Comment les personnes malades du cancer vivent-elles le retour à domicile ?
Notre enquête sur le ressenti des patients (2) montre qu’après une hospitalisation, les personnes atteintes d’un cancer souhaitent rentrer chez elles mais que ce retour à domicile est source d’angoisse. L’hôpital est considéré comme un cocon dans lequel elles sont déchargées des problèmes du quotidien : on les soigne, on les veille, on s’occupe de leur repas, on les soutient psychologiquement. Tout cela n’existe plus à la maison et les personnes se sentent souvent abandonnées. Quitter l’hôpital, c’est retourner dans la « vraie vie » mais sans avoir les moyens d’avant. Entre la douleur, l’épuisement, l’altération physique liée au traitement, les actes les plus anodins – faire sa toilette, préparer le repas, suivre le rythme de la famille… – peuvent devenir des épreuves.
Quelle est la place des aidants ?
Les proches jouent un rôle primordial dans la prise en charge des tâches quotidiennes au début du retour à domicile mais ils ont tendance à s’essouffler. Par ailleurs, ils sont souvent inquiets et très affectés, ce qui génère du stress lorsqu’ils sont trop présents. Quand leur parent rentre de l’hôpital, ces proches s’attendent à ce que la vie reprenne comme avant. Or la personne se sent encore fatiguée. L’impatience de l’entourage peut devenir source de tension.
Les malades vont-ils chercher de l’aide ?
Trop peu. Ils sont souvent réticents à avoir recours aux différentes formes de soutien que propose parfois l’hôpital comme la sophrologie ou les groupes de parole. Pourtant le soutien psychologique est indispensable durant la période du retour à domicile. Pour les tâches quotidiennes (ménage, aller chercher les enfants à l’école…), les personnes malades ont du mal à solliciter une aide extérieure.
Vous lancez un appel aux institutions pour une prise en charge globale et sécurisée du retour à domicile…
Aujourd’hui, la continuité entre l’hôpital et le domicile est mal assurée et cette prise en charge globale n’existe pas, ce qui comporte des risques. Les personnes sortent de l’hôpital avec des médicaments souvent très puissants, rien ne les empêche, en cas de baisse de moral, d’avaler toute la boîte. Nous demandons la création, dans chaque agence régionale de santé, d’une cellule « retour à domicile » qui mette en place cette prise en charge globale et sécurisée pour les malades d’un cancer mais également pour ceux atteints d’autres pathologies à risques aggravés (diabète, sclérose en plaque…).
Vous souhaitez y voir plus clair dans les services d’aide à domicile…
Oui, les malades ne savent pas à qui s’adresser pour obtenir de l’aide.
Il est nécessaire de recenser l’ensemble des dispositifs et des acteurs existant dans le secteurs médical, paramédical, médico-social et social. Chacun des intervenants doit être évalué, leurs actions devant respecter les droits de la personne et être en conformité avec la réglementation. Ce travail permettrait de référencer et de labelliser, au niveau régional, les structures impliquées dans l’aide à domicile.
Enfin, pour organiser les interventions de tous ces acteurs, nous proposons de créer des plateformes régionales de coordination multiservices qui centralisent les intervenants pour répondre aux besoins spécifiques et quotidiens des personnes touchées par un cancer. Enfin, l’éducation thérapeutique des patients doit venir compléter ce dispositif : mieux connaître la maladie pour mieux la gérer au quotidien.
(1) Avec Patrick Ferrer.
(2) L’étude qualitative sur le ressenti des patients à propos du retour à domicile a porté sur le témoignage de personnes de 38 à 73 ans touchées par un cancer – Disponible sur