Du fait de l’absence de consultation des utilisateurs et des acteurs de la lutte contre la pauvreté, le « tarif social » existant pour la téléphonie mobile (1) n’est pas adapté. Celui annoncé pour Internet, prévu dans le projet de loi visant à renforcer les droits, la protection et l’information des consommateurs (voir ce numéro, page 11), est tout aussi insuffisant. Tel est l’avis de l’Association française des utilisateurs des télécommunications (AFUTT) et de l’Agence nouvelle des solidarités actives (ANSA), qui viennent de rendre publiques les conclusions d’un groupe de travail qui a réuni en 2011 des associations, des conseils généraux, le Conseil national des missions locales, la caisse nationale des allocations familiales et des bénéficiaires du RSA.
Le document émet quelques constats pragmatiques, montrant que la question est loin d’être anecdotique : Internet est devenu le seul moyen d’accéder à certains services et plus d’une offre d’emploi sur trois est diffusée uniquement en ligne. Or 55 % des foyers dont les revenus sont inférieurs à 900 € par mois n’ont pas, chez eux, de connexion. Le prix de cette dernière représente 40 % du reste à vivre des ménages modestes. « Les professionnels de l’action sociale sont très souvent confrontés à des personnes mises en difficulté par des factures Internet double play/triple play [intégrant le téléphone et/ou la télévision] s’élevant à 80 € par mois ou plus », précise l’étude. Ces offres couplées favorisent l’endettement des ménages. Par ailleurs, selon une étude réalisée auprès de 6 000 jeunes suivis par les missions locales, 33 % règlent leur facture téléphonique au détriment de leurs déplacements, 35 % au détriment de leur budget alimentation et santé.
Face à cette réalité, l’AFUTT et l’ANSA pointent les limites des possibilités actuelles, à commencer par le tarif social du téléphone fixe : applicable uniquement sur l’offre « classique » d’Orange, il concerne seulement l’abonnement et vise les allocataires de minima sociaux, à l’exception des bénéficiaires du minimum vieillesse. « Le volet social du service universel des télécommunications, mal connu et inadapté, est aujourd’hui en perte de vitesse », souligne l’étude. Alors qu’en 2004, environ 700 000 foyers avaient recours à cette réduction, ils étaient moins de 430 000 en 2008, « soit moins de 21 % des bénéficiaires potentiels ». Pour le groupe de travail, « il est essentiel d’adapter et d’élargir le service universel » plutôt que de le laisser tomber en désuétude.
Afin d’éviter les effets de seuil, il recommande de retenir le niveau de ressources (en dessous du seuil de pauvreté) comme critère d’éligibilité aux tarifs sociaux. A défaut, ceux-ci devraient être ouverts aux 3,5 millions d’allocataires de minima sociaux, y compris ceux bénéficiant du minimum vieillesse, et au million de jeunes accompagnés par les missions locales. Pour Internet, le groupe de travail suggère une offre de base de 10 € par mois et de 15 € avec le téléphone fixe, avec des modalités adaptées aux petits budgets (pas de durée d’engagement, choix du mode de paiement…). « Les conditions fixées par le gouvernement pour Internet sont assez floues, commente-t-il : il s’agirait d’une offre autour de 20 €, probablement triple play ». Cette offre reste trop chère, « la télévision ne [faisant pas partie] des besoins de base », et elle serait destinée aux bénéficiaires du RSA socle, excluant une partie des publics précaires. Les négociations entre les opérateurs et le gouvernement n’ont, pour l’heure, pas encore abouti.
La question du téléphone mobile, elle, a été tranchée en mars dernier, « de manière plutôt insatisfaisante avec une labellisation d’offres à moins de 10 € ». Destinées également aux seuls bénéficiaires du RSA socle, difficilement accessibles, elles doivent permettre 40 mn de communication et 40 SMS. Ce qui correspond chaque mois à « 1,3 SMS et 80 secondes d’appel par jour ! ». Trop peu pour entreprendre la moindre démarche administrative ou de recherche d’emploi…
Pour le groupe de travail, le tarif maximum du téléphone mobile doit être fixé à moins de 5 € par heure et un système de carte prépayée, distribuée par un réseau d’acteurs, comme les centres communaux d’action sociale, doit être mis en place. Plus largement, l’accès aux offres devrait être simplifié pour faciliter leur diffusion. En matière de financement, le groupe de travail préconise d’élargir l’utilisation du fonds de service universel, alimenté par les opérateurs et aujourd’hui réservé à la téléphonie fixe. Les collectivités locales, propose-t-il encore, pourraient être mises à contribution. S’appuyant sur des expériences locales, il rappelle que l’accompagnement des usagers ne doit pas être négligé.