Sans mise en œuvre du « registre national des crédits aux particuliers » pouvant recenser les crédits en cours de l’emprunteur pour mieux évaluer sa situation financière, la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation passera à côté de ses objectifs de lutte contre le surendettement. Telle est la mise en garde de Jean-Louis Kiehl, président de la Fédération française des associations Crésus (pour « chambres régionales de surendettement social »), dans un courrier adressé en mai à l’ancienne ministre de l’Economie, Christine Lagarde. La loi a en effet renvoyé la création de ce fichier « positif », soutenu par les associations de lutte contre les exclusions mais contesté par les banques, aux conclusions d’un rapport réalisé par un comité de préfiguration. Or, selon Jean-Louis Kiehl, « ce document a été remis en toute discrétion » et ses préconisations techniques – notamment le choix de l’identifiant de l’emprunteur – risquent de rendre irréalisable la création du fichier.
Les données issues du dernier rapport d’activité de la Fédération des associations Crésus, qui accompagnent les ménages surendettés, confirment pourtant la nécessité d’une réponse urgente en termes de prévention. Alors que, selon la Banque de France, 900 000 ménages ont déposé un dossier de surendettement en 2010 (1), le réseau a vu le nombre de demandes d’accompagnement progresser de 22 % en un an (53 547 en 2010) et celui des consultations de 41 % (159 200). La proportion de salariés (54 %) et de retraités (16 %) augmente parmi les personnes aidées. Et « contrairement aux idées reçues, l’accident de la vie (chômage, maladie, divorce) n’arrive qu’en seconde position des causes de surendettement », alors que « l’accumulation des crédits de trésorerie se vérifie dans 87 % des dossiers ». La fédération souligne que « le montant moyen d’un dossier de surendettement atteint des sommets incohérents » en France (près de 40 000 €) par rapport à nos voisins européens, ce qui rend le rétablissement des ménages particulièrement difficile. Elle y voit « la conséquence directe de l’absence de fichier “positif” et des limites d’un système d’appréciation de la solvabilité fondé sur les seuls scorings [critères d’acceptation] et le déclaratif ».
La fédération demande donc d’aboutir « à un registre efficient », seul moyen à ses yeux de « déterminer la solvabilité des emprunteurs, de prévenir le surendettement, sans pour autant pénaliser l’accès au crédit », d’ici au 1er janvier 2012. Elle plaide pour des modalités de mise en œuvre « simples, laissant place à un “dialogue avec le consommateur” et une marge d’appréciation de sa capacité de remboursement dignes d’un registre national des crédits et non d’un simulacre ».
(1) Le premier semestre 2011 a enregistré une hausse de 8,8 % par rapport à la même période en 2010.