Ceux qui se relèvent

Il se définit lui-même comme un « fantassin du social », et considère les travailleurs sociaux comme des « fantassins de la République ». Ancien éducateur de rue, Yves Bodard a compris très tôt que la solidarité ne va pas de soi pour tout le monde et que la générosité peut être salie quand, à 10ans, il est soupçonné de racket par le directeur du collège. Elu délégué de classe, il avait récolté 800 francs auprès de ses camarades pour un joueur d’harmonica aveugle installé à l’entrée du bar du village. La « plus belle action de sa jeune vie » lui révèle cette évidence : plus tard, il aidera les autres. Ces autres, il les raconte dans Vies cabossées et miettes d’espoir, quatre ans après Banlieues, de l’émeute à l’espoir (Ed. Regain de lecture), récit de ses tribulations d’éducateur dans le quartier de La Source, lisière bétonnée au sud d’Orléans. Il y a là Christian, ex-détenu devenu chef d’entreprise et père de famille ; Michèle, femme battue et battante, sortie de l’alcool et de ses tourments ; Christel, jeune maman infirme moteur cérébral, dont les « excès de vivre » déroutent les professionnels… « Moi, ce qui m’intéresse, c’est de raconter non pas comment on en arrive à sombrer, mais comment certains ont pu se relever », insiste Yves Bodard au début de son livre. Au détour de ces histoires simples et pourtant fortes, apparaît le quotidien d’un éducateur qui préfère en faire trop que pas assez – « au moins, ça ne laisse pas de place aux regrets » –, envoie valdinguer les règles et les distances – « quand l’inacceptable s’invite sans y être convié, au diable les considérations réglementaires » – et refuse de se taire plus longtemps face à « la politique du coup de matraque ». Un récit personnel, dense et attachant, quoique parfois un peu décousu, comme submergé par l’empathie et l’indignation.