Le nouvel outil, conçu dans l’objectif de doter les pouvoirs publics de statistiques fiables sur l’immigration tant régulière qu’irrégulière, était dans les tuyaux depuis plus de deux ans. Un décret vient d’autoriser la création d’un nouveau traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « AGDREF 2 » (application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France).
Il remplacera le premier fichier « AGDREF », qui constituait jusqu’à présent l’outil principal de gestion administrative des étrangers et de production des titres de séjour. Une base de données devenue largement obsolète et dont les lacunes tenaient notamment au fait qu’elle ne recensait pas toutes les entrées sur le territoire national, ignorait les sorties, n’était pas suffisamment tenue à jour et n’avait pas été conçue à des fins d’exploitation statistique. « AGDREF 2 » comprendra également les fonctionnalités du fichier « Eloi » relatif aux étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement (1).
Le décret expose très précisément les finalités de la nouvelle base de données. Il s’agit ainsi de « garantir le droit au séjour des étrangers en situation régulière et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers en France des étrangers ». Et, à cet effet :
de permettre aux services centraux et locaux du ministère chargé de l’immigration d’assurer l’instruction des demandes et la fabrication des titres de séjour des ressortissants étrangers, de leurs titres de voyage et des documents de circulation délivrés aux ressortissants étrangers mineurs, ainsi que la gestion de leurs dossiers respectifs ;
de mieux coordonner l’action des services chargés de mettre en œuvre des procédures intéressant les ressortissants étrangers ;
d’améliorer les conditions de vérification de l’authenticité des titres de séjour et celles de l’identité des étrangers en situation irrégulière ;
de permettre la gestion des différentes étapes de la procédure applicable aux mesures d’éloignement ;
d’établir des statistiques en matière de séjour et d’éloignement des ressortissants étrangers.
Le nouveau fichier comporte les images numérisées de la photographie et des empreintes digitales des dix doigts de trois catégories d’étrangers :
les étrangers demandeurs ou titulaires d’un titre de séjour ou d’un titre de voyage d’une durée de validité supérieure à un an ;
ceux en situation irrégulière ;
ceux qui font l’objet d’une mesure d’éloignement.
Au-delà, une multitude de données à caractère personnel, détaillées en annexe du décret, sont susceptibles d’être enregistrées : avis du médecin de l’agence régionale de santé sur la satisfaction par l’étranger sollicitant un droit de séjour des critères relatifs à son état de santé ; satisfaction de la condition de ressources requise pour l’attribution de certains titres de séjour ; éléments relatifs à la satisfaction de la condition d’intégration, etc. Pour l’essentiel, elles figuraient déjà dans la première application « AGDREF » et, s’agissant des données relatives à l’éloignement, dans le traitement « Eloi ». Parmi celles qui n’étaient pas déjà enregistrées dans ces fichiers, on mentionnera notamment la donnée relative aux langues parlées par l’étranger ou bien encore les numéros de dossiers administratifs utilisés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, la police aux frontières, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou les services chargés de l’éloignement. On notera également que des données relatives à des mineurs étrangers sont susceptibles d’être enregistrées, telles les mentions figurant sur les titres de voyage, documents de circulation ou titres d’identité républicains délivrés à ces jeunes. Des données relatives à des mineurs peuvent également être collectées lorsque leurs parents font l’objet d’une mesure d’éloignement aux fins de maintien de l’unité familiale.
Signalons enfin que des données relatives à des personnes tierces pourront aussi être enregistrées : les conjoints et membres de famille mais aussi les employeurs, les garants d’étrangers étudiants et qui ne disposent pas de ressources personnelles, les personnes hébergeant un ressortissant étranger ou bien encore les personnes responsables d’un mineur étranger…
Les informations sont classées, au sein de la base de données, dans des dossiers électroniques. Le décret précise qu’il ne peut y avoir qu’un seul dossier pour un même étranger.
L’accès au traitement « AGDREF 2 » ne sera pas limité aux agents des préfectures chargés de la gestion des dossiers des étrangers. Le décret détaille les catégories de personnes concernées en distinguant les destinataires pouvant alimenter, consulter et modifier les données du fichier des personnels bénéficiant d’un simple accès en consultation.
Peuvent par exemple accéder à tout ou partie des informations les agents des missions diplomatiques et des postes consulaires chargés des visas, les agents des forces de l’ordre ou bien encore les agents en charge de la gestion de la rétention administrative et des mesures d’éloignement, tous individuellement désignés et spécialement habilités. Quant aux personnes autorisées à accéder au traitement « en consultation », pour les besoins exclusifs de leurs missions, il s’agit notamment des agents des organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale, assurant l’affiliation, le versement des prestations ou le recouvrement des cotisations, individuellement désignés et spécialement habilités, afin de vérifier que les assurés étrangers satisfont à la condition de régularité de leur situation en France. Ou bien encore des agents de Pôle emploi – également individuellement désignés et spécialement habilités – pour qu’ils puissent vérifier que les étrangers disposent lors de leur inscription sur la liste des demandeurs d’emploi des titres de séjour et de travail requis pour exercer une activité professionnelle.
Le décret prévoit que tout dossier qui n’aura fait l’objet d’aucune mise à jour dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement des premières données qu’il contient sera effacé, sauf dans les cas suivants :
le dossier qui contient des données relatives à un titre de séjour ou un document de voyage sera effacé lorsque, après l’expiration du document, il se sera écoulé un délai de cinq ans sans que le dossier ait fait l’objet d’aucune mise à jour ;
le dossier d’un étranger qui contient des données relatives à un arrêté d’expulsion ou à une peine d’interdiction définitive du territoire sera effacé au terme d’un délai de 30 ans après la saisie de la mesure ou de la peine dans le traitement si le dossier n’a fait l’objet d’aucune mise à jour durant les cinq dernières années ;
le dossier d’un étranger qui contient des données relatives à une « peine d’interdiction du territoire à temps » prononcée à l’encontre de cet étranger sera effacé au terme d’un délai de cinq ans à compter de la caducité de la peine si le dossier n’a fait l’objet d’aucune mise à jour durant cette période.
Notons par ailleurs que les données relatives aux personnes ayant acquis la nationalité française seront effacées au terme d’un délai de un an à compter du décret de naturalisation ou de six mois après la date d’enregistrement en cas de déclaration de nationalité. Quant aux informations relatives à l’éloignement, elles seront, en cas de délivrance d’une carte de séjour, effacées sans délai dès la délivrance de la carte de séjour.
(1) Rappelons que le décret créant le fichier « Eloi » a été retoqué par deux fois par le Conseil d’Etat – Voir en dernier lieu ASH n° 2640-2641 du 8-01-10, p. 20.