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Un rapport parlementaire s’oppose à l’expérimentation de salles de consommation de drogues en France

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Mise sur pied en septembre dernier en plein débat sur l’opportunité d’expérimenter ou non les salles de consommation de drogues en France, la mission d’information parlementaire sur les toxicomanies – composée à parité de députés et de sénateurs – a rendu publiques le 29 juin les principales conclusions de son rapport d’information (1). Et, concernant ce que certains ont nommé « salles de shoot », elles sont sans appel : « la transposition, en France, de l’expérience des centres d’injection supervisés serait extrêmement hasardeuse et n’est en conséquence pas souhaitable » (sur les réactions associatives, voir ce numéro, page 20).

Mis en place dans huit pays européens, ces centres accueillent des usagers de drogue sous la supervision de médecins, psychiatres, infirmiers, assistants sociaux ou éducateurs, et poursuivent un double objectif : d’une part, un objectif sanitaire pour permettre aux usagers de drogues de pratiquer une injection dans de bonnes conditions d’hygiène, réduire les risques liés et leur offrir une porte d’entrée vers le système de soins ; d’autre part, un objectif de réduction des nuisances liées à la consommation de drogues dans l’espace public (2). Ces structures étaient, jusqu’à l’été 2010, des structures peu connues du grand public en France. C’est la publication de l’expertise collective menée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur la réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues – favorable à leur mise en place expérimentale – qui a conduit à leur « médiatisation intense », au point de faire naître une certaine controverse… et de diviser au sein même du gouvernement. Ainsi, en août dernier, alors que la ministre de la Santé du moment, Roselyne Bachelot, s’était déclarée favorable à une concertation sur le sujet, elle s’était vu rappelée à l’ordre par les services du Premier ministre, pour qui cette expérimentation est ni utile, ni souhaitable.

Pour asseoir leur position sur le sujet, les rapporteurs de la mission, la députée (UMP) du Doubs Françoise Branget et le sénateur (RDSE) du Jura Gilbert Barbier, pointent « l’absence d’évaluation médico-économiques des centres d’injection supervisés » mais aussi les divergences d’appréciation sur l’efficacité de ces structures, en particulier du côté des intervenants de terrain. Ainsi, « la mission d’information a auditionné et rencontré de très nombreux acteurs impliqués dans l’accompagnement et la prise en charge des usagers de drogues en France » et « a pu constater que leurs avis concernant les centres d’injection supervisés étaient loin d’être homogènes ». Il n’y a pas de « réel consensus » sur la question. Le rapport reprend notamment les propos très sévères tenus par le président du Samu social, Xavier Emmanuelli, auditionné en février et fermement opposé à ces salles d’injection (3).

Pour Françoise Branget et Gilbert Barbier, il est également légitime de s’interroger au vu de la condamnation de telles structures par des instances officielles comme l’Académie nationale de médecine ou l’Organe international de contrôle des stupéfiants.

Les deux parlementaires ont par ailleurs de sérieux doutes sur l’adéquation des centres d’injection supervisés à la situation française, pas forcément comparable – à leurs yeux – à celle des pays où de telles structures ont été mises en place. A titre d’exemple, « nulle ville n’accueille des scènes [ouvertes de consommation de drogue] d’une ampleur comparable à celle qu’ont pu connaître certaines villes allemandes ou suisses ». « Le phénomène est, dans les grandes agglomérations françaises, plus diffus et surtout beaucoup plus mobile. » Les rapporteurs proposent à cet égard de recourir davantage à des « maraudes » de contact. Car ils en sont convaincus : « une telle démarche offrirait l’avantage de la souplesse et de la réactivité pour s’adapter à la mobilité des lieux de consommation en permettant d’aller au-devant d’une population très désinsérée », en plus de « correspondre aux modes d’intervention déjà mis en place par des structures très impliquées dans le domaine de la réduction des risques ».

Ultimes arguments plaidant en défaveur des centres d’injection supervisés, selon le rapport : leur acceptation « plus qu’incertaine » par la population, les difficultés juridiques que leur expérimentation comporterait en l’état actuel du droit mais aussi et surtout l’ambiguïté du discours sur les drogues qui résulterait de leur mise en place. Une ambiguïté « inacceptable » qui, pour les deux parlementaires, conduirait à « affaiblir la portée du message de santé publique sur le caractère illicite et nocif de la consommation de drogues ».

Plus d’infos sur www.ash.tm.fr}

Notes

(1) Rapport d’information sur les toxicomanies – Assemblée nationale n° 3612 et Sénat n° 699 – Françoise Branget, Gilbert Barbier – Juillet 2011 – Disp. sur www.assemblee-nationale.fr.

(2) Voir à ce sujet notre reportage sur une salle de consommation en Allemagne dans les ASH n° 2678 du 15-10-10, p. 36.

(3) « Je pense que les salles d’injection constituent une perversité et ne peuvent fonctionner, faute de moyens. Je suis d’autre part extrêmement choqué que l’on abandonne les gens à leur définition de toxicomanes. […] C’est non seulement inesthétique mais antiéthique et antihumaniste »

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