Le constat n’est pas nouveau : le problème de l’hébergement des demandeurs d’asile connaît une acuité particulière en raison de la forte augmentation, ces dernières années, du flux de la demande d’asile. Cette progression a mis sous pression les structures d’hébergement chargées de les prendre en charge pendant la durée de l’instruction de leurs dossiers : centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) mais aussi centres d’hébergement généraliste. Or, dans le même temps, les crédits liés à l’accueil et à l’hébergement de ces populations font régulièrement l’objet de sous-budgétisations en loi de finances initiale. Un état de fait que les sénateurs Pierre Bernard-Reymond (UMP, Hautes-Alpes) et Philippe Dallier (UMP, Seine-Saint-Denis) regrettent aujourd’hui dans un rapport d’information (1).
A titre d’exemple, expliquent-ils dans ce document, 117,3 millions d’euros ont dû être ajoutés en cours d’exercice 2010 aux 239 millions d’euros inscrits initialement au sein de la mission « immigration, asile, intégration ». Et ce phénomène se reproduit d’ailleurs en 2011 puisque le prochain projet de loi de finances rectificative propose encore d’ouvrir 50 millions d’euros supplémentaires.
Le nombre de places en CADA a pourtant fortement progressé entre 2001 et 2005, passant de 5 282 à 17 470 (+ 231 %). Mais, entre 2006 et 2010, cette progression n’a été que de 23 %, soit 3 940 places supplémentaires. Or, durant ces cinq années, le nombre de demandeurs d’asile a continué de croître, tant et si bien que le parc de places en CADA reste largement insuffisant. Conséquence : faute de places suffisantes en CADA, la demande d’hébergement de la part des demandeurs d’asile se reporte sur les structures d’hébergement généraliste. Des structures soumises au principe de l’inconditionnalité de l’accueil et qui sont ainsi devenues la variable d’ajustement des insuffisances des CADA… mais où les demandeurs ne bénéficient pas du même soutien juridique et social.
Pour les sénateurs, ce report de charges accentue l’imprévisibilité de la dépense budgétaire. En outre, il ne favorise pas une gestion optimale des crédits. Des « lacunes très importantes » sont par ailleurs apparues aux rapporteurs au cours de leurs auditions. Par exemple, aucun système d’information fiable ne permet de recenser les effectifs de demandeurs d’asile présents dans les dispositifs d’hébergement d’urgence ou hébergés par leurs propres moyens. Les parlementaires regrettent par ailleurs l’insuffisante coordination entre les administrations concernées.
Face à cette situation, les deux élus formulent un certain nombre de recommandations qui, pour certaines, recoupent celles formulées par l’inspection générale des affaires sociales et le contrôle général économique et financier dans un rapport publié en mai dernier (2).
Ils préconisent notamment une unité de gestion entre les CADA, d’une part, et l’hébergement d’urgence, d’autre part, afin de rétablir une égalité de traitement entre les demandeurs d’asile. Ils plaident également pour une territorialisation adaptée des structures par rapport aux besoins et un « rebasage des dotations » qui s’appuierait sur une connaissance des charges réelles et sur la définition de prestations et de coûts associés (3). Enfin, Pierre Bernard-Reymond et Philippe Dallier militent en faveur d’un accroissement du nombre de places en CADA, d’une gestion plus stricte des « présences indues » permettant de rendre les places de CADA disponibles aux demandeurs d’asile et d’un renforcement des efforts en matière de réduction des délais de traitement des demandes.
(1) Rapport d’information n° 584 – Sénat – Pierre Bernard-Reymond et Philippe Dallier – Juin 2011 – Disp. sur
(3) Rappelons qu’un référentiel des coûts liés aux prestations des CADA est actuellement en chantier.