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La loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité

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Etrangers malades, victimes de violences conjugales, conjoints de Français, mineurs isolés devenus majeurs… la loi du 16 juin 2011 a modifié sur plusieurs points les règles relatives au séjour de diverses catégories d’étrangers. Tour d’horizon des principales nouveautés.

La loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité aura, au cours de sa gestation, fait coulé beaucoup d’encre. Et en particulier son volet visant, par une réforme des procédures et du contentieux de l’éloignement des clandestins, à améliorer l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière. L’immigration régulière n’a pas pour autant été oubliée par le législateur dans ce nouveau bouleversement du droit français des étrangers. La nouvelle loi modifie en effet, pour différentes catégories de personnes, les règles applicables à la délivrance des titres de séjour. C’est ainsi par exemple qu’elle crée, par transposition de la directive européenne 2009/50/CE du 25 mai 2009, une nouvelle carte de séjour temporaire destinée aux migrants hautement qualifiés, dénommée « carte bleue européenne ».

Aussi et surtout, elle réforme les conditions d’admission exceptionnelle au séjour des étrangers sous carte « salarié » en faisant disparaître la référence aux métiers en tension. En outre, un nouveau cas de délivrance de la carte est prévu au profit de certains jeunes entrés en France en tant que mineurs isolés après leurs 16 ans. Autant de dispositions qui vont donc plutôt vers une plus grande ouverture à l’égard de certaines catégories d’étrangers. D’autres mesures vont dans un sens contraire. En particulier celle touchant à l’encadrement de la carte de séjour temporaire accordée pour raisons de santé, qui aura été l’un des principaux points de friction entre députés et sénateurs. Ainsi, dorénavant, l’autorisation provisoire de séjour pour soins ne pourra être accordée qu’en cas d’« absence » du traitement approprié dans le pays d’origine, et non plus en cas d’inaccessibilité de celui-ci.

Un autre tour de vis a été opéré avec plusieurs mesures visant plus spécifiquement les conjoints de Français, dans l’idée de renforcer la lutte contre les mariages frauduleux.

On signalera également l’élévation au rang de norme législative de la possibilité de remettre en cause le droit au court séjour des ressortissants communautaires dans l’hypothèse où l’examen individuel de leur situation ferait apparaître qu’ils représentent une « charge déraisonnable » pour le système d’assistance sociale.

I. LE DROIT AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS MALADES (ART. 26 DE LA LOI)

Revenant à une interprétation moins « généreuse » de la notion d’accès aux soins, la loi vient faire échec à une jurisprudence qui obligeait l’administration confrontée à un étranger malade réclamant une carte de séjour en raison de son état de santé à vérifier non seulement l’existence d’un traitement dans le pays d’origine, mais également que l’intéressé était bien en mesure d’y accéder. A l’avenir, il sera simplement tenu compte de la présence ou de l’absence d’un traitement approprié dans le pays d’origine. Des raisons humanitaires exceptionnelles pourront toutefois être invoquées pour la délivrance du titre de séjour.

A. LE DROIT ANTÉRIEUR

Le principe d’accorder un titre de séjour temporaire aux étrangers résidant en France et atteints de pathologies graves, afin qu’ils puissent bénéficier dans de bonnes conditions de la prise en charge médicale que requiert leur état de santé, est inscrit dans la législation française depuis la loi du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile.

Plus précisément, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit – par le préfet après avis du médecin de l’agence régionale de santé ou, à Paris, du médecin-chef de la préfecture de Paris – à l’étranger qui réside habituellement en France et dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité. Une condition était toutefois posée : il ne fallait pas que l’intéressé puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine.

« En 2009, 5 945 cartes de séjour temporaires ont été délivrées sur ce fondement », a rappelé le sénateur (UMP) François-Noël Buffet au cours des débats (Rap. Sén. n° 239, tome I, Buffet, janvier 2011, page 105).

Bien que le droit des étrangers ait été substantiellement modifié à de nombreuses reprises, ces dispositions en matière de droit au séjour pour raisons médicales étaient restées globalement inchangées depuis 1998. Elles ont cependant fait l’objet d’une interprétation du Conseil d’Etat.

Dans un premier temps, la Haute Juridiction a considéré, le 13 février 2008, que « la circonstance que [le requérant] serait originaire d’une région éloignée des structures médicales appropriées et qu’il aurait des difficultés financières à assumer la charge du traitement de sa maladie [dans le pays dont il est originaire était], en tout état de cause, sans incidence sur l’existence de soins appropriés à sa pathologie dans son pays d’origine » (1). Autrement dit, le juge administratif imposait à l’administration de vérifier simplement l’existence dans le pays d’origine de structures médicales susceptibles de permettre à l’étranger de recevoir un traitement approprié, sans tenir compte de sa capacité à y accéder effectivement.

Mais le Conseil d’Etat a fait, par la suite, évoluer sa jurisprudence. Dans deux arrêts rendus le 7 avril 2010, il a en effet considéré qu’un étranger gravement malade pouvait se prévaloir du fait que, même si des possibilités de traitement existent dans son pays de renvoi, il ne pourra pas en bénéficier effectivement pour cause d’inaccessibilité socio-économique ou compte tenu de circonstances exceptionnelles liées à sa situation personnelle (2). Autrement dit, les services des préfectures étaient depuis lors astreints à évaluer les capacités de l’étranger à accéder effectivement à un traitement approprié dans son pays d’origine, sans pouvoir se limiter à apprécier l’existence de ce traitement.

B. UN DROIT AU SÉJOUR DÉSORMAIS PLUS RESTREINT

1. DES DÉBATS ANIMÉS AUTOUR DE LA NOTION D’ACCÈS AUX SOINS

Les parlementaires de la majorité – Thierry Mariani en tête – ont voulu faire échec à la nouvelle jurisprudence du juge administratif et revenir à celle qui prévalait jusqu’au 7 avril 2010, en subordonnant dans un premier temps la délivrance du titre de séjour pour raisons de santé à l’« indisponibilité » d’un traitement approprié dans le pays d’origine. Pour le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale, en effet, l’« interprétation très généreuse » du Conseil d’Etat faisait « peser une obligation déraisonnable sur le système de santé français, ouvrant un droit au séjour potentiel à tout étranger ressortissant d’un pays ne bénéficiant pas d’un système d’assurance sociale comparable au nôtre » (Rap. A.N. n° 2814, Mariani, septembre 2010, page 199). Aussi et surtout, « elle [était] paradoxale par rapport à la situation des ressortissants de l’Union européenne, puisqu’il peut être mis fin à leur droit au séjour s’ils constituent une charge pour le système d’aide sociale », a-t-il argumenté au cours des débats. Au-delà, « les magistrats administratifs et les juges en particulier s’interrogeaient sur leur capacité à apprécier concrètement les conditions de l’accès effectif aux soins dans un pays donné pour pouvoir fonder la décision de renvoi d’un étranger malade dans son pays d’origine », a fait remarquer, de son côté, le sénateur François-Noël Buffet (J.O. Sén. n° 35 S [C.R.], 14 avril 2011, page 2790).

La commission des lois du Sénat s’est toutefois inquiétée des conséquences, en termes de santé publique, du changement envisagé et a rejeté par deux fois la modification votée par les députés. Elle craignait, en effet, que cette limitation du champ des dispositions relatives au droit au séjour pour raisons de santé n’empêche des personnes atteintes de pathologies particulièrement lourdes, du fait de leur situation irrégulière, d’accéder aux soins nécessaires dans un temps raisonnable – accroissant de ce fait les risques d’exposition et de contamination de la population à des pathologies graves et/ou contagieuses.

En outre, elle considérait que l’impact budgétaire de cette modification était incertain, dès lors que les hôpitaux pourraient être contraints, en urgence, à prendre en charge des patients présentant des pathologies à un stade avancé, nécessitant des traitements plus lourds et plus coûteux que ceux qui auraient pu être prescrits à un stade plus précoce de la maladie. Enfin, elle a fait observer qu’il n’était pas cohérent de faire dépendre le droit au séjour des étrangers malades de l’éventuelle disponibilité d’un traitement dans le pays d’origine sans également s’interroger sur les conditions dans lesquelles ceux-ci pourraient y avoir accès.

Au final, un texte de « compromis » a été trouvé, sous l’impulsion des sénateurs de la majorité – sans pour autant contenter les opposants à la réforme et en particulier de nombreuses associations et collectifs de défense des droits des malades.

2. L’ABSENCE DE TRAITEMENT APPROPRIÉ DANS LE PAYS D’ORIGINE

La loi du 16 juin 2011 introduit au final deux changements dans l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda).

Première nouveauté : la délivrance de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » accordée pour raisons de santé est dorénavant subordonnée à « l’absence » (3) d’un traitement approprié dans le pays d’origine (et, donc, plus à « l’impossibilité » pour l’étranger de pouvoir en « bénéficier effectivement »).

Autrement dit, le législateur est finalement bel et bien revenu au principe qui était en vigueur avant 2010… au prix toutefois d’une seconde nouveauté : il est dorénavant explicitement prévu que l’autorité administrative « peut » – ça n’est donc qu’une possibilité et non une obligation – prendre en compte « des considérations humanitaires exceptionnelles » pour l’attribution du titre, après avoir recueilli l’avis du directeur général de l’agence régionale de santé.

Il lui sera donc possible « d’examiner tout élément de fait touchant soit la situation dans le pays d’origine, soit la situation de l’étranger en France, de nature à justifier une admission au séjour à titre humanitaire et exceptionnel », a résumé le ministre de l’Intérieur et de l’Immigration, Claude Guéant, dans une circulaire du 17 juin 2011 (4).

Le sénateur (PS) Richard Yung aura été un des opposants les plus virulents de cette mesure. « Même si les médicaments et les soins existent, on n’y a pas accès à Niamey, à Ferkessédougou ou à Bouaké ! », s’est-il ainsi insurgé devant ses pairs au cours des débats. En outre, le parlementaire a des doutes sur la façon dont on va apprécier, en pratique, la situation de la personne et l’existence d’une « circonstance humanitaire exceptionnelle ». « Qu’est-ce qu’une “circonstance humanitaire exceptionnelle” ? Une épidémie de choléra ? Ou le simple fait qu’un individu soit malade ? » « Et comment des autorités sarthoises ou alsaciennes pourront-elles évaluer si la situation de telle ou telle personne en Afrique noire ou dans une autre région du monde relève d’une “circonstance humanitaire exceptionnelle” ? », s’est-il encore interrogé. « Ni le préfet, ni le directeur général de l’agence régionale de santé ne disposeront des élements suffisants pour en juger ! » (J.O. Sén. n° 35 S [C.R.], 14 avril 2011, page 2793).

Sur ce point, François-Noël Buffet a, de son côté, insisté sur le fait que la détermination de l’existence d’un traitement approprié relève de la compétence du médecin inspecteur qui, depuis mars 2007, dispose d’un « répertoire de fiches établies par les services compétents du ministère des Affaires étrangères et européennes ». Ce répertoire, a-t-il assuré, « indique exactement la situation des soins et des capacités de soin dans tous les pays du monde » (J.O. Sén. n° 35 S [C.R.], 14 avril 2011, page 2796).

3. UNE ENTRÉE EN VIGUEUR DIFFÉRÉE

Les nouvelles dispositions en la matière ne sont pas d’application immédiate, un décret étant attendu sur le sujet. Claude Guéant a par ailleurs annoncé d’ores et déjà, dans une circulaire du 17 juin 2011 (5), des « instructions complémentaires » dès l’entrée en vigueur de ce décret.

En attendant, prévient-il, les préfets ont toujours la possibilité de prendre en compte ces circonstances exceptionnelles en faisant application de leur pouvoir général d’appréciation. Il les avertit également au passage que, suivant une circulaire du ministère de la Santé du 29 juillet 2010, ils doivent considérer que « dans l’ensemble des pays en développement, il n’est pas encore possible de dire que les personnes séropositives peuvent avoir accès aux traitements antirétroviraux ni à la prise en charge médicale nécessaire pour les porteurs d’une infection par le VIH ».

II. LE DROIT AU SÉJOUR DES VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES (ART. 21)

La loi du 16 juin 2011 rassemble dans un seul et même article du Ceseda les dispositions introduites par la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, texte par lequel le législateur a voulu renforcer le droit des victimes de violences conjugales et en particulier sécuriser le séjour de celles de nationalité étrangère. Plus précisément, le troisième alinéa de l’article L. 313-12 et le dernier alinéa de l’article L. 431-2 du Ceseda sont fondus dans l’article L. 316-3 du même code.

Les personnes concernées par ce que le rapporteur de la loi au Sénat a qualifié de « simplification, à droit constant, de l’état du droit », sont les étrangers bénéficiant d’une ordonnance de protection, instrument juridique créé par la loi du 9 juillet 2010 permettant au juge aux affaires familiales de prendre en urgence et pour une durée maximale de 4 mois l’ensemble des mesures propres à assurer la protection d’une victime de violences conjugales.

Le nouvel article L. 316-3 impose ainsi à l’autorité administrative confrontée à un étranger bénéficiant d’une ordonnance de protection en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou par son concubin, de lui délivrer – sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public – une carte de séjour « vie privée et familiale » dans les plus brefs délais. Sans changement, la production d’un visa de long séjour, en principe obligatoire pour se voir octroyer une carte de séjour temporaire, n’est pas exigée. Et la carte de séjour temporaire ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle.

Enfin, signalons que le titre de séjour arrivé à expiration de l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en raison de violences conjugales est dorénavant renouvelé automatiquement.

III. LE DROIT AU COURT SÉJOUR DES RESSORTISSANTS COMMUNAUTAIRES (ART. 22)

La loi du 16 juin 2011 élève au niveau législatif les dispositions jusque-là énoncées à l’article R. 121-3 du Ceseda, reconnaissant au citoyen de l’Union européenne, au ressortissant d’un autre Etat partie à l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi qu’aux membres de leur famille, le droit de séjourner sur le territoire français pendant une période maximale de 3 mois sans autres conditions ou formalités que celles prévues pour l’entrée sur le territoire national (carte d’identité ou passeport en cours de validité). Un droit accordé toutefois « tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale »(Ceseda, art. L. 121-4-1 nouveau).

Cette condition transpose en droit français le principe fixé par l’article 14 de la directive 2004/38/CE européenne relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres (6). Le ministre de l’Intérieur et de l’Immigration explicite la mesure dans une circulaire du 17 juin 2011 (7).

« Les ressortissants de l’Union européenne et leurs familles sont réputés disposer, durant cette période de 3 mois, des ressources et des moyens d’existence leur permettant de subvenir à leurs besoins. » Si, pendant cette période, ils viennent à recourir à l’assistance sociale et à bénéficier d’aides ou de prestations sociales, il appartient alors aux préfets d’examiner si un tel recours n’est pas constitutif d’une charge déraisonnable de nature à remettre en cause leur droit au séjour.

Claude Guéant demande aux représentants de l’Etat, à cet égard, de procéder à un examen d’ensemble de la situation des intéressés. « En effet, en lui-même, […] le recours à l’assistance sociale ne peut justifier une remise en cause automatique du droit de séjour », explique-t-il. La circonstance que l’intéressé a recouru au système d’assurance sociale ne saurait, par conséquent, en elle-même, justifier une mesure d’éloignement. Pour le ministre, les préfets doivent ainsi, « dans le cadre d’une analyse au cas par cas », tenir compte notamment « de la nature des difficultés rencontrées, de leur caractère temporaire ou non, du montant et de la nature de l’aide accordée, de l’état de santé de l’intéressé, de sa situation familiale et de tout autre élément à caractère personnel et humanitaire pour déterminer s’il constitue ou non une charge déraisonnable, au-delà du seul recours au système d’assistance sociale ».

A noter : même si cette mesure n’a consisté, au final, qu’à élever au rang de norme législative des dispositions qui figuraient dans la partie réglementaire du Ceseda et transposaient une directive européenne, elle n’a pas, pour autant, échappé aux critiques des parlementaires de l’opposition. Parmi ses détracteurs: le sénateur (PS) Richard Yung qui, au cours des débats, a indiqué ne pas comprendre à quoi sert cette disposition. « L’accès d’un citoyen communautaire aux droits sociaux est subordonné à sa présence sur le territoire français depuis plus de 3 mois. » « Cela vaut notamment pour la couverture maladie universelle, l’aide médicale de l’Etat, le [revenu de solidarité active] », a-t-il rappelé, avant de s’interroger : « franchement, à quoi sert cet article puisque, de toute façon, ces personnes n’accéderont pas à la protection sociale avant 3 mois ? » (Rap. Sén. n° 13 S. [C.R.] du 9-02-11, page 948).

IV. LE DROIT AU SÉJOUR DES MINEURS ISOLÉS DEVENUS MAJEURS (ART. 28)

La mesure, qui est l’aboutissement juridique d’une réflexion menée par le groupe de travail sur la situation des mineurs étrangers isolés, installé le 11 mai 2009 par le ministère de l’Immigration (8), est une des rares dispositions marquant, aux yeux de l’opposition, une forme de progrès : l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance (ASE) entre l’âge de 16 et 18 ans peut dorénavant se voir délivrer, « à titre exceptionnel » (9), une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire », dans l’année qui suit son 18e anniversaire (Ceseda, art. L. 313-15 nouveau).

L’intéressé doit toutefois justifier qu’il suit depuis au moins 6 mois une formation qualifiante. En outre, le titre de séjour lui est accordé sous réserve :

 du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation ;

 de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine ;

 de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française.

La production d’un visa pour un séjour d’une durée supérieure à 3 mois – demandée en principe pour l’octroi d’une carte de séjour temporaire – n’est en revanche pas exigée pour ces jeunes.

Le législateur a voulu, avec cette nouvelle mesure, répondre au vide juridique qui existait pour les jeunes majeurs entrés en France comme mineurs isolés et pris en charge par l’ASE après leurs 16 ans, pour lesquels l’attribution d’un titre de séjour n’était pas prévue. « Grâce à la perspective de pérennisation de leur séjour au-delà de leur majorité, les mineurs confiés à l’ASE après leur 16e anniversaire pourront désormais sûrement bénéficier d’une formation professionnelle, par l’intermédiaire d’autorisations de travail leur permettant de suivre des formations en apprentissage notamment », a fait remarquer Thierry Mariani au cours des débats. « A ceux qui auront engagé un parcours de formation sur le territoire national, [il est ainsi dorénavant] permis d’achever leur acquisition de connaissances nécessaires à la réalisation de leur projet professionnel, que ce soit en France ou dans leur pays d’origine » (Rap. A.N. n° 814, Mariani, septembre 2010, page 209).

V. LE DROIT AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS ENTRÉS ILLÉGALEMENT EN FRANCE (ART. 27)

La loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a supprimé la procédure de régularisation des étrangers justifiant de 10 années de résidence habituelle en France. Parallèlement, elle a créé une procédure d’admission exceptionnelle au séjour, permettant à l’autorité administrative de délivrer à titre exceptionnel un titre de séjour à un étranger, sans que ce dernier ait à prouver la régularité de son entrée en France (10). Cette possibilité est plus précisément ouverte au préfet lorsque l’admission au séjour répond à des « considérations humanitaires » ou « se justifie au regard de motifs exceptionnels ». Elle est soumise à une double condition : l’étranger ne doit pas constituer une menace pour l’ordre public, d’une part, et il ne doit pas vivre en état de polygamie, d’autre part.

Deux titres de séjour peuvent être délivrés à l’étranger remplissant ces conditions :

 soit une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;

 soit une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire ».

Jusqu’alors, cette dernière ne pouvait toutefois être accordée que si l’admission était sollicitée pour exercer une activité salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement. La loi du 16 juin 2011 a supprimé cette exigence (Ceseda, art. L. 313-14 modifié).

Autre nouveauté, elle renvoie à un décret le soin de définir les modalités d’application de cette procédure d’admission exceptionnelle au séjour. Auparavant, il revenait à la « Commission nationale de l’admission exceptionnelle au séjour » la tâche de préciser les critères d’admission en formulant des avis. Créée par la loi du 24 juillet 2006, cette commission n’a été officiellement installée que le 24 janvier 2008 et ne s’est réunie qu’une seule fois. La loi du 16 juin 2011 a donc supprimé les dispositions du Ceseda relatives à cette instance (Ceseda, art. L. 313-14 modifié).

VI. LE DROIT AU SÉJOUR DES CONJOINTS DE FRANÇAIS

A. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA CARTE DE RÉSIDENT (ART. 29)

Une carte de résident peut être accordée à l’étranger marié depuis au moins 3 ans avec un ressortissant de nationalité française sous réserve du respect des conditions suivantes :

 la communauté de vie entre les époux ne doit pas avoir cessé depuis le mariage ;

 le conjoint doit avoir conservé la nationalité française ;

 lorsque le mariage a été célébré à l’étranger, il doit avoir été transcrit préalablement sur les registres de l’état civil français.

La loi du 16 juin 2011 ajoute une condition supplémentaire : l’étranger doit également justifier qu’il séjourne régulièrement en France (Ceseda, art. L. 314-9-3° modifié). Une manière de réparer un oubli de coordination commis par la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration.

En effet, avant l’entrée en vigueur de cette loi, une carte de résident était, aux termes de l’article L. 314-11 du Ceseda, délivrée de plein droit à l’étranger marié depuis au moins 2 ans avec un ressortissant de nationalité française, sous réserve de la régularité du séjour et du respect des conditions précitées. Dans l’objectif de mieux lutter contre les mariages de complaisance, la loi du 24 juillet 2006 a mis fin au caractère automatique d’une telle délivrance et porté de 2 à 3 ans la durée au terme de laquelle cette délivrance devient possible. Toutefois, en déplaçant ces dispositions de l’article L. 314-11 (qui traite des cas de délivrance de plein droit de la carte de résident) à l’article L. 314-9 du Ceseda (relatif aux cas dans lesquels un tel titre de séjour peut être délivré), le législateur a omis de reprendre, dans le nouveau dispositif, l’exigence de la régularité du séjour. Or, a expliqué François-Noël Buffet au cours des débats, « il ressort très clairement des travaux parlementaires qu’il n’entrait pas dans les intentions du législateur de supprimer cette condition de régularité du séjour pour le conjoint d’un ressortissant français demandant à bénéficier d’une carte de résident » (Rap. Sén. n° 239, tome I, Buffet, janvier 2011, page 114).

B. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX MARIAGES FRAUDULEUX

1. LA PÉNALISATION DES « MARIAGES GRIS » (ART. 33)

Avant de devenir secrétaire d’Etat chargé de la famille, la députée (UMP) d’Indre-et-Loire, Claude Greff, s’est distinguée au cours des débats sur le projet de loi relatif à l’immigration en proposant, en première lecture, de réprimer sévèrement les « mariages gris », c’est-à-dire les mariages contractés en toute bonne foi par un ressortissant français avec un étranger, lequel n’aurait en revanche d’autre but que d’obtenir un titre de séjour ou la nationalité française – « ce que d’aucuns qualifient parfois d’“escroquerie aux sentiments” », a résumé le rapporteur au Sénat François-Noël Buffet (Rap. Sén. n° 239, tome I, Buffet, janvier 2011, page 122). Le dispositif défendu par les députés de la majorité proposait de compléter l’infraction de mariage de complaisance prévue à l’article L. 623-1 du Ceseda (11), en considérant le fait que l’un des conjoints a été abusé sur les intentions réelles de l’autre comme une circonstance aggravante de cette infraction. Ce qui revenait, concrètement, en cas d’intention frauduleuse de la part du conjoint étranger, à porter les peines encourues de 5 ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende à 7 ans et 30 000 €.

Tout en partageant l’objectif des députés – s’attaquer spécifiquement aux « mariages gris » –, les sénateurs se sont opposés à une telle aggravation des peines et ont préféré conserver l’échelle de celles qui était d’ores et déjà appliquée pour de tels faits. Explications de François-Noël Buffet : « une aggravation des sanctions en cas de “mariages gris” contraindrait les autorités de poursuites, non seulement à démontrer que l’étranger a contracté mariage dans le seul but d’obtenir un titre de séjour ou la nationalité française, mais également que son conjoint, de bonne foi, ignorait tout de ces intentions ». Pour le rapporteur de la loi au Sénat, une telle situation risquait de « susciter des difficultés probatoires » qui ne pouvaient que nuire à l’efficacité de la répression souhaitée par les défenseurs de la mesure (Rap. Sén. n° 239, tome I, Buffet, janvier 2011, page 124).

Au final, les sénateurs ont eu le dernier mot et la loi du 16 juin 2011 n’a procédé qu’à une explicitation du droit en vigueur en introduisant une précision au sein de l’article L. 623-1 du Ceseda : les peines prévues pour punir les mariages de complaisance – c’est-à-dire 5 ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende – sont également encourues « lorsque l’étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint ».

2. L’EXCLUSION DES ANNÉES DE MARIAGE FRAUDULEUX POUR L’OBTENTION D’UNE CARTE DE RÉSIDENT (ART. 32)

La délivrance de la carte de résident portant la mention « résident de longue durée-CE » est subordonnée à une résidence régulière ininterrompue de 5 ans en France sous couvert, entre autres titres de séjour, d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».

Nouveauté issue de la loi du 16 juin 2011 : l’étranger marié à un Français qui s’est vu retirer une carte de séjour de ce type au motif que le mariage a été conclu aux seules fins d’obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou d’acquérir la nationalité française ne peut plus, désormais, se prévaloir de la durée de résidence sous le couvert de cette carte frauduleusement acquise pour obtenir une carte de résident au titre de l’ancienneneté de son séjour sur le territoire (Ceseda, art. L. 314-8).

3. LE MAINTIEN DU DROIT AU SÉJOUR EN CAS DE DÉCÈS (ART. 35)

En vertu de l’article L. 313-12 du Ceseda, l’étranger marié à un Français titulaire d’une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » bénéficie de plein droit du renouvellement de ce titre de séjour, à condition toutefois que la communauté de vie n’ait pas cessé.

La loi du 16 juin 2011 ajoute une exception à ce principe: si la rupture de la vie commune résulte du seul décès du conjoint Français, le renouvellement du titre de séjour interviendra alors de plein droit.

Cette exception relevait auparavant du pouvoir d’appréciation des préfets. Mais elle est donc désormais reconnue par la loi. Le législateur a voulu, ce faisant, mettre un terme à une « inégalité paradoxale », a expliqué le député (UMP) Claude Goasguen au cours des débats (Rap. A.N. n° 3180, Goasguen, février 2011, page 94). En effet, le Ceseda plaçait auparavant les étrangers mariés à un titulaire de titre de séjour qui décède dans une situation plus favorable que les étrangers mariés à un Français et dont la communauté de vie s’interrompt du fait de la mort de celui-ci. Dans le cas du décès d’un étranger en situation régulière ayant bénéficié du regroupement familial, le conjoint et les enfants ne peuvent en effet se voir retirer ou refuser le renouvellement, dans les 3 ans qui suivent, de leur titre de séjour (Ceseda, art. L. 431-2).

« DÉLIT DE SOLIDARITÉ » : EXTENSION DE L’IMMUNITÉ HUMANITAIRE (ART. 93)

L’immunité pénale applicable au délit d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers (12) suscite, de longue date, un large débat.

Au cœur du problème : l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda ) qui, dans son ancienne rédaction, incluait notamment dans son champ toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, « nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger », sauf s’il y avait disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s’il avait donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. En 2009, une controverse a éclaté entre les réseaux associatifs impliqués dans l’assistance humanitaire aux étrangers et le ministre de l’Immigration de l’époque, Eric Besson, à propos de la lecture – trop restrictive selon les acteurs de terrain – faite par les pouvoirs publics de cette immunité. Les associations dénonçant ainsi la mise en œuvre d’un véritable « délit de solidarité » à l’encontre de certains de leurs membres, salariés ou bénévoles. Tout en assurant qu’aucune condamnation n’avait été prise à l’encontre de personnes ayant fourni une aide humanitaire à des étrangers en situation irrégulière et niant ainsi avec force l’existence d’un quelconque « délit de solidarité », le ministre avait toutefois promis, pour répondre aux inquiétudes exprimées et rendre plus explicite l’immunité humanitaire, une modification du Ceseda en substituant au motif de « sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger » celui de « sauvegarde de la personne ». Une promesse tenue par la loi du 16 juin 2011, qui réécrit l’article L. 622-4 du Ceseda en conséquence.

A noter : en novembre 2009, dans l’attente de cette modification, la ministre de la Justice de l’époque, Michèle Alliot-Marie, avait livré dans une circulaire des éléments d’interprétation qui, selon le rapporteur de la loi au Sénat, François-Noël Buffet, sont toujours d’actualité et doivent permettre d’éclairer la notion de « sauvegarde de la personne » (Rap. Sén. n° 239, tome I, Buffet, janvier 2011, page 201). Dans sa circulaire, la garde des Sceaux invitait alors déjà les parquets à considérer que les notions de danger actuel ou imminent et de sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’intéressé devaient « s’interpréter largement sans se limiter au seul péril immédiat stricto sensu encouru par l’étranger » (13).

Pour la ministre, ces notions devaient aussi permettre de tenir compte des « situations de fragilité particulières voire de détresse dans lesquelles se retrouvent très fréquemment » les clandestins. Elle appelait ainsi les parquets à prendre en considération ces éléments d’appréciation afin de ne pas engager de poursuites pénales du chef d’aide au séjour irrégulier à l’encontre de membres des associations qui fournissent des prestations telles que des repas, un hébergement – « en particulier lorsqu’il s’agit d’un hébergement d’urgence » – ou encore un secours médical, lorsque l’acte visé n’a d’autre objectif que d’assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger en situation irrégulière.

UN GUICHET UNIQUE POUR L’AME (ART. 97)

Les étrangers malades qui souhaitent bénéficier de l’aide médicale de l’Etat (AME) doivent dorénavant déposer leur demande auprès d’un « guichet unique » : la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du lieu de résidence de l’intéressé (code de l’action sociale et des familles, art. L. 252-1). Auparavant, ils pouvaient le faire auprès de quatre organismes : un organisme d’assurance maladie, un centre communal ou intercommunal d’action sociale, les services sanitaires et sociaux du département et, enfin, les associations ou organismes à but non lucratif agréés à cet effet par le préfet. Le rapporteur (UMP) de la loi à l’Assemblée nationale,Thierry Mariani, a justifié ce changement par une volonté de limiter la fraude. « La multiplication des possibilités de dépôt des demandes ne peut être qu’un facteur aggravant du flou statistique existant aujourd’hui sur les chiffres de l’AME. » « Cette multiplication permet en outre à certaines personnes de présenter plusieurs dossiers, la centralisation des demandes étant de fait difficile devant la complexité administrative », a-t-il encore affirmé (Rap. A.N. n° 2814, Mariani, septembre 2010, page 362).

Du côté de son homologue au Sénat, on est moins convaincu (sans pour autant remettre en cause la nouvelle disposition). « En réalité, déjà 80 % des demandes d’AME sont actuellement déposées auprès des caisses primaires d’assurance maladie », a ainsi assuré François-Noël Buffet. En outre, la pluralité des lieux ne concernait que le dépôt des demandes. L’instruction était et reste en totalité réalisée en CPAM.

« Le risque de fraude lié à la possibilité de dépôt de dossier auprès d’un autre organisme que la CPAM (notamment les associations) est donc à relativiser puisque l’ensemble des conditions d’admission sont vérifiées par la caisse » (Rap. Sén. n° 239, tome I, Buffet, janvier 2011, page 210).

Notes

(1) Conseil d’Etat, 13 février 2008, n° 297518, disp. sur www.legifrance.gouv.fr.

(2) Conseil d’Etat, 7 avril 2010, n° 30 1640 et 31 6625, disponible sur www.legifrance.gouv.fr – Voir ASH n° 2656 du 23-04-10, p. 15.

(3) Un terme qui va donc même plus loin que la notion d’« indisponibilité » proposée initialement par les députés.

(4) Circulaire du 17 juin 2011, NOR : IOC/K/11/10771/C, disponible sur www.circulaires.gouv.fr.

(5) Circulaire du 17 juin 2011, NOR : IOC/K/11/10771/C, disponible sur www.circulaires.gouv.fr.

(6) Ce même article dispose également que le recours au système d’assistance sociale par un ressortissant communautaire ou un membre de sa famille n’entraîne pas automatiquement une mesure d’éloignement.

(7) Circulaire NOR : IOC/K/11/10771/C du 17 juin 2011, disponible sur www.circulaires.gouv.fr.

(8) Voir ASH n° 2634 du 27-11-09, p. 17.

(9) Le préfet dispose donc d’une large marge d’appréciation.

(10) Voir ASH n° 2477-2478 du 10-11-06, p. 27.

(11) Cet article punit de 5 ans d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait de contracter un mariage aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou aux seules fins d’acquérir ou de faire acquérir la nationalité française.

(12) Un délit puni d’un emprisonnement de 5 ans et d’une amende de 30 000 €. Il concerne « toute personne qui aura par aide directe ou indirecte facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger en France » (Ceseda, art. L. 622-1).

(13) Voir ASH n° 2634 du 27-11-09, p. 18.

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