« Un matin, un résident de 96 ans a été retrouvé mort au pied de l’établissement. Il s’était jeté de son balcon. Ça a été un choc pour toute l’équipe : cet homme était encore valide et lucide, il n’avait jamais évoqué le souhait de mourir. Je n’imaginais pas que cela pouvait arriver, la question du suicide n’avait jamais été abordée au cours de mes études », raconte, encore bouleversé, Claude Caléro, jeune directeur de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Château Silhol à Nîmes. Méconnu, le suicide des personnes âgées est pourtant loin d’être rare. En 2008, 28 % des suicides recensés en France (soit 2 950) était le fait de personnes de plus de 65 ans, alors qu’elles ne représentent que 16 % de la population.
Si le suicide des jeunes fait l’objet de toutes les attentions, celui des seniors est largement ignoré. Pourtant, le taux de morts par suicide augmente avec l’âge, surtout chez les hommes : il est ainsi dix fois plus fréquent chez ceux de plus de 84 ans que chez ceux de 15 à 24 ans (1). « Pour les femmes de 65 à 74 ans, on observe un risque spécifique lorsqu’elles vivent en établissement, précise Nathalie Maubourguet, médecin coordonnatrice et présidente de la Fédération française de médecins coordonnateurs d’EHPAD. Le taux de suicide féminin se rapproche alors du taux masculin. » Si la majorité des 3 000 suicides a lieu à domicile, 120 ont été recensés en établissement entre 2006 et 2007. Rapporté à la population vivant en institution – 95 % des aînés vivent à domicile –, ce chiffre est considérable.
Le gouvernement a pris la mesure du problème en nommant, en juin 2010, un comité d’experts chargé d’élaborer des outils de prévention à destination des professionnels intervenant aussi bien à domicile qu’en établissement (2). Si ceux-ci sont les mieux placés pour évaluer le risque suicidaire des personnes qu’ils accompagnent, ils y sont malheureusement peu sensibilisés. Les préjugés ont la vie dure : l’idée qu’il est normal d’être déprimé et de vouloir mourir lorsque la dépendance s’installe reste très présente. Contrairement aux adolescents, la notion de « tentative de suicide » n’existe pas chez les sujets âgés. Pourtant, « ils ont souvent envoyé des signaux qu’on a banalisés », estime Alain Sagne, psycho-gérontologue au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne. Et une fois leur décision prise, « ils ne se ratent pas ». Ils planifient leur geste, et leur corps, fragilisé par l’âge, oppose peu de résistance. Leur « méthode » de suicide peut être douce (erreur de médicaments, accident de promenade, noyade, intoxication), ce qui permet de protéger leur famille qui croit alors à un accident ou à une mort naturelle. Malheureusement, le plus souvent, les modes opératoires sont d’une grande violence et ne laissent aucune chance de survie (armes à feu, pendaison, défenestration en établissement notamment). Le réseau de prévention du suicide « Etre-Indre » (voir encadré, page 34) rapporte le cas d’un homme de 95 ans, en phase terminale de cancer et alité, depuis plusieurs semaines, dans un lit médicalisé (avec barrière de chaque côté): il était parvenu à se lever seul, à monter au premier étage de son logement pour y prendre son fusil, à redescendre, à se recoucher et à se tirer une balle sous le menton.
Parmi les raisons avancées pour expliquer de tels drames, Pascal Champvert, président de l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées) invoque l’« âgisme », le rejet par la société de ses aînés. « Dans un pays qui considère que les vieux ne valent rien, la personne âgée se vit comme un poids et se sent coupable du prix qu’elle lui coûte. Nous vivons dans une société suicidogène ! » Si les personnes âgées n’ont pas beaucoup de facteurs de risque (toxicomanie, alcoolisme…), elles expriment néanmoins peu leurs émotions, ne vont pas chercher d’aide, manquent de soutiens familiaux ou amicaux, autant de facteurs qui pourraient freiner le passage à l’acte.
Pourtant, une personne vivant seule à domicile, sans famille proche et pour qui la visite hebdomadaire d’une auxiliaire de vie est l’unique contact, est particulièrement exposée au risque suicidaire. Le deuil d’un être cher ou le veuvage peut être aussi un facteur déclencheur, surtout au cours de la première année qui suit la disparition du proche. A cela s’ajoutent les douleurs physiques liées aux polypathologies. Le début d’une maladie démentielle ou encore l’apparition des premiers symptômes d’une nouvelle affection représente un moment à risque particulier. « Cela s’accompagne toujours d’une souffrance psychique, qui est, au-delà de la solitude ou du veuvage, le véritable enjeu », précise Alain Sagne.
Ainsi la dépression se révèle être une des causes majeures du risque suicidaire. Elle en est même un accélérateur. Jean-Louis Terra, professeur de psychiatrie à l’université Lyon-I, parle, à ce sujet, de « percolation » : « Quand la personne âgée est déprimée, les idées de suicide arrivent vite et, quand elle commence à y penser, la mise en œuvre est très rapide. Peu de choses vont pouvoir la faire renoncer à son idée », explique-t-il. Cette période, appelée « la crise suicidaire » (voir encadré ci-dessous), est particulièrement difficile à détecter chez les publics âgés et les dépressions passent souvent inaperçues. En établissement, si elles concernent entre 30 et 50 % des résidents, « celles-ci sont souvent mal traitées et mal diagnostiquées », regrette Alain Sagne. Les plaintes somatiques peuvent prendre le dessus et conduire les soignants à moins explorer d’autres causes de leur mal-être. Par ailleurs, la confusion entre syndromes dépressifs et syndromes démentiels est fréquente. Les troubles du comportement (agressivité par exemple), les problèmes de cohérence, de mémoire, les refus de soins ou les refus alimentaires, qui sont des manifestations de la dépression, peuvent faire pencher le diagnostic vers une démence ou un début de maladie d’Alzheimer.
Prévenir le suicide, c’est donc savoir repérer la dépression chez la personne âgée. Or, à domicile comme en établissement, les professionnels sociaux et médico-sociaux ne sont pas formés et se retrouvent souvent démunis face à un usager déprimé qui veut en finir. Pourtant, ce sont à eux que s’adressent les personnes âgées – et plus rarement aux professionnels spécialisés dans la souffrance psychique – lorsqu’elles se sentent mal. « La prévention commence par la possibilité de penser, voir, entendre, détecter des signes, poser des questions sans craindre les réponses », explique Vincent Lapierre, psychologue.
Au niveau national, un plan de formation à la prévention du suicide (tout public) a été lancé au début des années 2000 : l’objectif était de former des psychiatres et psychologues des équipes universitaires de chaque région, ces derniers formant à leur tour, localement, les professionnels de tous bords (psychiatres et psychologues non universitaires, travailleurs sociaux, infirmières…). Plusieurs centaines de personnes ont été formées grâce à ce dispositif, initié par le professeur Jean-Louis Terra. Plus récemment, des formations spécifiques à la crise suicidaire des personnes âgées ont été mises en place localement à l’initiative de réseaux de prévention du suicide (voir encadré, page 34).
Dans l’Ain, la cellule de prévention des situations de détresse de la personne âgée, propose une action de sensibilisation aux professionnels des structures sociales, médico-sociales (établissements, services à domicile, délégués à la tutelle…) et de santé ainsi qu’aux bénévoles qui accompagnent les personnes âgées. Ces formations de quelques heures permettent d’apprendre à détecter le risque suicidaire et à oser, lorsque la personne semble déprimée, lui demander : « songez-vous à vous suicider ? » « Les professionnels ont beaucoup de mal à poser directement la question », explique Jean-Louis Terrra. Pourtant, en parler n’encourage pas le passage à l’acte, au contraire. « Dès que le risque n’est plus ignoré par l’environnement, c’est déjà protecteur. Les personnes qui entourent la personne âgée – auxiliaires de vie, membres de la famille – passeront la voir plus souvent », explique le psychiatre du dispositif, Pierre-Olivier Treille.
Quelques mois après cette formation, l’équipe de la cellule revient dans la structure pour une réunion avec les personnes bénéficiaires. « Cette piqûre de rappel est très utile. Cela permet d’étudier les situations rencontrées depuis la formation. Cette dernière a aussi rapproché la psychiatrie des professionnels de terrain. Aides à domicile, infirmiers des services de soins, infirmiers à domicile, équipes des EHPAD, tous se sentent très isolés dans leur travail, ils manquent de reconnaissance », explique Pierre-Olivier Treille. Il constate néanmoins qu’en EHPAD, les professionnels sont parfois, au départ, un peu réticents : « Ils estiment que les personnes âgées sont protégées car elles vivent en établissement. » Si plusieurs centaines de professionnels de l’agglomération de Bourg-en-Bresse ont été formées, le turnover des équipes oblige toutefois à revenir dans les institutions régulièrement.
Les auxiliaires de vie sont souvent les seules personnes avec lesquelles les personnes âgées sont en contact régulier. Or, alors que la majorité des suicides a lieu à domicile, ces professionnelles, peu préparées à être confrontées au mal-être et au désir de mort exprimé, sont parfois très éprouvées. D’autres, au contraire, « ne perçoivent pas les signes de danger, n’ont pas conscience de ce que peut signifier un refus de s’alimenter par exemple, ne s’inquiètent pas lorsqu’une personne dit qu’elle ne sera peut-être pas là demain », souligne Florent Léonard, psychologue du service d’aide psychologique de la fédération de l’UNA 94 (Union départementale de l’aide, des soins et des services aux domiciles du Val-de-Marne). Créé en 2002, ce service intervient auprès des personnes âgées, des aidants mais également des professionnels des 13 associations adhérentes à l’UNA dans le département. A partir d’entretiens individuels et de groupes d’analyse de la pratique, six psychologues (3,65 équivalents temps plein) sensibilisent les aides à domicile aux symptômes dépressifs. Lorsqu’une auxiliaire de vie sent que la personne va mal, elle l’informe qu’un psychologue peut venir la rencontrer et fait le lien entre les deux. « Certaines personnes n’acceptent une rencontre avec nous que parce que c’est l’intervenante à domicile qui leur en parle et qu’elles lui font confiance », raconte Florent Léonard.
De même, à Paris dans le XIe arrondissement, les trois travailleurs sociaux (deux assistantes sociales et une conseillère en économie sociale et familiale) du Point Paris Emeraude (PPE), qui joue le rôle de centre local d’information et de coordination (CLIC), font appel à Vincent Lapierre, psychologue au Centre Popincourt, centre-médico-psychologique (CMP) spécialisé dans la prévention du suicide. Constatant que « les personnes de plus de 65 ans qui vont mal ne font pas la démarche de se déplacer au CMP », ce professionnel s’est rapproché de la structure parisienne pour se rendre au domicile des personnes âgées en souffrance. Il se met à la disposition des travailleurs sociaux une demi-journée par semaine.
« Nous échangeons avec lui sur la situation d’une personne qui ne va pas bien. Il nous donne un éclairage sur l’état psychologique de celle-ci, il ne nous dit pas comment faire, mais nous aide à nous situer. Il nous permet d’adapter nos mots », commente Claudie Flament, responsable du Point Paris Emeraude. Dans certains cas, Vincent Lapierre se rend à domicile avec le travailleur social. Sa présence est vécue par les professionnels comme un vrai soutien. « Il nous permet parfois d’être confortés dans notre analyse de la situation. Il nous propose aussi des comportements adaptés : si une personne âgée devient agressive, il est préférable de ne pas monter le ton par exemple », précise Roselyne Di Marco, ancienne coordinatrice du Point Paris Emeraude. « Je montre aux professionnels qu’ils ne sont pas si démunis que ça, mais qu’ils réagissent en tant qu’êtres humains, complète Vincent Lapierre. Mon rôle est de leur donner des outils pour penser la situation. »
Certains établissements sensibilisent leurs équipes. Ainsi, Myriam Radigeois, infirmière en psychiatrie à l’origine et directrice de l’Etoile du soir, un EHPAD de 82 places situé à La Bruffière en Vendée, connaissait bien le risque de suicide chez les personnes âgées. « Quand je suis arrivée dans l’institution, j’ai été très impressionnée par la tristesse et les troubles du comportement des résidents, raconte-t-elle. Le bilan médical effectué par le médecin coordonnateur pointait un grand nombre de dépressions et beaucoup de personnes étaient sous anti-dépresseurs. » Elle a recruté une infirmière en psychiatrie qui peut informer les autres membres de l’équipe sur le mal-être des résidents. Par ailleurs, une infirmière en psychiatrie du service de géronto-psychiatrie de l’hôpital de La Roche-sur-Yon se déplace, une fois tous les deux mois, pour une séance d’analyse de la pratique ; l’occasion pour les professionnels de parler des situations auxquelles ils sont confrontés. A cela s’ajoute la possibilité de recourir à certains outils comme la mallette « dépression » de MobiQual (Mobilisation pour l’amélioration de la qualité des pratiques professionnelles), mise au point par la Fédération française de gériatrie et de gérontologie (FFGG) pour les professionnels des EHPAD, des établissements de santé et des services à domicile.
La prévention passe aussi par une extrême vigilance des professionnels au moment de l’entrée dans l’établissement, qui est souvent un bouleversement pour la personne âgée. La perte des repères qu’elle représente peut être à l’origine de troubles dépressifs. Et le risque suicidaire est très présent dans les premières semaines qui suivent l’admission. Consciente du tournant décisif de cette période, Karine Giard, directrice de la Résidence de la forêt à Saint-Jean-de-Monts (Vendée), un EHPAD de 78 places, explique prendre le temps de rencontrer le futur résident au cours d’un entretien avec la psychologue de l’établissement. « Nous essayons de bien comprendre son environnement. Cette phase de pré-admission permet de le connaître et, déjà, d’agir en l’aidant à exprimer ce que va lui apporter la maison de retraite, mais aussi ce qu’il va perdre. » Lors de cette rencontre, un membre de l’équipe est désigné « référent » du nouvel arrivant et sera particulièrement attentif à son intégration. Dans l’idéal, l’admission doit se faire en douceur et passer, par exemple, par un accueil progressif (accueil de jour puis temporaire qui permet à la personne de se familiariser avec l’institution). Cependant, cela n’est guère possible quand les personnes sont orientées après avoir été hospitalisées.
Lorsque la dépression est avérée, certains établissements redoublent de vigilance. Dans l’EHPAD l’Etoile du soir, Manuela Caillaud, psychologue, rencontre les résidents régulièrement en entretien individuel. Elle organise aussi des ateliers collectifs. « J’utilise la médiation, c’est-à-dire tout objet qui permet une rencontre médiatisée entre deux personnes. Pour une personne âgée, vivre au quotidien avec ses pairs peut être très anxiogène, il y a un effet miroir qui rend les activités de groupe difficile », explique-t-elle. Aussi, à travers la peinture, l’écriture, permet-elle aux résidents de « se voir autrement que comme inutiles, ne servant à rien ».
Si toutes ces actions sont nécessaires, les médecins rappellent également l’importance des médicaments pour les personnes âgées. « Les antidépresseurs peuvent être très efficaces. Si on baisse la souffrance juste un peu, on obtient des résultats très positifs, estime Jean-Louis Terra. Mais la tendance actuelle de baisser la prescription d’antidépresseurs risque de faire monter le taux de suicide. » Par ailleurs, les établissements n’ont aucune obligation en matière d’architecture intérieure pour prévenir le suicide (bloquer les fenêtres, éviter les mezzanines…). Certains conseillent même de sécuriser l’environnement immédiat du résident en retirant les moyens à sa portée qui pourraient faciliter le passage à l’acte (médicaments, objets tranchants, chambre à l’étage…).
Toutes ces précautions ne suffisent pourtant pas toujours. Et lorsqu’un suicide survient, c’est souvent la stupéfaction chez les professionnels. « C’était un double traumatisme : retrouver un corps sans vie au pied de l’établissement et ressentir la culpabilité de n’avoir rien vu venir », se souvient avec émotion Claude Caléro, directeur de la maison de retraite Château Silhol à Nîmes, après le suicide d’un de ses résidents. A la suite de cet événement, plusieurs réunions ont eu lieu : une première avec l’ensemble du personnel pour expliquer ce qui s’était passé, ensuite trois « réunions de régulation » avec les soignants. « L’objectif était de les faire s’exprimer sur cet événement et de les déculpabiliser. Le choc émotionnel était tel que l’équipe a eu énormément besoin d’en parler, explique Claude Caléro. D’autant que cet homme n’avait pas de famille et, dans ce cas, c’est le personnel qui prend le relais, d’où une forte culpabilité. » Depuis, l’établissement a mis en place un protocole d’intervention en cas de suicide. Il s’agit de directives très concrètes sur la conduite à tenir : prévenir le cadre de garde, appeler la police, ne pas toucher le corps et informer les salariés de l’établissement. En parler aux autres résidents est également indispensable, d’autant qu’il est prouvé qu’un passage à l’acte peut donner des idées à d’autres.
Après un suicide, la cellule de prévention de l’Ain propose aussi des « interventions post-traumatiques » dans les établissements. « C’est comme une cellule d’aide psychologique mise en place après un drame ou un accident, explique Pierre-Olivier Treille. A la demande des professionnels, mais aussi des résidents, nous venons parler de ce qui s’est passé. » L’équipe peut aussi intervenir à domicile auprès des proches et des professionnels.
Qu’est-ce que la crise suicidaire ?
C’est une période de quelques jours à quelques semaines où la personne pense au suicide comme à une solution face à des souffrances insoutenables. Elle a le sentiment que ses ressources physiques et psychiques sont épuisées. Ces crises sont plus difficiles à détecter chez les personnes âgées.
En se suicidant, la personne âgée ne fait-elle pas une demande d’euthanasie ?
Non, la crise suicidaire correspond à un mal-être psychique, alors que, dans le cas d’une demande d’euthanasie, c’est le corps qui abandonne la personne. La perspective de cette souffrance physique à plus ou moins long terme est insoutenable. Il est indispensable de former les équipes à distinguer la crise suicidaire de la demande d’euthanasie.
Depuis la création de votre formation, constatez-vous une évolution des mentalités du côté des professionnels ?
Cette formation est issue des préconisations de la conférence de consensus en 2000, « La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge », organisée par la Fédération française de psychiatrie et financée par la direction générale de la santé. Elle vise à repérer la crise suicidaire, conduire une entrevue pour aborder la souffrance de la personne en crise, évaluer l’urgence. Elle est de plus en plus reconnue comme une référence et, de ce fait, les résistances des professionnels sont moindres. L’évaluation du potentiel suicidaire devient « un classique ». Néanmoins la prise de conscience reste localisée et ne fait pas l’objet d’une politique de prévention systématique de la part des pouvoirs publics.
PROPOS RECUEILLIS PAR N.C.
Dans l’Ain, la cellule de prévention des situations de détresse de la personne âgée a été créée en 1999.
Elle est le fruit d’un partenariat entrel’Association d’action gérontologique du bassin burgien (ADAG BB) – en charge d’un local d’information et de coordination gérontologique (CLIC) – et le centre psychothérapique de l’Ain – qui gère, entre autres, un centre-médico-psychologique (CMP) spécifique « personnes âgées », l’équipe mobile départementale de psychogérontologie et deux unités hospitalières. La cellule rassemble des professionnels du social et du sanitaire : une assistante sociale, trois médecins psychiatres, deux infirmières en psychiatrie, un psychologue. Outre ses actions de sensibilisation et de formation, elle a développé une écoute téléphonique destinée aux professionnels de l’agglomération de Bourg-en-Bresse.
Tout professionnel en contact avec une personne âgée qui semble en détresse peut composer le numéro de la cellule. La coordinatrice évalue l’urgence et fait son enquête en appelant tous les intervenants autour de la personne âgée : gérant de tutelles, aide à domicile, médecin traitant… Parfois, une infirmière de la cellule se rend au domicile pour évaluer le risque suicidaire.
Chaque lundi, l’équipe examine les nouvelles situations signalées et décide de la suite à donner. « Nous étudions ce que nous pouvons préconiser en termes de soutien. Dans huit cas sur dix, nous proposons de renforcer le réseau de professionnels autour de la personne : plus de passages et des visites un peu plus longues. Plus rarement, une hospitalisation ou un suivi en CMP sont nécessaires », explique Pierre-Olivier Treille, psychiatre de la cellule. Des réunions de synthèse de tous les acteurs impliqués dans la prise en charge de la personne sont parfois organisées.
La cellule suit l’évolution de la personne au minimum pendant six mois, parfois pendant plusieurs années, en contactant régulièrement les professionnels qui l’accompagnent. Mais à aucun moment la personne âgée ne sait qu’elle fait l’objet d’une surveillance. Ce dispositif fonctionne car les professionnels qui travaillent avec les personnes âgées ont été formés par l’équipe de la cellule à la prévention du suicide ou que leur supérieur hiérarchique l’a été.
Efficiente sur le bassin burgien, la cellule est, depuis deux ans, en voie de départementalisation. En faisant appel aux CLIC et aux CMP du département, elle est désormais identifiée par tous les professionnels du département.
Dans l’Indre, le réseau « Etre-Indre » a été créé en 2004. Géré par l’hôpital local de Levroux, il vient également en soutien des professionnels qui accompagnent les personnes âgées psychiquement dépendantes (maladies d’Alzheimer ou apparentées), au sein des établissements, des associations d’aide à domicile et des services de soins infirmiers à domicile.
Après avoir été contactée par un professionnel, la coordinatrice du réseau analyse la demande et expose la situation à l’équipe, composée de deux infirmières, d’un gériatre et d’un psychologue. L’un d’entre eux se déplace presque systématiquement auprès de la personne âgée, en établissement ou à domicile. « Nous intervenons ponctuellement et nous faisons des propositions de suivi thérapeutique. Parfois, cela passe par des conseils très simples : changer la personne de chambre, car celle-là est située au bout du couloir et personne ne passe jamais devant, explique Valérie Boulgon, psychologue. On essaie d’aider les équipes à aller chercher dans la vie des gens ce qui peut leur donner une raison de vivre. »
(1) On recense 100 suicides pour 100 000 personnes chez les hommes de plus de 85 ans alors qu’on en compte 10 pour 100 000 chez les garçons de 15 à 24 ans.