Près de 6 mois après leur installation, les quatre groupes de travail nationaux sur la réforme de la dépendance ont remis leurs rapports le 21 juin à Roselyne Bachelot (1). Sur cette base, la ministre a fait ses propositions au président de la République, qui pourra aussi s’appuyer sur les débats qui ont eu lieu dans les départements et les régions, sur deux rapports parlementaires rendus publics sur le sujet (2), sur l’avis du Conseil économique, social et environnemental de juin dernier (3), ainsi que sur le récent avis du Haut Conseil de la famille et le rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (voir respectivement encadrés pages 56 et 54).
Les rapports des quatre groupes de travail – « Société et vieillissement », « Perspectives démographiques et financières de la dépendance », « Accueil et accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie », « Stratégie pour la couverture de la dépendance des personnes âgées » – abordent des thématiques parfois très proches et se recoupent donc souvent aussi bien sur leurs constats que sur leurs propositions. Au final, pas vraiment de grandes nouveautés ni de choix très tranchés, mais plutôt un ensemble de recommandations et de scénarios, desquels il ressort toutefois trois pistes d’action qui semblent faire consensus : maintenir, en l’améliorant, le socle actuel de financement public de la dépendance ; réaffirmer la priorité du maintien à domicile avec, pour corollaires, la mise en place d’un véritable parcours coordonné adapté à la personne âgée et une politique de soutien aux aidants familiaux ; réduire le reste à charge des résidents d’établissements.
Nicolas Sarkozy doit rendre ses arbitrages courant juillet. Lors d’une rencontre organisée par l’Association des journalistes de l’information sociale le 27 juin, la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale a évoqué la possibilité que les décisions élyséennes soient ensuite traduites dans « trois types de texte ». Des mesures financières, qui correspondraient à « quatre éléments d’urgence » – le reste à charge trop élevé, les problèmes financiers des services d’aide à domicile et des départements et le soutien aux aidants familiaux –, seraient ainsi introduites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 et « pourquoi pas dans le projet de loi de finances », deux textes traditionnellement présentés courant septembre. Quant aux mesures organisationnelles, certaines pourraient figurer dans un texte spécifique sur la dépendance « présenté à la rentrée et examiné en fonction du calendrier parlementaire », mais qui, dans tous les cas, sera « abouti sous cette mandature », a assuré Roselyne Bachelot. D’autres pourront faire l’objet d’un plan, par exemple. Enfin, une loi de programmation pourrait être un élément de la campagne présidentielle, a-t-elle ajouté.
Le groupe de travail confié à Bertrand Fragonard, conseiller maître à la Cour des comptes et président du Haut Conseil de la famille, devait plancher sur des scénarios visant à mieux prendre en charge la perte d’autonomie des personnes âgées classées en groupe iso-ressources (GIR) 1 à 4 et à trouver des sources de financement. Une nécessité au regard des chiffres qu’il avance. En 2010, les dépenses liées à la prise en charge de la dépendance étaient estimées à environ 24 milliards d’euros (4), dont l’essentiel (42 %) étaient des dépenses de soins (5). Près de 70 % de ces dépenses étaient couvertes par la puissance publique, notent les membres du groupe de travail (6). Soulignant que l’Etat prend surtout à sa charge celles relatives à la perte d’autonomie et des soins, les coûts liés à l’hébergement étant souvent assumés par les personnes ou leurs familles. Autre point notable : le taux de couverture est meilleur pour les dépenses à domicile (86 %) qu’en établissement (72 %).
Le groupe de travail propose trois scénarios de réformes possibles : la consolidation du système actuel (scénario n° 1) ; la création d’une assurance universelle, obligatoire et gérée par répartition (scénario n° 2) ; l’instauration du principe d’une assurance privée obligatoire (scénario n° 3). Toutefois, considérant que la France est dotée d’un « socle puissant de couverture de la dépendance », sa préférence va à la consolidation du système existant tout en le rendant « plus juste et plus efficient ».
Dans leur premier scénario, les membres du groupe de travail proposent d’améliorer la couverture publique de la dépendance, tant à domicile qu’en établissement. Cela passerait, en particulier, par une réforme de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou encore par le recours à de nouvelles recettes financières.
Dans leurs rapports de 2008 et de 2011 (7), les sénateurs (UMP) Alain Vasselle et Philippe Marini ont préconisé de moduler l’APA à domicile en fonction du patrimoine du bénéficiaire, rappelle le groupe de travail « Fragonard ». Concrètement, il s’agirait, à partir d’un certain montant de patrimoine, estimé entre 150 000 et 200 000 €, de proposer aux bénéficiaires de l’APA à domicile de faire le choix entre :
une aide à taux plein, sous réserve d’accepter que les sommes versées soient récupérées sur leur succession dans la limite de 20 000 € ;
une aide partielle s’ils ne souhaitent pas que leur patrimoine soit engagé.
Les économies réalisées sont estimées entre 0,8 et 1,3 milliard d’euros, indique le groupe de travail, tout en relevant l’existence d’« hypothèses plus prudentes [qui] conduisent à retenir un rendement plus faible ». Aussi rappelle-t-il une « alternative » proposée par le rapport « Rosso-Debord » (8) qui « consisterait en un régime commun d’option pour l’APA en établissement et à domicile ». Concrètement, la solution de la députée (UMP) entend, à partir d’un patrimoine de 100 000 €, proposer au demandeur de faire le choix enre une APA à taux plein à condition d’accepter une récupération des sommes versées sur sa succession plafonnée à 20 000 € ou une APA à taux réduit, sans reprise sur succession.
Mais, de l’avis même des membres du groupe de travail, « une telle évolution n’est pas souhaitable ».
En 2010, 727 000 personnes bénéficiaient de l’APA à domicile, pour un coût total de 3,4 milliards d’euros. Cette prestation a connu un taux de croissance annuel moyen de 12,8 % sur la période 2002-2010 notamment du fait de l’augmentation du nombre de personnes relevant du GIR 4 (+ 10,7 % en moyenne annuelle, contre + 4,4 % en établissement). En outre, en 2007, 26 % des plans d’aide étaient saturés, c’est-à-dire d’un montant égal au plafond, la saturation de ces plans étant supérieure pour les personnes en GIR 1 et 2 (respectivement 44 % et 36 %). Pour le groupe de travail, « ce phénomène de “saturation” pourrait suggérer, pour certaines catégories de GIR, que le calibrage de l’APA ne permet pas de financer toutes les aides à domicile ». Aussi propose-t-il plusieurs pistes de réforme « afin d’assurer plus longtemps l’exercice effectif du libre choix » entre le maintien à domicile et le placement en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Si les plans d’aide sont saturés, c’est parce qu’ils sont « insuffisants au regard des besoins », estime le groupe de travail. Il suggère donc de relever les plafonds d’aide selon trois modalités :
selon le GIR. Coût de la mesure : 365 millions d’euros pour une augmentation homogène de 50 % des plafonds, 300 millions pour une hausse différenciée (50 % en GIR 1, 40 % en GIR 2, 30 % en GIR 3 et 20 % en GIR 4), 170 millions pour une hausse de 50 % des seuls GIR 1 et 2 et 138 millions pour une augmentation de 50 % du GIR 1 et de 30 % du GIR 2 ;
pour les seules personnes isolées. « Ce ciblage serait cohérent avec la forte fréquence des plans saturés des allocataires isolés », souligne Bertrand Fragonard. Coût estimé : environ 270 millions d’euros pour une hausse de 50 % de tous les GIR ;
pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. La dépense publique pourrait s’établir entre 110 et 365 millions d’euros en cas de relèvement du plafond de 50 %.
Au-delà, le groupe de travail recommande de faire évoluer les plafonds de façon à « être plus conformes avec la réalité de l’évolution des facteurs ». En effet, explique-t-il, « les plafonds étant revalorisés comme les prix, le maintien de cette règle pourrait conduire de nouveau à une augmentation de la fréquence de la saturation des plans d’aide ». Afin de l’éviter, les membres avancent deux solutions, avec une préférence pour la première qu’ils jugent « plus logique et cohérente » :
indexer les plafonds sur les salaires ;
maintenir l’indexation des nouveaux plafonds sur les prix et évaluer de nouveau la situation dans 5 ans.
Le groupe de travail estime enfin opportun d’étudier la possibilité de « moduler les plafonds par zones géographiques pour tenir compte de la relative hétérogénéité des coûts d’intervention selon les territoires ».
« Actuellement, la participation du bénéficiaire de l’APA augmente, d’une part, avec son revenu et, d’autre part, avec le montant de son plan, qui augmente lui-même avec son GIR », relève le groupe de travail, qui demande « qu’on abaisse le taux d’effort au moins pour les GIR 1 et 2 ».
Rejoignant le groupe de travail « Société et vieillissement » (voir page 59), Bertrand Fragonard propose notamment que les plans d’aide prennent mieux en compte les dépenses d’aménagement du logement. Pour les GIR 1 à 4, la responsabilité de ces aménagements pourrait être confiée aux caisses de retraite ou aux départements. Si tel était le cas, précise l’auteur, « il faudrait explorer des pistes spécifiques d’aménagement de la gestion de l’APA », telles que :
augmenter la durée – aujourd’hui de 4 mois – pendant laquelle une dépense d’aménagement du logement peut être incluse dans le plan ;
étudier un système dans lequel le département ferait l’avance des frais qui seraient amortis sur l’APA, pour une durée légèrement supérieure à 4 mois.
« Les restes à charge élevés subis par les personnes dépendantes en établissement appellent un renforcement de l’aide publique », estime Bertrand Fragonard, qui avance plusieurs pistes en ce sens.
Parallèlement à la mise en œuvre d’ actions visant à diminuer le tarif des EHPAD, via notamment des gains de productivité, certains membres du groupe de travail « Fragonard » proposent de modifier la répartition des charges entre les trois sections tarifaires (hébergement, soins, dépendance), rejoignant ainsi certaines préconisations du groupe de travail « Accueil et accompagnement des personnes âgées » (voir page 57). L’idée avancée serait de :
rectifier le périmètre actuel des sections tarifaires afin d’obtenir une répartition plus conforme à la nature des dépenses ;
alléger le reste à charge des familles, en transférant des masses financières significatives des sections les moins socialisées (hébergement et dépendance) vers la section la mieux socialisée (soins) (9).
Cette proposition soulève toutefois des difficultés techniques détaillées en annexe 8 du rapport, qui pourraient notamment se traduire par une augmentation de la dépense à la charge de l’assurance maladie et, dans une moindre mesure, des départements, alertent les membres.
Pour permettre une réduction ciblée des restes à charge, le groupe de travail propose d’augmenter l’allocation de logement en EHPAD et en unité de soins de longue durée (USLD). Plus précisément, il préconise :
de n’entamer la baisse de la prestation qu’au niveau de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (742,27 € par mois pour une personnes seule et 1 181,77 € pour un couple en 2011) ;
de relever le point de sortie de l’aide au niveau de revenu où la prestation est inférieure à 15 € par mois, ce qui accroîtrait le nombre des bénéficiaires des classes moyennes. Ce point de sortie s’établirait ainsi à 1 700 € par mois, contre actuellement 1 220 € pour l’aide personnalisée au logement et 940 € pour l’allocation de logement sociale.
Toutefois, estiment les membres, « afin d’éviter que la nouvelle aide ne soit captée par les établissements via des augmentations de tarif, le nouveau barème pourrait être subordonné à une convention tarifaire ».
« Même si une éventuelle réforme de l’aide à l’hébergement diminuait les charges des résidents, un certain nombre de ménages continueront de subir des restes à charge élevés en cas de durée de séjour “anormalement” longue par rapport à la moyenne » (10), estiment certains membres du groupe de travail, qui préconisent donc l’instauration d’un mécanisme de « bouclier » afin de limiter les dépenses exposées des résidents, un mécanisme selon eux « pleinement justifié et cohérent avec notre modèle de protection sociale ». D’autres y sont toutefois réticents au motif que cette mesure pourrait « affecter de façon négative les comportements d’épargne et d’assurance ».
Plusieurs types de mécanismes pourraient concourir à mettre en œuvre ce bouclier. Quel que soit le mécanisme retenu, « il posera des difficultés techniques [et juridiques] de conception et de mise en œuvre importantes, mais non insurmontables », admettent les membres du groupe de travail. Si le gouvernement choisissait de mettre en œuvre ce dispositif, certaines questions préalables devront être traitées, avertissent-ils, au rang desquelles : la nature du risque couvert (les restes à charge ou les durées longues), le lieu de vie et les types de dépenses couverts (au moins sur les dépenses en établissement), les limites éventuelles au mécanisme. Sur ce dernier point, le groupe de travail estime qu’« il pourrait ainsi être envisagé de plafonner le “bouclier” en fonction des revenus ou du patrimoine, afin de cibler le mécanisme sur les personnes âgées les plus fragiles, ou en fonction des dépenses couvertes, afin d’éviter que celui-ci ne serve à solvabiliser des dépenses somptuaires en établissement ».
En tout état de cause, insiste Bertrand Fragonard, la mise en place d’un « bouclier-dépendance » ne pourra « pas être indépendante des autres mesures d’amélioration du système actuel, notamment en établissement ».
L’inconvénient de cette formule, indique le groupe de travail, est qu’elle ne prend pas en compte les ressources (ou le patrimoine) du bénéficiaire potentiel. Elle conduirait en effet à ce que les personnes dépendantes aux revenus les plus élevés soient davantage protégées par le bouclier que les plus modestes (celles-ci atteindraient en effet le montant maximum de reste à charge pour des durées en dépendance beaucoup plus faibles que les classes moyennes).
Cette piste semble avoir été écartée par les membres.
Le principe est de considérer, par exemple, qu’une personne âgée dépendante n’ait pas à consacrer plus de N années de son revenu au financement de sa dépendance. « Si un tel mécanisme permettrait de corriger partiellement le défaut du précédent en prenant en compte les ressources du bénéficiaire, reconnaît l’auteur du rapport, cette correction pourrait n’être qu’imparfaite : en effet, pour la dépendance à domicile, il bénéficierait fortement aux personnes ayant les ressources les plus élevées. »
Le groupe de travail propose trois modalités, à commencer par la suppression du reste à charge au-delà d’une certaine durée de dépendance, de telle sorte que la personne dépendante n’ait pas besoin de liquider son patrimoine, ou de faire appel davantage à ses enfants. Il conviendrait alors de prévoir une aide égale au reste à charge. Ce mécanisme aurait « l’avantage de la simplicité de mise en œuvre et de la clarté du principe (si la dépendance est un risque assurable par mutualisation qui tolère une participation de la personne dépendante, la dépendance longue est, elle, un risque catastrophique qui doit être intégralement pris en charge par la solidarité nationale) », estiment les membres. Un point noir toutefois : ce mécanisme introduirait « un saut brutal d’un système à l’autre (effet de seuil au-delà d’une certaine durée) ».
Une autre option consisterait à limiter de façon relative le reste à charge dans la durée. Ainsi, explique le groupe de travail, « au-delà d’une certaine durée de dépendance, le reste à charge pourrait être plafonné (mais non annulé), de façon à ce que la personne dépendante n’ait besoin de faire appel à une ponction supplémentaire sur son patrimoine ou à ses enfants que pour une partie de son reste à charge. L’aide serait alors inférieure [à ce dernier] ».
Dernière option : éteindre progressivement le reste à charge avec la durée de dépendance. « Par exemple, précise le groupe de travail, le reste à charge pourrait être divisé par le nombre d’années en dépendance au-delà d’une certaine durée. » Cette solution maintiendrait les principes actuels de variation du reste à charge en fonction des revenus, mais en le diminuant pour tous selon la même proportion, de façon progressive avec la durée en dépendance.
Pour le groupe de travail, l’assurance dépendance doit rester un mode de financement complémentaire à l’aide publique. Le gouvernement pourrait chercher à « faciliter leur développement en s’assurant que les contrats sont réellement protecteurs des intérêts des souscripteurs ». Dans tous les cas, estiment ses membres, la création d’une incitation fiscale à la souscription à ces contrats (crédits d’impôts) devrait être écartée car très coûteuse pour les finances publiques.
L’Etat doit, entre autres, s’attacher à garantir « la robustesse et la stabilité des critères d’évaluation de la dépendance ». Cela pourrait passer par l’« adoption d’une grille, reposant sur des indicateurs exogènes et objectivés, par tous les acteurs de l’évaluation de la dépendance ». Une grille qui devra être stabilisée sur une longue période. En outre, la stabilité de ces critères pourrait être assurée par une « opposabilité des évaluations du conseil général aux assureurs ».
« La trop forte diversité des contrats actuels, ainsi que certaines faiblesses dans la protection des assurés sont une limite au développement des contrats d’assurance dépendance », estiment les membres du groupe. Pour y remédier, ils recommandent de définir une garantie socle dans ces contrats, qui pourrait prendre la forme d’une labellisation publique. Labellisation qui permettrait de « s’assurer d’une qualité d’offre minimale, réellement protectrice des souscripteurs ».
Selon le rapport, « compte tenu de la durée des contrats d’assurance-dépendance, les méthodes de revalorisation des rentes sont fondamentales pour assurer un maintien de leur pouvoir d’achat ». Aussi souligne-t-il que, « a minima, une indexation sur les résultats techniques des contrats peut être envisagée ». « Une indexation plus dynamique serait sans doute souhaitable, avouent les membres du groupe, puisque les coûts de la dépendance évoluent, sur le moyen terme, comme les salaires et non comme l’inflation. » Mais, une telle indexation est, de l’avis des assureurs, impossible en l’état actuel de la législation. En revanche, estime le groupe de travail, « le principe d’une indexation offrant un taux fixe (par exemple, 1,8 % par an) et/ou d’une participation aux résultats techniques et financiers pourrait être adopté ».
Par ailleurs, le mode de revalorisation des cotisations pourrait être encadré afin d’éviter des modifications trop importantes d’une année sur l’autre. « Par exemple, indique le groupe de travail, un plafond annuel d’augmentation pourrait être institué. »
Afin de s’assurer d’une complète prise en charge des personnes dépendantes, le groupe de travail demande que les services instructeurs de l’APA vérifient « systématiquement » qu’elles bénéficient d’une aide au logement, de la couverture maladie universelle complémentaire ou de l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé, ou encore de l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
Au-delà des mesures présentées ci-dessus, le groupe de travail indique qu’il faut trouver de nouvelles sources de financement. Il propose notamment :
comme le Conseil économique, sociale et environnemental (11), une taxe sur les mutations à titre gratuit (donations, successions…). Au taux de 1 %, son rendement peut être évalué à 1,5 milliard d’euros ;
l’extension de la journée de solidarité ;
l’alignement de la contribution sociale généralisée (CSG) applicable aux retraités (6,6 %) sur celle des actifs (7,5 %). Une proposition accueillie favorablement par une « très grande majorité des membres du groupe », souligne le rapport ;
l’imposition des majorations de retraite attribuées aux familles nombreuses. Sur la base d’un taux de 10 %, cette mesure pourrait rapporter 750 millions d’euros ;
la suppression de la réduction de l’impôt sur le revenu des personnes dépendantes au titre de leurs dépenses d’hébergement et de dépendance. Aux yeux des membres, cette mesure – qui dégagerait une économie de 175 millions d’euros – paraît justifiée au motif qu’elle « ne bénéficie qu’aux ménages les plus aisés, pour une valeur unitaire moyenne de 46 € et une perte maximale de 208 € par mois ».
Certains membres du groupe de travail souhaitent que le risque « dépendance » soit intégré dans la sécurité sociale et géré par la branche maladie, ce qui correspond à la notion de « cinquième risque ». Ils estiment en effet que ce dispositif pourrait « permettre une gestion mieux intégrée de l’offre de soins et de services dès lors que les prestations sont “dans la même main” », de « réduire les disparités locales de pratique, tant en matière d’attribution de la prestation que de disponibilité de l’offre » et d’« éviter qu’on adopte des plans d’aide inférieurs aux besoins ».
Concrètement, il s’agirait de créer une « assurance universelle, obligatoire et gérée par répartition » en faveur de tous les assurés, quels que soient leur âge et leur état de santé. En contrepartie, ces derniers devraient s’acquitter de cotisations proportionnelles à leurs revenus. La plupart des membres ayant avancé ce scénario souhaite que la nature de la prestation à domicile mise en œuvre dans ce cadre reste proche de celle de l’APA. Ils plaident donc pour une « prestation personnalisée et non pour une rente uniforme », prestation « qui soit le support d’un accompagnement social des personnes dépendantes et de leurs proches » et « dont l’usage serait orienté vers des intervenants qualifiés avec un contrôle de l’emploi des sommes versées ». Tous s’accordent aussi pour que la prestation ne donne lieu ni à récupération sur succession ni à un recours à l’obligation alimentaire.
En matière de gouvernance, le groupe de travail estime que les caisses de sécurité sociale devraient jouer un rôle central dans la gestion du dispositif, en lien avec la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Autre scénario étudié par le groupe de travail : celui d’une « assurance privée universelle, obligatoire et en capitalisation ». Cette assurance aurait vocation à se substituer aux prestations publiques destinées aux personnes âgées dépendantes ou, du moins, à une partie très substantielle de ces prestations. Les personnes âgées seraient protégées par une rente servie par les assureurs, qui serait d’un montant suffisant pour garantir des prestations de qualité. Pour cela, elles devraient cotiser entre un âge plancher de souscription (l’âge de 40 ou 50 ans est fréquemment évoqué) et un âge maximal à l’adhésion (souvent 70 ans). La cotisation serait librement fixée par l’assureur, indépendante du revenu et proportionnelle au montant de la rente payée en cas de dépendance. Quant à la rente, dans le scénario central présenté par le groupe de travail, elle couvrirait tous les assurés relevant des GIR 1 à 4 (alors que les contrats actuels ne concernent le plus souvent que les GIR 1 et 2), varierait avec le GIR et serait supérieure au montant moyen de l’APA actuel (700 € par mois en GIR 1 et 2, 475 € en GIR 3 et 300 € en GIR 4). Elle aurait un caractère libératoire, assurant ainsi une liberté de choix à la personne dépendante ou à sa famille : soit rester à domicile ou aller en institution (rente identique) ; soit percevoir une partie de la rente (ou la totalité en numéraire) et une partie sous forme des services (ou encore la totalité de la rente convertie en services). Au final, dans le scénario central du groupe de travail, « une cotisation de 33 € par mois souscrite à 50 ans ouvrirait un droit à une rente comprise entre 300 € et 700 €. »
Une aide à la souscription à ce type d’assurance pourrait être ici justifiée, selon le rapport : « elle varierait, pour un niveau de rente donné, avec le revenu et, le cas échéant, serait croissante selon l’âge à la souscription ».
Piloté par Evelyne Ratte, conseiller maître à la Cour des comptes, le groupe de travail « Accueil et accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie » a planché sur les thèmes suivants : l’état des lieux de l’offre d’hébergement et du secteur de l’aide à domicile ; le parcours coordonné de la personne âgée en perte d’autonomie ; les perspectives en termes de programmation et de planification de l’offre ; la qualité de l’accueil et de l’accompagnement ; la politique tarifaire et l’évolution des coûts de prise en charge. Au final, ses orientations, dont toutes ne font pas consensus, s’organisent autour des « idées simples » suivantes :
le dispositif doit avoir pour axe « le parcours de vie » des personnes concernées ;
la règle doit être le respect du libre choix de la personne, ce qui induit la préférence donnée au maintien à domicile, compte tenu des souhaits des Français de rester à domicile le plus longtemps possible ;
si les coûts médicaux et d’aide à la personne sont correctement couverts, ceux de l’hébergement restent trop élevés pour beaucoup ;
à quelques ajustements près, l’offre quantitative est à la mesure du problème. L’effort principal est à porter sur la qualité du service rendu et l’efficience du dispositif. L’urgence n’est donc pas de créer, mais de mieux organiser et de mieux piloter.
Certes, relève le rapport, « les politiques publiques menées ces 20 dernières années ont fortement renforcé la solidarité en faveur des personnes âgées en perte d’autonomie, tant par la mise en place de mécanismes de solvabilisation (APA, dépenses fiscales) que par l’augmentation et la diversification de l’offre de soins et de services d’accueil et d’accompagnement ». Mais ces efforts ne doivent pas « occulter les problématiques restantes et à venir », telles que :
la complexité et les difficultés de pilotage et de régulation que connaît le secteur de l’aide à domicile ;
l’adaptation de l’offre de service aux besoins futurs, dans un contexte de fort vieillissement de la population et de changement culturel générationnel ;
l’insuffisance de la coordination des acteurs du champ de la dépendance autour de la personne âgée, notamment entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social. Une situation qui pèse sur la qualité de la prise en charge et sur les coûts de celle-ci ;
le taux d’encadrement tant en établissement qu’à domicile.
Pour améliorer l’accompagnement à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie, le groupe de travail recommande :
de réaffirmer le principe du libre choix de l’intervenant, mais d’éclairer ce choix par la mise en place d’un système d’information rendu public. Il ne peut être question, selon le rapport, d’imposer à la personne âgée dépendante un intervenant ou un type de service (emploi direct, recours à un service mandataire ou prestataire). « Il faut cependant trouver un équilibre entre la liberté de choix et l’intérêt de la personne âgée en termes de soins et de type d’accompagnement au regard de ses besoins. » Ce qui suppose une bonne information sur les coûts et les prestations offertes. Pour cela, estime le groupe de travail, il faut mettre en place et rendre public, au niveau local, un système d’information partagé sur le secteur de l’aide à domicile (autorisé et agréé), sous la responsabilité des services de l’Etat et des conseils généraux au niveau local ;
d’informer les personnes âgées sur le coût et la qualité des services offerts s’imposant aux acteurs de l’aide à domicile. « La complexité, qui est aussi une richesse des services d’aide à la personne, est [en effet] mal perçue par les personnes âgées et leur famille qui ne comprennent pas toujours le dispositif dont elles peuvent bénéficier. Elles ne sont pas mises en mesure d’avoir une connaissance complète de l’offre existante, des différences de qualité ou de coût des services composant cette offre », explique le rapport, qui estime que l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) et l’Agence nationale des services à la personne (ANSP) pourraient, dans cet objectif, organiser et conduire les travaux nécessaires à la mise en place de cette information.
« La volonté des personnes âgées est claire : rester à domicile le plus longtemps possible de façon digne. » Il s’agit d’une « tendance lourde, confirmée », estiment les membres du groupe de travail qui, pour accompagner ce mouvement, préconisent donc de :
prioriser le soutien à domicile, en assurant « une offre suffisante à domicile (soins à domicile [SAD], services de soins infirmiers à domicile [SSIAD], centres de soins infirmiers, hospitalisation à domicile [HAD], offre de soins libérale de proximité : médecins généralistes, infirmiers, kinésithérapeutes…) ». Dans ce cadre, il est nécessaire, d’après le rapport, de poursuivre les efforts amorcés concernant les créations de places de SSIAD et de finaliser la réforme de la tarification permettant aux services de répondre aux besoins croissants de soins présentés par les personnes âgées prises en charge à domicile ;
prendre en compte, pour la définition de la future politique publique de prise en charge de la perte d’autonomie, l’évolution fort probable de la répartition entre le domicile et l’établissement. Celle-ci devrait encore progresser en faveur du domicile, la répartition domicile/établissement devant ainsi passer progressivement d’ici à 2030-2040 d’une proportion de 60/40 à 70/30.
La nécessité d’améliorer l’organisation et la régulation du secteur de l’aide à domicile est partagée par tous les membres du groupe de travail, mais tous ne sont pas d’accord sur les modalités pour y parvenir. Au final, la recommandation retenue est la suivante : maintenir la coexistence des deux systèmes juridiques de l’autorisation et de l’agrément des services d’aide à domicile, et concerter tous les acteurs du secteur, quel que soit leur statut, associatif, public ou privé sur une réforme du secteur de l’aide à domicile avec pour objectifs « une plus grande lisibilité, un tarif efficient, un pilotage et surtout une régulation améliorée ».
Rappelons que, sous la pression des organisations d’aide à domicile, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a accepté, en avril dernier, de lancer une réforme du financement du secteur (12). Le 13 juillet prochain, elle fera part, à partir des remontées d’informations synthétiques fournies par les fédérations, de son analyse de la situation financière du secteur.
Pour le groupe de travail d’Evelyne Ratte, la politique publique de ces dernières années, centrée sur le développement de l’aide à domicile et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, c’est-à-dire les structures médicalisées, « a laissé de côté une offre d’hébergement intermédiaire pourtant nécessaire et n’a pas été en mesure de répondre aux besoins en ce qui concerne les structures de répit. La répartition territoriale des places en établissement reste en outre inégale ». Il suggère donc, notamment, de développer l’hébergement intermédiaire, de repenser le concept des structures de répit et d’approfondir l’analyse des besoins de places et de personnels en EHPAD.
Entre l’EHPAD et l’aide à domicile, l’hébergement intermédiaire (foyers-logements, résidences services, petites unités de vie, maisons d’accueil rurales pour personnes âgées…) présente un intérêt certain pour les personnes de 75 ans et plus qui sont autonomes ou modérément dépendantes et qui ne souhaitent pas rester isolées, tout en conservant un domicile et la liberté qui y est associée, estime le groupe de travail. Celui-ci recommande donc de développer cette offre alternative, tout en favorisant en parallèle l’accompagnement à domicile, qu’il s’agisse du soin (SSIAD, HAD, centre de soins infirmiers, médecine de proximité libérale…) ou de l’aide à la vie quotidienne (SAD, service polyvalent d’aide et de soins à domicile). Cela implique, selon le rapport :
de stopper la suppression du nombre de places dans les structures d’habitat collectif ;
de connaître et d’analyser les besoins et l’offre existante en matière d’hébergement intermédiaire ;
d’encourager l’innovation et de répertorier les expériences et bonnes pratiques locales qui pourraient faire l’objet d’une généralisation.
« L’hébergement temporaire et davantage encore l’accueil de jour n’ont pas eu le succès espéré. Leur développement reste aléatoire et leur taux d’occupation faible (60 % en moyenne) », déplore Evelyne Ratte. Il faut donc, selon elle, repenser le concept et l’organisation des structures de répit. Le groupe de travail propose pour cela :
de recommander, sans en faire une norme impérative, une taille suffisante pour viabiliser les structures autonomes. Une structure d’accueil de jour autonome suppose, selon lui, une taille critique de 15 à 20 places, avec des adaptations selon que l’on se trouve en milieu urbain, périurbain ou rural ;
de repenser le concept d’accueil de jour dans le cadre de « plateformes de répit aidant/aidé », avec un personnel dédié, et un projet d’intervention spécifique à destination du couple « aidé/aidant », que la plateforme soit adossée aux EHPAD ou aux structures d’aide à domicile ;
d’améliorer l’information sur ces structures par le biais des centres locaux d’information et de coordination (CLIC) par exemple, des professionnels de santé libéraux et des consultations mémoires ;
de ne pas rigidifier davantage le dispositif par la mise en place de nouvelles normes spécifiques aux structures de répit et de valoriser les expériences innovantes ;
d’ouvrir les accueils de jours de type « PASA » (pôles d’activités et de soins adaptés) aux personnes extérieures à l’EHPAD.
Dans les prochaines années, concomitamment à l’évolution de la clé de répartition entre le domicile et l’établissement – qui devrait passer de 60/40 à 70/30 d’ici à 2030/2040 (voir page 52) – le degré de perte d’autonomie des résidents en EHPAD va croître avec une augmentation des GIR 1 et 2 et une diminution des GIR 3 et 4, prévoit le groupe de travail, qui s’interroge d’ailleurs sur le devenir des EHPAD : « Ne risque-t-on pas de transformer progressivement un lieu de vie et d’animation en lieu de fin de vie fortement médicalisé ? »
« Cette plus forte perte d’autonomie des personnes âgées à leur entrée en EHPAD nécessitera de renforcer les taux d’encadrement, ce qui implique un financement supplémentaire, éventuellement compensé par le moindre coût résultant d’un accompagnement à domicile plus long », explique le rapport qui préconise d’appliquer les ratios d’encadrement prévus par le « plan solidarité grand âge » : 1 encadrant par résident pour les GIR 1 ; 0,84 pour les GIR 2 ; 0,66 pour les GIR 3 ; 0,42 pour les GIR 4 ; 0,25 pour les GIR 5 ; 0,07 pour les GIR 6. Dans ce cadre, certains membres du groupe de travail demandent de définir des tarifs plafonds qui correspondent à ces besoins et, dans l’attente, de suspendre le processus de convergence tarifaire (13) qui est, selon eux, « source de diminution de la qualité en EHPAD ».
Au regard du développement et de l’adaptation des institutions d’hébergement intermédiaire et des structures de répit qu’il appelle de ses vœux, le groupe de travail dirigé par Evelyne Ratte estime à ce jour que la priorité, pour le futur, devrait être donnée à la rénovation des places d’EHPAD existantes plutôt qu’à la création de places nouvelles. Il estime en effet majoritairement que le volume global de places installées et à installer est actuellement satisfaisant, « tout en restant prudent sur cette hypothèse compte tenu du nombre de facteurs qui interviennent dans le choix de la personne âgée et de l’évolution parfois difficilement prévisible de ceux-ci ».
Soulignant toutefois la difficulté à connaître finement les besoins en raison des lacunes des systèmes d’informations (14), il estime nécessaire, au-delà des projections démographiques, de compléter l’analyse par une étude approfondie des besoins de place et de personnels en EHPAD. Dans ce but, il suggère :
de substituer à la logique « descendante » définissant les besoins et répartissant les financements depuis le niveau central, une logique « ascendante » se fondant sur l’expertise développée au niveau local par les agences régionales de santé (ARS) ;
prendre en compte des indicateurs plus pertinents que le seul taux d’équipement pour définir les besoins dans le cadre des schémas régionaux d’organisation médico-sociale ;
faire une étude approfondie des coûts globaux comparés entre l’aide à domicile et l’hébergement en EHPAD, en prenant en compte le coût de l’hébergement dans les deux situations. « Il s’agit d’avoir une vision claire et partagée sur les coûts globaux respectifs du maintien à domicile et sur l’accueil en EHPAD, l’hypothèse du moindre coût de l’accompagnement à domicile n’étant pas prouvée à ce jour » ;
fiabiliser les données chiffrées du fichier « FINESS » (fichier national des établissements sanitaires et sociaux) et y introduire une dimension qualitative. « Les ARS représentent une opportunité. Il convient de les sensibiliser davantage à l’importance de la mise à jour régulière et précise de ce système d’informations sur l’hébergement. »
Le groupe de travail formule une série de recommandations pour assurer la mise en place d’un parcours global et coordonné autour de la personne âgée : « l’élément clé de l’accueil et de l’accompagnement des personnes âgées en perte d’autonomie est la coordination entre les différents intervenants, entre l’hébergement et l’aide à domicile, ainsi que plus largement entre les secteurs sanitaire et médico-social », affirment ses membres. « La coordination s’impose à chaque phase de l’accueil et de l’accompagnement, dès l’évaluation, poursuivent-ils. Or ces différentes étapes sont aujourd’hui réalisées par des services multiples qui ne se reconnaissent pas entre eux et sont peu intégrés. La fragmentation des réponses apportées aux besoins de la personne âgée, le fonctionnement des services en “tuyaux d’orgues” sont à l’origine de faiblesses dans les prises en charge des personnes âgées. »
Pour améliorer la coordination des réponses multiples et diverses apportées aux personnes âgées, éviter les ruptures de prise en charge dangereuses pour la personne en perte d’autonomie, le groupe mené par Evelyne Ratte propose la mise en place d’un dispositif spécifique de coordination :
soit sur la base d’une mise en réseau non institutionnelle de tous les acteurs, sur le modèle des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer expérimentées dans le cadre du plan « Alzheimer »;
soit en créant une structure dédiée à la coordination, territorialisée au niveau départemental et infra-départemental et pilotée conjointement par les agences régionales de santé et les conseils généraux. Cette structure serait créée à partir d’institutions déjà existantes comme les maisons départementales des personnes handicapées qui seraient transformées en maisons départementales de l’autonomie, les CLIC…
« La mission de coordination n’a pas forcément besoin d’une nouvelle structure dédiée, souligne le rapport. Elle peut s’appuyer sur les acteurs sanitaires ou médico-sociaux existants, dès lors qu’elle s’appuie sur un diagnostic unique. Il s’agit surtout de soutenir les actions innovantes de coordination souvent initiées au niveau local, quelle que soit la structure de support. »
Quelle que soit la structure retenue, il est nécessaire, selon le rapport :
de rechercher des incitations à la coordination, qu’il s’agisse d’incitations financières et/ou d’incitations professionnelles ;
de développer les normes et références communes pour se comprendre entre acteurs sanitaires, médico-sociaux et ce, dès la formation initiale des intervenants ;
de déléguer des moyens financiers aux acteurs qui s’engagent dans la coordination, la mise en place de systèmes d’informations partagés ;
d’organiser des temps concrets de réunions, de concertation et de coordination ;
d’intégrer dans la formation des intervenants sanitaires et médico-sociaux la problématique de la coordination et du partage de l’information, afin d’acquérir certains réflexes de communication.
Le rapport préconise de généraliser les gestionnaires de cas, mis en place à titre expérimental pour le suivi des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, aux personnes en perte d’autonomie qui relèvent d’un cas complexe (polypathologies…). Il est proposé de partir des métiers existants (infirmières, assistants sociaux…) et de les former à la gestion de cas, et non de créer un nouveau statut ou métier en tant que tel.
« Eviter les hospitalisations inutiles doit être la priorité. » Pour cela, il faut, selon le groupe de travail :
orienter la pratique médicale de la prise en charge des états aigus vers le suivi continu des états polypathologiques chroniques, avec des formations, des outils et des financements adaptés ;
généraliser au sein des hôpitaux les expériences de référent « sortie d’hospitalisation » pour les personnes âgées, tels que ceux mis en place par la Mutualité sociale agricole et la caisse nationale d’assurance vieillesse ;
améliorer les dispositifs d’échanges d’informations entre la médecine de ville, l’hôpital et les intervenants de l’aide et du soin à domicile (systèmes d’informations, télémédecine) ;
engager une réflexion sur le problème de la continuité des soins en EHPAD qui pourrait être assurée avec la mise en place – discutée – d’astreintes d’infirmières la nuit et les week-ends.
Pour les membres du groupe de travail, la coordination des soins doit s’appuyer en premier lieu sur les professionnels libéraux et de nouveaux protocoles et outils, tels que :
la création de maisons et pôles de santé pluridisciplinaires. « Ces structures nouvelles fondées essentiellement sur un projet de santé commun et l’implication des acteurs permettront d’améliorer la continuité et la permanence des soins, le suivi des patients et la coordination des soins », affirme le rapport. Ces regroupements devraient permettre rapidement de limiter le recours à l’hospitalisation et développer des actions de prévention et d’éducation thérapeutique, espèrent ses auteurs ;
le partage de tâches qui permet de recentrer les praticiens sur les actes à valeur ajoutée médicale ;
les nouveaux modes de rémunération qui devront compléter le paiement à l’acte, pour financer les tâches nouvelles de coordination ;
le développement d’outils de communication et de coordination, tels que le dossier médical partagé ou la télémédecine, « qui peut être particulièrement utile pour les patients âgés en perte d’autonomie ».
Sans grande originalité, le groupe de travail considère que l’amélioration de la qualité de l’accompagnement des personnes âgées passe par l’évaluation des services et des établissements d’accueil ainsi que par la professionnalisation des personnels.
Si le rapport souligne « l’avancée significative » qu’a constitué la création de l’ANESM, il estime toutefois qu’elle doit être confortée par la mise en place d’un référentiel d’évaluation national pour les EHPAD et les services d’aide et de soins à domicile, à l’instar de ce qui existe déjà dans le secteur sanitaire qui dispose, par le biais de la Haute Autorité de santé, de référentiels d’évaluation uniques pour l’ensemble de ses établissements. C’est sur ce référentiel unique que se fonderaient les organismes d’évaluation externe.
Le développement de la certification, qui est réalisée par des organismes extérieurs et indépendants, est également proposé par le groupe de travail comme une solution pour garantir la qualité des prestations. La certification peut être regardée comme la première étape vers une amélioration et un contrôle de la qualité. « Il faudrait donc, estiment ses membres, développer les deux démarches d’évaluation et de certification en complémentarité et créer des passerelles entre les deux. » Dans ce cadre, les référentiels de certification pourraient être améliorés afin de prendre en compte le contenu des prestations, ainsi que le niveau de formation et d’encadrement des intervenants.
Au-delà d’un phénomène de turn-over très important (15), le secteur doit « faire face aujourd’hui à un processus de convergence tarifaire à la baisse qui diminue le nombre de personnels pour certains établissements, ainsi qu’à de graves difficultés de recrutement qu’il s’agisse de l’aide à domicile ou des EHPAD », constate le groupe de travail. « La pénurie actuelle de personnels, aides-soignants et aides à domicile, psychologues, animateurs… pourrait créer à terme un risque de maltraitance des personnes prises en charge », prévient-il. Pour répondre à ces difficultés, renforcée par le manque d’attractivité des métiers de l’aide à la perte d’autonomie, le rapport juge indispensable :
de diversifier les voies de recrutement en développant l’apprentissage, la validation des acquis de l’expérience ainsi que les contrats de professionnalisation ;
de valoriser les métiers de la dépendance via une campagne de communication nationale ;
d’améliorer l’attractivité du secteur en garantissant de meilleures conditions de travail. Cela passerait par :
– une réflexion sur les temps partiels subis et l’isolement professionnel, notamment dans le secteur de l’aide à domicile,
– le développement des centres-ressources qui devraient permettre, outre un appui aux intervenants dans leurs démarches administratives et de recrutement, d’améliorer la situation de l’emploi des salariés (multi-activités, temps partiel…) et d’accroître leur professionnalisation,
– l’encouragement de la professionnalisation, en augmentant les moyens dédiés à la formation, en enrichissant le contenu des formations par la prise en compte de manière générale de l’ensemble des recommandations de l’ANESM et en publiant l’arrêté permettant d’appliquer une majoration de 10 % de la participation du bénéficiaire de l’APA si le recours à un salarié en emploi direct ne répond pas aux exigences de qualification.
Pour le groupe de travail dirigé par Evelyne Ratte, « une des questions clés restant encore en suspens est le coût du reste à charge très élevé en établissement », évalué entre 1 500 € et 2 200 € mensuels en moyenne alors même que le montant moyen d’une pension de retraite est de 1 400 € par mois, voire 800 € par mois pour les femmes qui représentent plus de 75 % des résidents des établissements médico-sociaux. Il propose donc plusieurs pistes d’action pour en réduire le montant.
Selon le rapport, la tarification ternaire des EHPAD – tarif « hébergement », tarif « dépendance », tarif « soins » – fait peser le reste à charge sur la section « hébergement » et, par voie de conséquence, sur les personnes âgées et leurs familles. A l’instar du rapport « Fragonard » (voir page 47), certains membres du groupe de travail proposent donc une réforme de cette tarification visant à diminuer le reste à charge et qui pourrait se traduire ainsi :
le transfert vers l’assurance maladie (tarif soins) du financement des 30 % des aides soignants à la charge aujourd’hui des départements (via l’APA), ce qui permettrait de prendre en charge des dépenses accrues au titre de la dépendance. Le gain total pour les personnes hébergées permettrait une diminution moyenne de près de 200 € par mois du reste à charge. Une telle hypothèse pourrait avoir pour conséquence de supprimer le montant du ticket modérateur acquitté par le résident bénéficiaire d’une APA à taux plein ;
les dépenses d’animation-service social ainsi qu’une part accrue des charges d’agents de service pourraient basculer du tarif « hébergement » sur le tarif « dépendance ». Eventuellement à hauteur des dépenses transférées sur la section « soins », ce qui serait neutre budgétairement pour les départements.
Une telle proposition – qui n’a donc pas fait l’unanimité au sein du groupe de travail – « diminuerait le reste à charge pour les personnes âgées et leurs familles, à la condition bien sûr que la diminution du tarif hébergement soit garantie pour les personnes âgées et équivalente à la diminution de la charge envisagée. En effet, la crainte existe de voir les établissements ne pas répercuter la meilleure prise en charge collective de l’hébergement sur les tarifs “hébergement” », explique le rapport. « Mais a contrario, avec une telle proposition, l’assurance maladie verrait ses charges considérablement accrues alors qu’elle subit de forts déficits. Une affectation de recettes nouvelles serait donc, dans une telle hypothèse, indispensable ».
« Améliorer la solvabilisation du coût de l’hébergement n’empêche pas d’agir dans le même temps sur ce coût lui-même », estime le groupe de travail, même s’il considère que « la génération de gains de productivité supplémentaires n’aura […] que peu d’effet sur le coût global de l’hébergement ». En effet, explique-t-il, « les gains de productivité ne peuvent qu’être très marginaux en raison de l’importance de la masse salariale dans le coût global de la dépendance ainsi que des forts besoins d’encadrement et de formation qui conduiront à augmenter mécaniquement le coût salarial. Les gains d’efficience n’apparaissent donc pas déterminants pour réduire le coût de la dépendance. Seules la solvabilisation accrue de la dépense, la réforme de la tarification et la recherche de nouvelles ressources pourraient avoir un réel impact sur le reste à charge pour la majorité des membres du groupe de travail ».
Les pistes tout de même avancées par le rapport pour améliorer les gains de productivité sont les suivantes :
les économies qui pourraient résulter de mutualisations entre établissements ;
la possibilité de concevoir un nouveau type d’EHPAD qui proposerait des prestations de qualité équivalente mais moins coûteuses car reposant sur une standardisation de la construction des bâtiments et l’arrêt de l’augmentation des normes ;
la mise en place de petites unités de vie différenciées répondant mieux aux besoins personnalisés des personnes âgées, associée à de vraies logiques d’animation, tout en dotant l’EHPAD d’une taille critique suffisante (80 à 110 lits) permettant la mutualisation des services logistiques, administratifs et techniques.
Pour le groupe de travail, l’Etat, notamment l’ANESM, la DGCS et la CNSA, ainsi que les départements doivent rapidement construire ensemble des outils de recueil et de partage des données, et des supports d’informations du public (portail Internet…) sur les tarifs et la qualité des diverses prestations offertes. « Cela apparaît d’autant plus nécessaire que le coût plus ou moins élevé du tarif n’est aujourd’hui pas lié à la qualité des prestations rendues », souligne le rapport.
« Un tel référentiel permettra aux personnes âgées et à leurs familles de réaliser, outre un choix libre par principe, un choix réellement éclairé, estime le groupe de travail. Il garantira également que l’éventuelle amélioration de la solvabilisation du coût de l’hébergement ne soit pas “captée” par les établissements mais bénéficiera bien à la personne âgée. »
« Une grande partie de la hausse du coût de l’hébergement semble pouvoir être imputée aux coûts d’investissements réalisés par les EHPAD », relève les auteurs du rapport. Aussi suggèrent-ils d’augmenter l’aide à l’investissement, dans le cadre de contractualisations avec la collectivité publique, notamment par la mise à disposition gratuite ou peu onéreuse du foncier en cas de construction d’un EHPAD habilité à l’aide sociale et par la généralisation de subventions à la construction ou à la rénovation du parc habilité à l’aide sociale.
Dans son rapport « Société et vieillissement », le groupe de travail piloté par Annick Morel, inspectrice générale des affaires sociales, tente de définir les « nouveau