier les travailleurs sociaux. Trois modes de transmission de l’information ont été établis. Tout d’abord, en cas d’urgence (enfant en danger ou personne aux troubles psychiatriques importants), le service de médiation contacte directement les services sociaux concernés (conseil général, centre médico-psychologique). En outre, un travail d’échanges réguliers entre les correspondants de nuit et les services sociaux s’opère autour des personnes âgées ou vulnérables. « Par exemple, les services sociaux peuvent demander à un médiateur d’aller voir telle personne pour avoir de ses nouvelles, explique Carole Ousset, directrice du service. Cela peut aussi se faire dans l’autre sens, quand on repère des besoins d’accompagnement. » Enfin, après évaluation des travailleurs sociaux, les médiateurs peuvent réaliser de simples « visites de courtoisie » : « Il s’agit d’aller voir les gens pour leur apporter réconfort et bienveillance. On retricote du lien social quand les professionnels n’ont plus le temps de le faire. La différence, c’est que nous ne faisons pas de suivi social mais des actions ponctuelles. »

Mais si ce travail partenarial fonctionne bien avec les assistantes sociales du centre communal d’action sociale (CCAS), la coopération se révèle plus difficile avec les éducateurs spécialisés. « Il y a encore du chemin à faire, constate Carole Ousset. Ils ont tendance à croire que les correspondants de nuit ne sont là que pour assurer la sécurité. Mais ce n’est pas du tout cela ! On a un rôle d’alerte, de retissage du lien social et de courroie de transmission avec les autres professionnels, qui peut être très complémentaire. » Reste que ce volet sécuritaire, qui peut, en d’autres lieux, prendre le pas sur la veille sociale, suscite des craintes légitimes chez les éducateurs spécialisés. « L’aspect sécuritaire nous empêche de voir les choses sereinement, analyse Bernard Heckel. D’autant qu’il y a des villes où les éducateurs de rue se fâchent à juste titre. » Les relations entre les deux champs professionnels restent en fait tributaires des configurations politiques locales, analyse Pierre-Jean Andrieu. « Si les financeurs de la médiation sociale disent qu’il faut être transparent avec la police, il sera difficile pour la prévention spécialisée de travailler avec les médiateurs. » Il faut en tout cas « renforcer la coopération aux endroits où elle est possible ».

La formation indispensable

Le fait que des associations historiques de prévention spécialisée se lancent dans l’aventure de la médiation sociale n’est pas anodin. A Marseille, l’Association départementale pour le développement des actions de prévention (ADDAP 13), qui emploie 240 salariés – dont 75 % de personnel éducatif –, a lancé plusieurs actions de médiation au sein de son pôle innovation. La plus originale consiste à intervenir non pas dans la rue mais dans les trains express régionaux (TER) et les haltes-gares. Une première équipe de « prévention des comportements incivils par des interventions éducatives » a vu le jour en 2004 sur la ligne de TER Aubagne-Marseille-Toulon. Le dispositif est monté en charge en 2008 avec la réouverture de la ligne Marseille-Aix-en-Provence-Pertuis. Il s’appuie actuellement sur cinq professionnels diplômés (éducateur spécialisé, animateurs, moniteurs-éducateurs) et cinq salariés en contrat de professionnalisation pour devenir moniteur-éducateur, tutorés par un professionnel de l’éducation spécialisée (7). « Le TER est comme un territoire qui en traverse d’autres, souligne Laurent Le Gal, responsable du pôle innovation. Les médiateurs y mènent une action de court terme sur le rappel des normes et du bien vivre ensemble. A moyen terme, quand une relation de confiance s’installe, ils peuvent amener les jeunes rencontrés vers les professionnels de la prévention spécialisée pour un travail de plus long terme. » L’avantage de ce dispositif serait donc de « créer du maillage et de la coopération », permettant un « diagnostic permanent sur ce qui peut se passer sur le territoire » et un « meilleur suivi des usagers ».

Mais cette « plus-value pour le territoire » n’est envisageable qu’à la condition que ces médiateurs soient des personnels diplômés. « La formation est indispensable pour intervenir dans cet espace particulier qu’est le TER, précise Laurent Le Gal. Le diplôme de moniteur-éducateur est un bon seuil, et on ajoute des formations internes sur la gestion des conflits. » Pour l’association de prévention, de médiation et d’insertion Adélies, également basée à Marseille, la formation des médiateurs est, là encore, regardée de près. L’association mène notamment une action auprès des enfants de 4 à 13 ans en rupture : il s’agit d’aller à leur rencontre dans la rue et de proposer des animations à même le bitume pour les amener vers le droit commun. « La médiation sociale ne se cantonne pas à de la présence pour assurer la tranquillité publique mais elle recrée du lien entre les groupes sociaux et les institutions », souligne Patrick Maillard, directeur d’Adélies. Lancé à la fin des années 1990, le dispositif a d’abord fonctionné avec des emplois-jeunes puis des contrats aidés. « Mais on ne peut pas débarquer comme ça pour rapprocher des enfants de 5 ans du centre social. Il faut suffisamment de formation pour y parvenir et ne pas s’appuyer que sur soi », estime le directeur, arrivé en 2008 avec un nouveau projet.

Cette action fonctionne désormais avec cinq personnes à plein temps, diplômées dans l’animation, les sciences de l’éducation ou l’éducation spécialisée. « Dans l’éventail des diplômes disponibles, celui d’éducateur spécialisé répond le plus complètement à notre mission de médiation sociale. Car pour l’heure, il n’existe pas de diplôme de médiation sociale digne de ce nom », justifie Patrick Maillard, tout en précisant que ces médiateurs n’ont pas de mission éducative. « Il y a vraiment une complétude avec les éducateurs de rue, poursuit-il. Selon ce qui est repéré, on peut orienter vers eux. Mais pour faire une orientation vraiment éclairée, il faut des outils et des savoir-faire qui correspondent aux formations classiques du travail social. »

Un référentiel « métier »

Pour Gérard Brion, directeur de l’APASE et de l’AGIL, maître de conférences en sociologie à l’université de Grenoble, qui a lancé le premier diplôme d’université en médiation sociale (DUMS), il est temps que la médiation sociale se dote d’un référentiel « métier » (voir encadré, page 31). « Bien sûr, cela soulève la question de la concurrence vis-à-vis des éducateurs spécialisés. Mais le contexte social a beaucoup évolué et la situation des jeunes est devenue très difficile. Le soir, la présence sociale offerte par les médiateurs est importante quand les autres institutions sont fermées. » Pour sa collègue Sandra Fugier, il faut à présent dépasser le stade du soupçon. « Vu la fragilité du lien social, la médiation peut être une solution. D’autant que ce qui se passe la nuit réinterroge le jour et ce qui se passe le jour réinterroge la nuit. Du côté des médiateurs, on sent une vraie demande de travailler avec les éducateurs. C’est une nécessité pour les publics qu’on accompagne. »

Après la question centrale de la formation vient celle du financement. Car paradoxalement, si les besoins de médiation sociale n’ont jamais été aussi grands, la pérennisation des emplois est encore loin d’être acquise. « A l’AGIL, tous nos médiateurs sont en CDI, souligne Sandra Fugier. C’est un choix associatif. » Un choix néanmoins que ne peuvent pas faire toutes les associations, car la précarité des financements accordés par l’Etat ou les communes est la règle. « Il n’est pas possible de faire du partenariat stable et efficace quand les équipes ne cessent de changer, précise Sandra Fugier. Cette précarité rend difficile l’inscription de ces postes sur les territoires. » « La majeure partie de la médiation sociale s’inscrit dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale et des adultes-relais, qui sont en difficulté en matière de financement », ajoute Gérard Brion, qui souhaite un « changement de posture » des financeurs. « Cela semble être le cas à Grenoble, où la métropole a pris position pour que la médiation sociale intègre le droit commun. »

La question des liens entre médiation sociale et prévention spécialisée pose en filigrane celle du positionnement de la première par rapport au champ du travail social. Pour Patrick Maillard, « on s’en éloigne quand on se contente de faire de la tranquillité publique. Mais quand ils recréent du lien social abîmé ou inexistant, les médiateurs ont leur place parmi les métiers de l’intervention sociale ». Selon Gérard Brion, la médiation peut constituer un métier du travail social « si on identifie clairement un référentiel de compétences ». Elle peut même se révéler un marchepied vers l’éducation spécialisée. Une médiatrice de l’AGIL vient ainsi d’être recrutée par l’APASE comme éducatrice spécialisée. « Son expérience lui a beaucoup appris pour sa nouvelle mission. »

Mais tous les acteurs ne vont pas aussi loin. Pour Laurent Giraud de France Médiation, le travail engagé avec le CNLAPS doit permettre de mieux définir les limites de chaque champ, celui de la médiation, celui de la tranquillité publique et celui du travail social. De son côté, Bernard Heckel insiste sur la nécessité, pour l’éducation spécialisée, de mieux affirmer son identité. « Il est logique que, dans son processus d’institutionnalisation, la médiation s’affirme comme un champ propre, note Pierre-Jean Andrieu. Mais attention au cloisonnement que cela pourrait engendrer. Il ne suffit pas de dire que ces pratiques sont différentes mais complémentaires et que chacun doit bien faire ce qu’il a à faire. On accorde trop d’importance aux approches institutionnelles par rapport aux approches sociétales. Il faut aller plus loin et tirer l’ensemble de ces actions vers le registre éducatif. » D’autant, estime-t-il, que « faire converger n’est pas rendre semblable ».

GRENOBLE PROPOSE UN DIPLÔME D'’UNIVERSITÉ EN MÉDIATION SOCIALE

Un salarié d’une mission locale et un accompagnateur social d’un centre communal d’action sociale, deux demandeurs d’emploi, deux médiateurs scolaires, une médiatrice auprès des gens du voyage et deux futurs étudiants en éducation spécialisée. Telle est la composition de la première promotion du diplôme d’université en médiation sociale (DUMS), ouvert en octobre 2010 à l’IUT 2 de l’université Pierre-Mendès-France de Grenoble. Le public concerné par cette formation continue est varié : professionnels du champ de la médiation sociale, travailleurs sociaux mais aussi cadres et responsables associatifs souhaitant se perfectionner dans ce domaine.

Ce DUMS comprend 200 heures de formation par an, réparties en huit unités : principes de la médiation, utilité sociale de la médiation, psychologie, sociologie et anthropologie, droit de la médiation, communication, pratiques et approfondissement. « Nous sommes face à l’émergence d’un nouveau métier du social », estime Gérard Brion, maître de conférences en sociologie et initiateur du DUMS, qui entend participer à la construction d’un référentiel « métier » de la médiation. Cette dernière a selon lui « des choses à apporter à l’éducation spécialisée en matière de diagnostic social et urbain ».

L’université de Besançon pourrait créer un diplôme universitaire sur le même modèle, sachant qu’il en existe aussi déjà un à l’université Paris II-Panthéon Assas et à l’université de Bourgogne.

DIX PROPOSITIONS POUR DÉVELOPPER LA MÉDIATION SOCIALE

Tous domaines confondus, les médiateurs seraient autour de 12 000 en France. Un développement considérable depuis l’apparition des premières « femmes-relais » à la fin des années 1980 à Montfermeil, Amiens, Marseille ou Grenoble. Pendant l’année 2010, un groupe de travail a été mis en place sous l’égide du secrétariat général du comité interministériel des villes (CIV) pour faire avancer la reconnaissance de ces métiers. Après avoir auditionné des employeurs actuels et potentiels de médiateurs sociaux (élus, bailleurs, organismes de transports, associations), des représentants de ministères, des organismes de formation et de grands réseaux de médiation, le groupe de travail a formulé dix propositions concrètes, et doit rendre public un rapport à la rentrée 2011.

Les dix propositions du groupe de travail ont été validées par le CIV du 18 février dernier. Parmi elles figurent la construction d’une offre de formation initiale et continue, allant du niveau V au niveau II, le développement de passerelles et d’équivalences de diplômes avec les ministères concernés (Affaires sociales, Education nationale, Jeunesse et Sports) ou le changement d’appellation de la filière « animation » de la fonction publique territoriale en filière « animation et médiation sociale ». S’agissant du financement, les auteurs préconisent le développement de portages mutualisés des emplois de médiation sociale, c’est-à-dire le regroupement de plusieurs employeurs d’un même territoire (collectivité, organisme de transport, bailleur, association…) pour financer des postes pérennes.

Notes

(1) Une nouvelle ambition pour les villes. De nouvelles frontières pour les métiers – Septembre 2000 – Voir ASH n° 2181 du 22-11-00, p. 5.

(2) « La médiation sociale, une démarche de proximité au service de la cohésion sociale et de la tranquillité publique », DIV et CNFPT, décembre 2004 – www.ville.gouv.fr/IMG/pdf/mediation-sociale_ cle28fd48.pdf.

(3) Aux côtés du conseil général de l’Hérault, les autres villes concernées par la présence d’éducateurs de rue de l’APS 34 (Montpellier, Frontignan, Villeneuve-lès-Maguelone et les communes du pays de Lunel) financent à hauteur de 30 % les postes éducatifs.

(4) Les médiateurs ont quatre missions : prévention des conduites à risque chez les jeunes, prévenance sociale auprès des personnes vulnérables, régulation des conflits de voisinage et suivi de la démocratie participative.

(5) Un colloque sur l’éducation spécialisée et la médiation sociale, intitulé « De la diversité des coopérations à la construction de perspectives », a aussi été organisé le 3 décembre 2010 à Montpellier par l’APS 34, membre du réseau arc méditerranéen du CNLAPS – DVD disponible sur demande à l’APS 34 : 182, square de Corte – 34070 Montpellier – Tél. 04 67 75 22 29.

(6) L’association prévoit également de développer la médiation sociale au sein des transports publics du pays voironnais.

(7) La région Provence-Alpes-Côte d’Azur, autorité organisatrice des TER, finance ces postes via son pôle sécurité et prévention de la délinquance.

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