Comment a fonctionné votre établissement ?
Il a été ouvert en octobre dernier à la demande de l’Education nationale, qui a considéré que nous avions des compétences en matière éducative et scolaire, deux dimensions qui fondent la philosophie des ERS. Conformément aux principes d’encadrement posés par le projet national, nous disposons de deux professeurs des écoles, d’un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et de quelques volontaires du service civique. Une partie de l’encadrement de notre internat scolaire, dont un étage est dédié aux élèves de l’ERS, peut être aussi sollicitée. Dix jeunes ont été accueillis et orientés, sachant que deux autres ne sont pas allés jusqu’à la fin de l’année.
Quel est votre bilan ?
Les élèves étant arrivés progressivement et les orientations se faisant au deuxième trimestre, nous les avons réellement pris en charge durant six mois, ce qui est beaucoup trop court ! On nous a d’ailleurs annoncé que les textes devraient évoluer, de manière à permettre l’accueil d’un jeune pendant plus d’une année scolaire. Mais cet accompagnement intervient aussi très tard pour des élèves qui arrivent en général à 15 ans, savent qu’ils approchent de la fin de l’obligation scolaire et ont déjà intégré un comportement d’évitement de l’école, parfois dans une situation de pré-délinquance. Après avoir beaucoup travaillé avec nos partenaires – la PJJ, l’aide sociale à l’enfance, l’inspection académique –, nous avons conclu qu’il valait mieux nous adresser des élèves plus jeunes. Point positif : la préparation des affectations a montré que nous pourrons accueillir à la rentrée des élèves de fin de 5e poly-exclus, mais donnant le sentiment d’accepter la voie d’une réintégration scolaire. A 12 ou 13 ans, le comportement vis-à-vis de l’école a en général commencé à se dégrader, mais les élèves ne sont pas encore dans une situation d’absentéisme chronique et ont conservé les apprentissages de base. L’ERS est alors davantage une dernière chance avant le décrochage.
L’accompagnement est-il à la hauteur des besoins ?
Les élèves sont de jeunes garçons refusant l’autorité, prêts à franchir la ligne jaune, pour la plupart issus de familles monoparentales dans une situation de précarité sociale, avec une forte demande des mères d’être aidées. Si la dotation pour l’encadrement est globalement correcte, elle a toutefois été insuffisante face à quelques jeunes qui auraient dû relever d’un autre type d’aide. D’un côté, nous pouvons estimer que nos moyens sont importants tandis que l’on supprime des postes dans l’Education nationale, mais de l’autre, nous prenons en charge des jeunes qui n’ont pas encore été identifiés par la protection judiciaire de la jeunesse ou l’aide sociale à l’enfance…
Quelles sont les décisions d’orientation ?
Une fois la confiance établie, les ERS permettent un vrai travail individuel pour aider le jeune à construire un projet, qui se concrétisera, pour certains, par une entrée en CAP. La réinsertion scolaire est possible à condition de s’y prendre suffisamment tôt. Au-delà de la polémique qui a entouré leur création, j’estime qu’ils sont une tentative de réponse à un problème réel (2), même si elle peut être améliorée.
(1) Le gouvernement a annoncé 20 établissements pour la rentrée 2011.
(2) Dans le cadre de l’élection présidentielle de 2012, les Apprentis d’Auteuil présenteront, à l’automne, des propositions sur la lutte contre le décrochage scolaire, le soutien aux parents dans leurs missions éducatives et l’insertion professionnelle. Selon une enquête d’opinion qu’elle a commandée à Viavoice, « 61 % des Français ne voteraient pas pour un candidat qui n’aurait pas intégré la question des jeunes en difficulté dans son programme ».