Malgré la crise économique, le budget consacré à la politique du handicap a augmenté de 15 % depuis 2007 et a dépassé 36 milliards d’euros en 2010, a indiqué le président de la République en clôturant la deuxième conférence nationale du handicap organisée le 8 juin à Paris. Le discours présidentiel est en revanche resté flou sur les financements à venir. Dix ministres ont participé aux débats sur les thèmes de l’accessibilité, de l’éducation, de l’emploi… Les mesures annoncées, pour les trois prochaines années, s’appuient sur plusieurs rapports préparatoires à la conférence : ceux du Conseil national consultatif des personnes handicapées et du sénateur (UMP) Paul Blanc sur la scolarisation des enfants handicapés (1), ainsi que ceux de l’Observatoire national sur la formation, la recherche et l’innovation sur le handicap et de l’Observatoire de l’accessibilité (2). En synthèse des travaux, la ministre des Solidarités a estimé essentiel de « déconstruire les stéréotypes et de faire évoluer les mentalités ». Les associations du secteur du handicap, elles, sont restées sur leur faim, ne cachant pas leur déception à l’issue de cette journée (voir ce numéro, pages 21 et 27).
Très contesté par les associations (3), le projet de décret relatif à l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées va être renégocié, a annoncé Nicolas Sarkozy. Il a par ailleurs confirmé que, d’ici à 2012, l’AAH aura été revalorisée de 25 %. Encore une fois, il a lié la question des ressources des personnes handicapées à celle de l’emploi. Aujourd’hui, une entreprise sur deux atteint ou dépasse l’objectif de 6 % de travailleurs handicapés, a-t-il indiqué. Mais le chômage des personnes handicapées est deux fois plus important que celui des personnes valides. C’est pourquoi le président de la République demande aux entreprises de continuer à se mobiliser pour recruter et aménager les postes de travail, tandis que « l’Etat s’engage à moderniser le secteur du travail adapté et protégé ». Le ministre du Travail est ainsi chargé de développer, dès 2012, 1 000 postes supplémentaires chaque année pendant trois ans dans les entreprises adaptées. Xavier Bertrand a en outre prôné le repérage des profils de postes accessibles aux personnes handicapées par des visites dans les entreprises et le travail par bassins d’emplois. Sa secrétaire d’Etat chargée de la formation professionnelle, Nadine Morano, s’est quant à elle fixé comme objectif de doubler le nombre de formations en apprentissage. Autres mesures annoncées : une mission spécifique « handicap » au sein du service public de l’orientation, un répertoire des formations accessibles aux jeunes handicapés issus de l’enseignement spécialisé ou adapté, une enveloppe de contrats aidés pour les travailleurs handicapés les plus éloignés de l’emploi, l’accélération des démarches de reclassement professionnel pour les salariés déclarés inaptes ou encore le renforcement de l’action des Cap emploi qui devront accompagner 70 000 personnes handicapées en 2011.
« Aujourd’hui, plus de 200 000 enfants handicapés sont inscrits à l’école de la République, soit 50 000 de plus qu’en 2005 », a chiffré le chef de l’Etat. Il souhaite améliorer la qualité de cette scolarisation en arrêtant de recourir aux contrats aidés pour le recrutement des auxiliaires de vie scolaire (AVS) et en embauchant, dès la rentrée scolaire 2011, des AVS « plus nombreux, mieux formés, mieux payés et disposant de véritables perspectives de carrière ». Ils bénéficieront d’un « vrai contrat d’assistant d’éducation », a promis le chef de l’Etat. 2 000 assistants de scolarisation qualifiés seront recrutés pour la rentrée scolaire 2011, 4 500 en 2012 et 7 200 en 2013 pour un budget de 200 millions d’euros, a précisé le ministère des Solidarités. Autre mesure : développer le recours aux AVS collectifs au sein de pôles ressources mutualisés et animés par les enseignants référents, tandis que les AVS individuels seront recentrés « sur les situations où les pôles ressources des établissements ne pourront pas faire face ».
Les AVS réalisant un accompagnement exclusivement scolaire seront recrutés par l’Education nationale et les autres seront gérés en partenariat avec les associations. Nicolas Sarkozy a d’ailleurs annoncé le renforcement des passerelles entre les établissements scolaires et les associations. Le cadre juridique et financier du dispositif de reprise par les associations des AVS qui arrivent au terme de leur contrat avec l’Education nationale n’est pas adapté (4), a-t-il estimé. Luc Chatel, Roselyne Bachelot et Marie-Anne Montchamp devront donc « définir les modalités d’un partenariat stable ».
Pour Nicolas Sarkozy et son ministre de l’Education nationale, une des priorités est de remédier au décalage entre les décisions d’orientation des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et la non-mise à disposition d’AVS par l’Education nationale (5). Pour ce faire, les pratiques des MDPH en matière d’orientation et d’accompagnement scolaires vont être améliorées grâce à la diffusion d’outils d’évaluation, à une évaluation individuelle des besoins de l’enfant et à la généralisation des évaluations dans la classe et non plus a priori. Interpellé sur la question des enfants scolarisés à temps partiel, Luc Chatel n’a pas proposé de solution, estimant que cela ne concerne que 10 % des 200 000 enfants scolarisés à l’école ordinaire. De son côté, la secrétaire d’Etat chargée des solidarités s’est dite favorable au développement des expérimentations pour l’éducation des enfants autistes. Autres mesures annoncées : développer la formation des enseignants, adapter les manuels scolaires, renforcer la coopération entre l’Education nationale et le secteur médico-social, rénover la tarification des établissements et services spécialisés, désigner des correspondants « scolarisation » dans les agences régionales de santé, renouveler la charte « université et handicap »…
Avant même l’adoption de la proposition de loi du sénateur Paul Blanc (6), le gouvernement entérine les mesures de substitution à l’accessibilité dans les bâtiments neufs. Le secrétaire d’Etat chargé du logement a indiqué que les membres des commissions départementales de sécurité et d’accessibilité vont être formés pour examiner les demandes des promoteurs. Pour Benoist Apparu, il n’est pas possible d’adapter les logements temporaires (locations saisonnières…) à tous les types de handicap. En revanche, le gouvernement prévoit de développer une offre de services sociaux et médico-sociaux pour accompagner dans le logement les personnes handicapées peu autonomes. Ont également été annoncés un plan des métiers du handicap orienté vers le développement des métiers de l’accessibilité, un plan de mise en accessibilité des lieux de travail dans les trois fonctions publiques, les écoles et les petites communes, un plan d’accessibilité numérique des sites Internet de l’Etat, une expérimentation d’un centre d’appels pour les personnes déficientes auditives ou encore des mesures pour améliorer l’accès aux soins. En matière de transports, le secrétaire d’Etat Thierry Mariani s’est déclaré optimiste au regard de la « véritable implication des acteurs ». Il a appelé les autorités organisatrices de transports à finaliser ou à mettre à jour leurs schémas directeurs, à se concerter avec les associations avant tout projet ou encore à former les conducteurs de bus.
Le gouvernement entend également mettre en œuvre des mesures spécifiques « pour les plus fragiles ». Dans ce cadre, les fonds départementaux de compensation vont bénéficier d’un abondement pluriannuel pour permettre une « couverture personnalisée des besoins les plus coûteux ». 11 millions d’euros seront ainsi versés sur trois ans en fonction des besoins avérés des fonds. Des conventions d’objectifs et de moyens vont par ailleurs être conclues avec les MDPH afin de stabiliser leur financement et leur personnel, et donc améliorer le service rendu aux usagers. L’aide à la garde d’enfants pour les parents lourdement handicapés va en outre être renforcée avec la majoration de 30 % du complément de libre choix du mode de garde de la prestation d’accueil du jeune enfant. Enfin, le ministère des Solidarités prévoit de faire évoluer la tarification des établissements et services pour personnes handicapées pour mieux prendre en compte les besoins des publics spécifiques (polyhandicap, autisme…).
La citoyenneté des personnes handicapées ne serait pas pleine et entière sans l’accès au sport et à la culture, ont souligné Chantal Jouanno et Frédéric Mitterrand. 60 % des aires de jeu sont aujourd’hui accessibles aux personnes handicapées, a indiqué la ministre des Sports. Un chiffre qui tombe à 6 % si on retient l’ensemble des installations sportives et tous les types de handicap. Selon les services de la ministre, « l’échéance de 2015 pour la mise en conformité de la totalité des équipements sera difficilement respectée ». La priorité du ministère est de faire augmenter le nombre de personnes handicapées qui pratiquent en club. Côté culture, Frédéric Mitterrand réfléchit à l’accès des personnes handicapées à la création et pas seulement à la consommation culturelle. Le plan d’accessibilité des équipements culturels « se poursuit de manière résolu », a-t-il assuré. Le ministre réunira la commission « culture-handicap » à l’automne pour « avancer plus avant ». Des mesures ont également été annoncées par la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, pour renforcer la recherche sur le handicap.
(1) Voir respectivement ASH n° 2710 du 20-05-11, p. 5 et
(2) Disponibles respectivement sur
(4) Pour mémoire, le dispositif de reprise lancé en 2009 concernait les associations du secteur du handicap. Il a ensuite été étendu aux services à domicile – Voir ASH n° 2671 du 27-08-10, p. 16.
(5) Ce décalage a été illustré par plusieurs décisions de justice. Le Conseil d’Etat a récemment décidé que l’Etat doit financer les AVS y compris en dehors du temps scolaire – Voir ASH n° 2709 du 13-05-11, p. 6.