Quel regard portez-vous sur la loi du 4 juillet 2001 ?
C’est une avancée dans la reconnaissance du droit des femmes à maîtriser leur fécondité. Cette loi a allongé les délais de 10 à 12 semaines de grossesse pour avorter, alignant la France sur la moyenne européenne.
Elle a cherché également à faciliter l’accès à l’IVG tant des majeures, par la suppression de l’entretien obligatoire, que des mineures, qui n’ont plus besoin d’avoir l’autorisation parentale même si elles doivent être accompagnées par un adulte référent. En outre, elle a autorisé la contraception définitive et ainsi permis à des hommes et des femmes de se faire stériliser.
Dix ans après, comment ce texte est-il appliqué sur le territoire ?
Alors que l’accès à l’avortement devait devenir un véritable droit, on constate de nombreuses difficultés. L’acte d’IVG n’est toujours pas considéré comme un acte médical comme un autre : il n’est pas rémunéré à la même hauteur qu’un curetage après une fausse couche. Et avec la tarification à l’activité, l’écart n’a fait que se creuser. Par ailleurs, la loi « hôpital, patients, santé et territoires » a réorganisé l’offre de soins par pôles et supprimé des structures de proximité. On a perdu environ 110 centres d’IVG en dix ans ! Qui dit regroupement dit en outre diminution de personnels, travail à la chaîne, déshumanisation. Les usagers sont mal reçus, se plaignent de l’accueil…
Pourtant Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, avait, en décembre 2010, donné des instructions aux agences régionales de santé pour améliorer les choses…
Elle avait effectivement, après la remise du rapport d’évaluation de la loi du 4 juillet 2001 de l’inspection générale des affaires sociales, annoncé une série de mesures (1) pour améliorer l’accès à la contraception et à l’IVG. Sauf que les difficultés persistent : à tel point que des femmes dépassent le délai légal et doivent avorter à l’étranger ! La ministre avait aussi promis de revaloriser les forfaits IVG : on attend toujours !
Qu’en est-il de l’accès à la contraception ?
Il est freiné par le fait que trop peu de contraceptifs sont remboursés. Par ailleurs, les mineures ne trouvent pas toujours un centre de planification familiale près de chez elles pour pouvoir se procurer une contraception de façon anonyme et gratuite. D’où des discriminations territoriales, renforcées encore par le fait que certains conseils généraux commencent à s’opposer à ce que les centres délivrent des contraceptifs non remboursés alors que quelques conseils régionaux tentent de faciliter l’accès à la contraception des adolescentes. Enfin, la contraception définitive est toujours taboue, peu proposée, voire refusée. Pis, en mai 2010, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie a décidé de ne plus rembourser une des méthodes les plus utilisées aux femmes de moins de 40 ans !
Et sur le plan de l’éducation sexuelle ?
Alors que la loi a rendu obligatoires du CP à la terminale trois séances annuelles d’information et d’éducation à la sexualité, les jeunes en bénéficient au mieux d’une ou de deux au cours de leur scolarité.
Celles-ci les aident pourtant à déconstruire les modèles masculin et féminin et à lutter contre les comportements sexistes et homophobes.
Quel est donc votre état d’esprit ?
Nous en avons assez des promesses non tenues et des coupes budgétaires. La députée Bérangère Poletti (UMP) a rendu de nouvelles propositionsen faveur des adolescentes (2). Un rapport de plus ? En janvier dernier, nous avons déposé avec l’ANCIC et la CADAC (3), un recours gracieux pour non-application de la loi de 2001 auprès du Premier ministre. Face au silence du gouvernement, nous envisageons de déposer un recours contentieux devant le Conseil d’Etat.
(1) Elle avait présenté notamment 12 mesures le 8 mars 2010 – Voir ASH n° 2650 du 12-03-10, p. 12.
(2) Rapport d’information sur la contraception des mineures – Voir ASH n° 2710 du 20-05-11, p. 12.
(3) Association nationale des centres d’interruption de grossesse et de contraception et Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception.