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Psychiatrie : la réforme des soins sans consentement a été définitivement adoptée par le Parlement

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« Le Parlement [a été] contraint de légiférer sous la pression du juge constitutionnel sans disposer d’aucun délai de réflexion », a déploré le rapporteur du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, le député (UMP) Guy Lefrand. Après un parcours chaotique (1), le texte a été définitivement voté le 22 juin. Il entrera en vigueur le 1er août prochain pour se conformer à deux décisions du Conseil constitutionnel abrogeant à cette date plusieurs articles du code de la santé publique non conformes à la Constitution (2). Qualifiée de sécuritaire par les acteurs de la psychiatrie (3), la loi prévoit une évolution globale du dispositif d’hospitalisation sans consentement qui concerne près de 70 000 patients chaque année. Sa mise en œuvre sera accompagnée par un plan sur la santé mentale (voir ci-dessous). Pour faciliter son application, la secrétaire d’Etat chargée de la santé a annoncé la création d’un site Internet dédié comportant des outils pédagogiques, tels que des fiches de procédure et des courriers types. Des sessions d’information pour les professionnels seront organisées le 6 juillet, a également indiqué Nora Berra.

L’instauration de soins ambulatoires sans consentement

Afin d’adapter la législation aux évolutions des soins psychiatriques et des thérapeutiques, la loi remplace la notion d’hospitalisation sans consentement par celle, plus large, de soins sans consentement pour permettre la mise en œuvre de soins ambulatoires, y compris à domicile, dans le cadre d’un programme de soins. Ce programme est établi par un psychiatre de l’établissement d’accueil et ne peut être modifié que par un psychiatre qui participe à la prise en charge du patient afin de tenir compte de l’évolution de son état de santé. L’avis du patient est recueilli avant la définition du programme de soins et toute modification de celui-ci. Parallèlement, la loi supprime les sorties d’essai tout en maintenant les sorties accompagnées lorsqu’elles n’excèdent pas 12 heures. Les malades pourront être accompagnés, comme auparavant, par un ou plusieurs membres du personnel de l’établissement ou, dorénavant, par un membre de leur famille ou une personne de confiance.

Une période d’observation de 72 heures

La loi prévoit qu’une personne admise en soins psychiatriques fait l’objet d’une période d’observation et de soins initiale sous la forme d’une hospitalisation complète. Dans les 24 heures suivant l’admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l’établissement d’accueil établit un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques. Ce psychiatre ne peut être l’auteur du certificat médical ou d’un des deux certificats médicaux sur la base desquels l’admission a été prononcée. Dans les 72 heures suivant l’admission, un nouveau certificat médical est établi dans les mêmes conditions. Lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, un psychiatre de l’établissement d’accueil propose dans un avis motivé, établi avant l’expiration des 72 heures, la forme de la prise en charge et, le cas échéant, le programme de soins.

L’intervention du juge dans un délai de 15 jours

Se conformant aux décisions du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 et du 9 juin dernier, la loi dispose que l’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention n’ait statué sur cette mesure :

 avant l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de l’admission ;

 avant l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l’établissement ou le représentant de l’Etat a modifié la forme de la prise en charge du patient en hospitalisation complète ;

 avant l’expiration d’un délai de six mois suivant soit toute décision judiciaire de déclaration d’irresponsabilité pénale ordonnant l’hospitalisation complète, soit toute décision du juge des libertés et de la détention ayant maintenu l’hospitalisation complète.

Le juge est saisi par le directeur de l’établissement ou le préfet de département. La saisine est accompagnée d’un avis conjoint de deux psychiatres de l’établissement d’accueil désignés par le directeur, dont un seul participe à la prise en charge du patient. Cet avis se prononce sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète.

L’admission et le maintien en soins psychiatriques sur décision du préfet

L’appellation « hospitalisation d’office » est supprimée du code de la santé publique et remplacée par celle d’« admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’Etat » (préfet de département ou préfet de police à Paris). Pour se conformer à la décision du Conseil constitutionnel du 9 juin dernier concernant le maintien en hospitalisation d’office, la loi prévoit que, lorsque le représentant de l’Etat décide de ne pas suivre l’avis par lequel un psychiatre de l’établissement d’accueil constate qu’une mesure de soins psychiatriques n’est plus nécessaire, il doit en informer sans délai le directeur de l’établissement. Ce dernier doit immédiatement demander l’examen du patient par un deuxième psychiatre. Si le deuxième avis confirme l’absence de nécessité de l’hospitalisation complète, le représentant de l’Etat doit ordonner la mainlevée de cette mesure ou la mise en place d’une mesure de soins sous une autre forme.

L’admission des patients isolés en cas de péril imminent

A côté des soins psychiatriques à la demande d’un tiers et de l’admission sur décision du représentant de l’Etat, la loi crée une nouvelle porte d’entrée dans le dispositif pour les personnes isolées qui n’ont pas de proches. Ainsi, lorqu’il existe un péril imminent pour la santé du malade et qu’il est impossible d’obtenir une demande d’un membre de sa famille ou d’une personne justifiant de l’existence de relations avec lui antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci, la loi permet au directeur de l’établissement de prononcer la demande d’admission. Le péril imminent doit être constaté par un certificat médical datant de moins de 15 jours attestant que les troubles mentaux de la personne rendent impossible son consentement et que son état mental impose des soins immédiats.

A noter : la loi met fin à la mainlevée automatique de l’hospitalisation sur demande d’un tiers lorsqu’elle est demandée par la famille du patient. Le directeur de l’établissement n’est plus tenu de faire droit à une telle demande lorsqu’il est attesté que l’arrêt des soins entraînerait un péril imminent pour la santé du patient.

Un suivi renforcé pour les malades réputés dangereux

Lorsque une personne fait ou a fait l’objet d’une hospitalisation ordonnée à la suite d’une déclaration d’irresponsabilité pénale ou d’une hospitalisation dans une unité pour malades difficiles, le représentant de l’Etat ne peut décider une prise en charge sous une autre forme que l’hospitalisation complète qu’après avoir recueilli l’avis d’un collège de trois personnes appartenant au personnel de l’établissement d’accueil : un psychiatre participant à la prise en charge du patient, un psychiatre qui ne participe pas à cette prise en charge et un représentant de l’équipe pluridisciplinaire qui y participe. Pour ces patients, le préfet ne peut mettre fin à la mesure de soins psychiatriques qu’après un avis de ce collège et deux avis concordant sur l’état mental du patient émis par deux psychiatres choisis sur une liste établie par le procureur de la République, après avis du directeur général de l’agence régionale de santé ou, à défaut, sur la liste des experts inscrits auprès de la cour d’appel du ressort de l’établissement. Cette procédure est également applicable lorsque la levée de la mesure relève du juge des libertés et de la détention.

Les autres mesures

La loi renforce les droits des patients en prévoyant que les informations ne sont pas données seulement à leur demande mais à l’occasion de toute décision les concernant. D’autres dispositions visent par ailleurs à améliorer la qualité et la coordination des actions de soutien et d’accompagnement des familles et des aidants ainsi qu’à préciser l’organisation territoriale des soins psychiatriques. La loi comporte enfin des dispositions relatives aux soins sans consentement des personnes détenues. Nous reviendrons plus en détail sur l’ensemble des mesures de ce texte dans un prochain numéro.

[Loi à paraître]
Notes

(1) Une première décision du Conseil constitutionnel a obligé le gouvernement à présenter une lettre rectificative au projet de loi, la rapporteure du texte au Sénat a démissionné après le rejet du texte en commission, et l’examen du texte par une commission mixte paritaire a été annulé et remplacé par une troisième lecture à l’Assemblée nationale – Voir ASH n° 2695 du 4-02-11, p. 16 et n° 2709 du 13-05-11, p. 27.

(2) Voir ASH n° 2685 du 3-12-10, p. 7 et n° 2714 du 17-06-11, p. 13.

(3) Voir en dernier lieu ASH n° 2714 du 17-06-11, p. 22.

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