C’était le pire des scénarios envisagés : les négociations de la branche associative sanitaire et sociale et médico-sociale (BASS) sur la formation professionnelle se sont achevées le 13 juillet sans que les blocages opposant les employeurs et la majorité des syndicats de salariés puissent être levés. Les deux accords soumis à signature après huit mois de discussion – l’un sur les dispositifs de formation, l’autre sur le renouvellement de la convention de l’organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) Unifaf – n’ont été paraphés que par l’Unifed (Union des fédérations et syndicats nationaux d’employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social) et la CFDT Santé-sociaux, les fédérations CGT, CFTC, CFE-CFC et FO ayant annoncé leur décision de faire valoir leur droit d’opposition. Or les partenaires sociaux sont tenus par des délais très contraints : selon le décret du 24 septembre 2010 pris en application de la loi du 24 novembre 2009 « relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie » et qui fixe de nouvelles obligations aux OPCA, ces derniers doivent être réagréés au 1er janvier 2012, ce qui nécessite le dépôt de la demande d’agrément avant le 1er septembre.
Chacun se rejette du coup la responsabilité de cette impasse. La position de l’intersyndicale est « incompréhensible », dénoncent la CFDT Santé-sociaux et les employeurs en invoquant le risque d’une disparition d’Unifaf à la fin de l’année, « entraînant la suppression de 350 emplois et menaçant l’avenir des centres de formation de la branche ». « Un gâchis », n’en rétorquent pas moins les quatre syndicats, pour lesquels « l’accord OPCA ne doit pas être l’outil de chantage au regard de la négociation qui doit se poursuivre sur l’accord “formation professionnelle tout au long de la vie” et sur les priorités triennales et leur financement ».
L’intersyndicale motive son opposition par son refus de scinder la contribution de 1,6 % de la masse salariale brute au plan de formation en une « part légale » (0,9 %) et une « part conventionnelle » (0,7 %). Elle voit dans cette partition une volonté des employeurs d’utiliser plus librement une part des fonds dédiés à la formation professionnelle, avec des risques sur le volume et la nature des formations financées. Elle redoute, en outre, une gestion trop complexe de l’OPCA. Dénonçant le passage « en force » des employeurs, elle propose un accord sur « le réagrément de l’OPCA dans sa configuration actuelle », tout en requérant une médiation de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle. « On ne peut pas ignorer sa circulaire “questions-réponses” de mai dernier, selon laquelle l’ensemble de la contribution au plan de formation est de même nature, donc n’a pas à être différenciée, explique Denis Lavat, permanent fédéral à la CFTC Santé-sociaux. Nous avions par ailleurs demandé une commission mixte paritaire sous l’égide du ministère du Travail qui jusqu’ici était restée sans réponse. Des contacts pris depuis notre opposition laissent entendre que le ministère devrait prendre en compte cette demande. Notre proposition est d’aboutir à un accord sur Unifaf avant le 1er septembre et de prolonger les négociations sur les dispositifs de formation et les priorités triennales pendant le second semestre. »
L’Unifed, qui doit se réunir en comité directeur le 27 juillet, rejette en bloc les arguments de l’intersyndicale. « A l’appui des différents avis juridiques que nous avons sollicités et au regard des contrôles dont l’OPCA pourra désormais faire l’objet sur les actions dérogatoires au code du travail, nous avons voulu autonomiser la part conventionnelle pour sécuriser le financement des actions spécifiques de la branche, précise Céline Poulet, négociatrice pour l’Unifed. Ce sont seulement ces actions, qui ont déjà été définies avec les syndicats, qui sont fléchées sur la part conventionnelle. »
Tout comme la CFDT, les employeurs regrettent que les « avancées significatives » obtenues dans les accords n’aient pas infléchi la position de l’intersyndicale. Parmi elles : l’augmentation du versement obligatoire à Unifaf de 65 % à 70 % de la contribution au plan de formation, la création d’un « fonds de promotion professionnelle » et, dans l’accord sur les dispositifs de formation, « un accès facilité aux départs en congé individuel de formation » ou encore « l’amélioration de la rémunération des jeunes en apprentissage et la reconnaissance du tutorat », énumère Céline Poulet. Autant de sujets qui devront revenir sur le métier si les partenaires sociaux parviennent à sortir du statu quo.