Le Conseil d’Etat vient de censurer le décret du 21 octobre 2009 relatif à l’accessibilité des lieux de travail aux personnes handicapées, pris en application de la loi « handicap » du 11 février 2005 (1). Dans un arrêt du 1er juin, la Haute Juridiction administrative annule en effet la disposition de ce décret qui prévoyait des possibilités de dérogation dans les bâtiments neufs.
Dans cette affaire, plusieurs associations de personnes handicapées (2) ont saisi la justice administrative pour faire annuler l’article 1er du décret. Ce texte crée dans le code du travail un article R. 4214-26 qui prévoit que les lieux de travail, y compris les locaux annexes, aménagés dans un bâtiment neuf ou dans la partie neuve d’un bâtiment existant sont accessibles aux personnes handicapées, quel que soit leur type de handicap. Il introduit également dans le même code un article R. 4214-27 selon lequel des dérogations aux dispositions de l’article R. 4214-26 peuvent être accordées par le préfet, après avis de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité, en cas d’impossibilité technique résultant de l’environnement du bâtiment.
Selon le Conseil d’Etat, avec la loi « handicap », le législateur n’a pas entendu permettre au pouvoir réglementaire d’ouvrir d’autres dérogations aux règles d’accessibilité en ce qui concerne un bâtiment neuf ou la partie neuve d’un bâtiment existant hormis le cas des propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage. Par conséquent, l’article 1er du décret, en tant qu’il insère l’article R. 4214-27 dans le code du travail, est entaché d’illégalité et doit être annulé, tranche-t-il.
Dans un communiqué commun du 7 juin, les associations se réjouissent de cette décision « dans un contexte où les atteintes à l’esprit de la loi du 11 février 2005 sont constantes ». Rappelons en effet que le Conseil d’Etat s’est prononcé de la même façon en 2009 s’agissant des dérogations posées par le décret du 17 mai 2006 fixant les règles d’accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d’habitation neufs (3). Le Conseil constitutionnel a, de son côté, censuré des dérogations exceptionnelles aux règles d’accessibilité prévues par la troisième loi de finances rectificative pour 2009 (4). Malgré tout, des « mesures de substitution » sont prévues par la proposition de loi du sénateur (UMP) Paul Blanc en cours d’examen au Parlement et soutenues par la ministre des Solidarités (5). Les associations demandent donc au gouvernement de se prononcer « clairement » contre les dérogations dans les bâtiments neufs.
(2) Il s’agit de l’Association d’entraide des polios et handicapés, de l’Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs, de l’Association des paralysés de France et de l’Association des accidentés de la vie.