Le juge des enfants qui instruit une affaire impliquant un mineur ne peut présider le tribunal pour enfants qui a à juger ce même mineur. C’est ce qu’a décidé le Conseil constitutionnel, le 8 juillet, en répondant à une question prioritaire de constitutionnalité dans le cadre de laquelle il a soulevé d’office le problème du respect du principe d’impartialité des juridictions par le juge des enfants lorsque celui-ci cumule les fonctions d’instruction et de jugement (voir les réactions des magistrats de la jeunesse, ce numéro, page 28).
Conformément à l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire, le tribunal pour enfants est composé du juge des enfants, président, et de deux assesseurs. Le juge des enfants peut prononcer seul des mesures d’assistance, de surveillance ou d’éducation mais ne peut décider de mesures répressives. Pour ce faire, il doit renvoyer l’affaire devant le tribunal pour enfants, qu’il présidera le plus souvent dans la pratique, faute de juges disponibles (1), souligne le Conseil constitutionnel dans son Commentaire aux cahiers (2). En outre, précise-t-il, même lorsque les juges des enfants sont plusieurs à exercer dans le même ressort, « le principe d’organisation en matière de justice des mineurs est la continuité du suivi des mineurs par un même juge, qu’il s’agisse de l’assistance éducative, de la justice pénale examinée par le juge des enfants, de la présidence du tribunal pour enfants et, enfin, de l’application des peines ». Ainsi, à l’heure actuelle, si aucune disposition ne permet expressément ce cumul de fonctions, « celui-ci est la règle », reconnaît la Haute Juridiction. Une situation à laquelle elle met fin.
Pour le Conseil constitutionnel, « le principe d’impartialité des juridictions ne s’oppose pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure puisse, à l’issue de cette instruction, prononcer des mesures d’assistance, de surveillance ou d’éducation ; toutefois, en permettant au juge des enfants qui a été chargé d’accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d’impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution ». Les sages déclarent donc inconstitutionnel l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire. « Ce qui est jugé incompatible avec la participation au jugement de l’affaire, c’est la direction d’enquête sur les faits reprochés au mineur et le préjugement qu’implique nécessairement la décision de renvoi du mineur devant le tribunal pour enfants », explique la Haute Juridiction dans son Commentaire aux cahiers. En revanche, elle considère que n’est pas contraire au principe d’impartialité le pouvoir du juge des enfants, à l’issue de l’instruction, de prononcer des mesures d’assistance, de surveillance et d’éducation. Ni même celui, au cours de l’instruction, d’effectuer toutes diligences et investigations pour connaître la personnalité du mineur et de prendre les mesures appropriées à sa rééducation.
Conscient que l’abrogation immédiate de l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire « entraînerait des conséquences manifestement excessives », le Conseil constitutionnel permet au gouvernement de reporter la date de cette abrogation au 1er janvier 2013.
(1) En effet, 34 tribunaux pour enfants ne disposent que d’un seul juge des enfants.
(2) Ce document est disponible sur