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Dignes d’être aimés

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Forte de son expérience de terrain, Viviane Tosar a choisi de témoigner, de façon romancée, de la vie quotidienne au sein d’un établissement pour enfants polyhandicapés, mais aussi de la méconnaissance et des préjugés qui entourent ces derniers.

Qu’ils soient sanglés dans leurs fauteuils ou qu’ils avancent d’une démarche étrange, que leurs yeux se dérobent aux tentatives de contact ou qu’ils manifestent bruyamment leurs émotions, les enfants polyhandicapés font peur, et la société se satisfait de les savoir pris en charge en établissement par des professionnels de préférence dévoués et discrets. Avec Le silence des autres, Viviane Tosar, qui connaît bien le monde du handicap pour l’avoir fréquenté à différents postes, rend justice « à la vie un peu refermée, protégée d’une institution médico-sociale ». Galerie de souvenirs récoltés au fil des ans et romancés, l’ouvrage raconte le quotidien du Centre, un microcosme pétillant de personnalités affirmées, de joies et de peines intenses. Boudeurs, espiègles, sensibles, étonnants, les enfants y apparaissent pleinement humains et terriblement attachants, « psychiquement bien vivants ». Les adultes, eux, sont dépeints tout en nuances. Perdus, exagérément exigeants ou désespérément absents, les parents laissent entrevoir des fêlures avec lesquelles le directeur doit composer, dans l’intérêt des enfants. L’intendante ergote et sermonne, mais fournit des trésors de tissus délicats pour les décors du spectacle de fin d’année. Diane, la collègue aide médico-psychologique (AMP), arbore souvent une mine renfrognée, mais c’est parce qu’elle s’épuise à prévenir les besoins de l’équipe – en couches, en lingettes, en temps de pause… Et l’été, au mépris de toute prudence, les remplaçants ignorent les conseils des professionnels – mais « c’est parce qu’ils ne font pas les choses comme les permanents qu’on apprendra que Luc sait boire au verre, il suffit de lui placer les mains autour ».

Au fil des chapitres, les souvenirs d’AMP d’Odile, vieille routarde de l’établissement, retracent la métamorphose du secteur, de l’enfant simple objet médical à la personne « digne d’être aimée ». Une évolution qui apparaît fragile, et menacée par la surmédicalisation, au détriment de la relation humaine et de ses progrès parfois à peine perceptibles.

Le silence des autres – Viviane Tosar – Ed. Elzévir – 19,90 €

Culture

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