Recevoir la newsletter

Un rapport parlementaire plaide pour la préservation de l’aide médicale de l’Etat

Article réservé aux abonnés

L’aide médicale de l’Etat (AME), qui garantit aux sans-papiers à faibles ressources une prise en charge de leurs soins, est au cœur de débats passionnés depuis plusieurs années, ses plus farouches détracteurs estimant son coût démesuré et jugeant le dispositif trop « généreux » ou prompt à susciter des flux d’immigration ou de « tourisme médical », au point d’en réclamer la suppression. Dans un rapport d’information sur l’évaluation de l’AME, réalisé pour le compte du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, les députés Claude Goasguen (UMP, Paris) et Christophe Sirugue (PS, Saône-et-Loire) plaident au contraire pour son maintien, tout en préconisant d’en réformer la gestion (1).

Pas d’« explosion » des dépenses

Créée en 2000, l’AME a bénéficié à 220 000 personnes en situation irrégulière en 2011. L’augmentation des dépenses du budget de l’Etat au titre du dispositif depuis 11 ans est « significative », souligne le rapport. Entre 2005 et 2010 en particulier, elles sont passées de 377 à 623 millions d’euros. Dénonçant une « explosion » de ce budget et agitant – entre autres – le spectre de fraudes supposées, les parlementaires de la majorité ont, on s’en souvient, subordonné l’accès à l’AME au paiement d’un droit de timbre annuel de 30 € et réduit le périmètre des actes médicaux pris en charge (2). Mais pour Claude Goasguen et Christophe Sirugue, il n’est pas juste de parler d’« explosion » ou de « dérive ». « Sur la longue période 2000-2010, les données ne montrent pas une explosion de la consommation moyenne », laquelle est restée constante jusqu’en 2009. L’augmentation forte enregistrée cette année-là (+ 13 % par rapport à 2008) « est essentiellement due à la croissance du coût moyen de l’hospitalisation publique et dans une moindre mesure aux dispositifs médicaux et aux transports ». Les rapporteurs estiment par ailleurs que la fraude constatée – à l’admission au dispositif ou aux prestations – ne saurait pas davantage expliquer, de par sa faible ampleur, le niveau et le dynamisme des dépenses liées à l’AME. Cette prise de position rejoint, du reste, celle des inspections générales des affaires sociales et des finances dans leur récent rapport commun (3).

Les députés expliquent davantage cette hausse des dépenses par l’augmentation du nombre de bénéficiaires (+ 185 % depuis le 31 décembre 2000). Les causes de ce phénomène, selon eux : la croissance du nombre de ressortissants communautaires en situation irrégulière – dont un grand nombre a basculé en 2008 dans le dispositif de l’AME à la suite d’un changement de la réglementation (4) –, le nombre croissant de demandeurs d’asile depuis 2007 (les déboutés peuvent en effet demander le bénéfice de l’AME) ou bien encore la procédure « étranger malade » qui, appliquée de façon restrictive, a pu faire basculer des étrangers vers l’aide médicale de l’Etat. On notera que, au passage, les deux élus délivrent un carton rouge à leurs confrères, coupables selon eux de voter chaque année en toute évidence un budget sous-évalué nécessitant des abondements ultérieurs, donnant ainsi l’impression d’une augmentation non maîtrisée.

Deuxième facteur explicatif à la hausse des dépenses, selon le rapport : les conditions de la facturation hospitalière. Deux phénomènes se sont en effet conjugués. D’une part, le changement de comportement des hôpitaux, qui ont cherché avec plus d’efficacité à connaître les droits de leurs patients à une assurance maladie et ont donc mieux facturé à l’Etat les soins dispensés à des personnes relevant de l’AME. Mais aussi, d’autre part, le mode de tarification appliqué aux soins délivrés par les hôpitaux aux personnes relevant de l’aide médicale de l’Etat, facturés sur la base d’un tarif journalier de prestation (TJP). Un système « inflationniste » qui aboutit à fixer des tarifs très élevés.

Améliorer les modalités de gestion

Pour les deux rapporteurs, « le principe même de l’AME doit être préservé ». « Des considérations humanitaires comme des impératifs de politique de santé publique imposent le maintien de l’accès aux soins » aux étrangers clandestins en situation de grande précarité, estiment-ils, ajoutant que « les coûts correspondants, bien qu’en hausse, ne suffisent pas à motiver une suppression dont les conséquences sanitaires et financières pourraient être contre-productives ». Préserver le dispositif n’interdit toutefois pas d’en améliorer les conditions de gestion. « Bien au contraire », soulignent les deux députés, tous deux favorables à des réformes… mais aux préconisations parfois divergentes. Parmi les pistes faisant consensus, on retiendra notamment celle d’abandonner le TJP pour appliquer progressivement une tarification de droit commun aux soins hospitaliers délivrés aux patients bénéficiaires de l’AME (afin de se rapprocher d’une « vérité des coûts ») ou bien encore celle de mettre en place un suivi médical d’aval efficace des patients bénéficiaires de l’aide ainsi qu’une première visite de prévention obligatoire lors de la première année du bénéfice de la prestation.

Claude Goasguen et Christophe Sirugue divergent en revanche, notamment, sur le droit d’entrée de 30 €. Pour le député PS, il constitue un « frein à l’accès aux soins ». Sa suppression est donc « une priorité ». Son homologue UMP estime au contraire qu’il doit être maintenu. « L’effort financier que ce paiement nécessite de la part des bénéficiaires de l’AME reste faible par rapport à l’importance des crédits » finançant la prestation, juge-t-il. En outre, « il est accompagné d’une connotation symbolique qui permet d’éviter que des individus en situation irrégulière soient dispensés de tout effort à la participation de leur couverture sociale ».

Notes

(1) « L’évaluation de l’aide médicale de l’Etat » – Rapport d’information n° 3524 – Claude Goasguen et Christophe Sirugue – Juin 2011 – Disp. sur www.assemblee-nationale.fr.

(2) Voir ASH n° 2698 du 25-02-11, p. 41.

(3) Voir ASH n° 2690 du 7-01-11, p. 13.

(4) Depuis 2008, les ressortissants de l’Union européenne inactifs dépourvus de couverture maladie et de ressources suffisantes sont admis au bénéfice de l’AME.

Dans les textes

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur