La dépendance des personnes âgées expose les personnels de maisons de retraite à une tension entre fatalisme et illusion. Soit, d’un côté, la conviction de l’impossible réparation des dégâts occasionnés par le grand vieillissement et, de l’autre, la croyance selon laquelle il y a toujours quelque chose à faire pour améliorer l’état des résidents. Cette dernière est nécessaire pour humaniser les pratiques d’accompagnement, alors que « les “clients” des institutions d’encadrement sont de plus en plus dégradés et par conséquent de moins en moins aptes à manifester leur humanité », commente Gérard Rimbert. C’est ce décalage entre idéologie humaniste et quotidien fait de tâches ingrates que le sociologue analyse à partir d’une longue immersion dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), complétée d’une expérience de bénévolat lors de vacances organisées par les Petits Frères des pauvres. Ces deux terrains d’enquête permettent au chercheur de mettre en relief, de manière croisée, le « supplément d’âme » que nécessite l’accompagnement de personnes âgées. A l’EHPAD, ce dévouement constitue l’implicite des postes de travail, alors qu’il est l’explicite du rôle attendu des bénévoles. Pour autant, il n’y a pas de différence de nature entre les deux types d’intervention : même dans le contexte favorable de vacances proposées à des personnes peu dépendantes, « la tension entre sale boulot et vision enchantée se reproduit », souligne Gérard Rimbert.
Vieillards sous bonne garde. Réparer l’irréparable en maison de retraite – Gérard Rimbert – Ed. du Croquant – 22 €