Après avoir enquêté auprès de 24 départements et du Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI), la Cour des comptes s’est attachée, dans un rapport rendu public le 18 juillet (1), à évaluer la qualité de l’accompagnement professionnel et social de l’insertion des bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI), remplacé désormais par le revenu de solidarité active (RSA) (2). Et le constat est sans appel: comme c’était déjà le cas pour le RMI, l’insertion des allocataires est « le point faible » du RSA. Or « les enjeux tant économiques que sociaux ou budgétaires sont considérables », estiment les magistrats financiers. Au 31 décembre 2010, en effet, le RSA a été versé à près de 1,8 million d’allocataires et concerne 3,79 millions de personnes (en comptant les familles des bénéficiaires), rappelle la cour. En outre, selon les données provisoires de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, le RMI et le RSA ont coûté aux départements 6,5 milliards d’euros en 2009. Un coût estimé à 7 milliards par un rapport des commissions des finances et des affaires sociales du Sénat et qui pourrait grimper, selon ce document, à 8 milliards en 2010.
Bien que prévu par la loi, le contrat d’insertion conclu entre l’allocataire et son référent (3) n’est pas systématiquement établi. Or il s’agit d’un « élément central du dispositif, en ce qu’il définit les besoins et les actions d’insertion ». Quant au rôle des référents, « il apparaît insuffisant faute de moyens, leur charge de travail étant le plus souvent trop lourde pour assurer un suivi effectif des bénéficiaires ». En outre, relèvent les magistrats de la rue Cambon, « l’orientation précoce et peu réversible entre accompagnement professionnel et accompagnement social, mise en œuvre dans beaucoup de départements dès 2004, est souvent trop rigide ». Et avec la loi du 1er décembre 2008 généralisant le RSA, la plupart des départements ont été incités à distinguer encore davantage les bénéficiaires proches de l’emploi, orientés vers le service public de l’emploi, des autres, orientés vers l’insertion sociale. « Paradoxalement, note la cour, en cloisonnant deux dispositifs distincts et en mettant l’accent sur l’accès rapide au marché du travail avec l’intervention de Pôle emploi, le RSA sépare les catégories de bénéficiaires davantage que ne pouvait le faire le RMI et risque ainsi de ne pas faciliter l’insertion des personnes les moins immédiatement proches de l’emploi. » Pour la Cour des comptes, il est donc indispensable de respecter l’obligation légale de contractualisation entre le référent et l’allocataire, tout « en permettant une plus grande souplesse d’adaptation en fonction de l’évolution des besoins de ce dernier ». Elle recommande également de structurer l’offre de référents et de leur donner les moyens de réaliser un accompagnement efficace.
La Cour des comptes préconise par ailleurs de mettre en place un mécanisme d’évaluation départemental du dispositif d’insertion, sur la base de critères homogènes au plan national permettant de déterminer les parcours les plus adaptés et les actions et organismes les plus efficaces. Car, « 20 ans après la mise en œuvre du RMI, il est toujours aussi difficile de porter un jugement sur l’échec ou la réussite des dispositifs d’insertion […] faute de disposer d’instruments de mesure adaptés », estiment les magistrats. « L’information reste en effet lacunaire sur les sorties du bénéfice du RSA, faute de suivi [des allocataires] et d’identification des motifs d’évolution sur une durée suffisante. » « La mise en place du RSA n’a pas davantage incité les départements à évaluer leurs dispositifs ni réussi à provoquer la nécessaire homogénéisation des observations départementales qui, en permettant la comparaison, favoriserait la diffusion des bonnes pratiques », relève la cour, qui propose donc de généraliser les études de cohortes départementales et d’organiser un suivi de ces cohortes au niveau national.
Pour l’instance, il faut mieux faire coïncider l’offre d’insertion avec les besoins réels des allocataires, notamment en utilisant davantage la procédure d’appels à projets qui « reste souvent marginale, alors qu’employée à bon escient, elle contribue à structurer l’offre d’insertion et à améliorer la réponse aux besoins des intéressés ». Les actions d’insertion, qu’elles soient inscrites ou non dans le plan départemental d’insertion, « dépendent encore trop souvent de l’offre proposée par les organismes d’insertion plutôt que de l’analyse des besoins des bénéficiaires », regrette la cour. « Le suivi et l’évaluation des actions confiées à des prestataires extérieurs restent insuffisamment exploités tant pour permettre d’influer sur le contenu de l’offre d’insertion que pour responsabiliser les organismes à des indicateurs de résultat ».
(1) Du RMI au RSA : la difficile organisation de l’insertion – Juillet 2011 – Disp. sur
(2) Le RSA a remplacé le RMI depuis le 1er juin 2009 en métropole et depuis le 1er janvier 2011 en outre-mer.
(3) Dans le cadre du RSA, ce contrat prend la forme soit d’un projet personnalisé d’accès à l’emploi, si l’allocataire est orienté vers Pôle emploi, soit d’un contrat d’engagements réciproques en matière d’insertion sociale ou professionnelle s’il est orienté vers un organisme du service public de l’emploi autre que Pôle emploi ou un organisme d’insertion sociale.