En mai 2010, les députés adoptaient à l’unanimité une proposition de résolution UMP sur « l’attachement au respect des valeurs républicaines face au développement de pratiques radicales qui y portent atteinte », sorte de prologue à la loi visant à interdire le port du voile intégral (1). Un an plus tard, le parti de la majorité entend toujours occuper le terrain de la laïcité et a soumis dans cet esprit, le 31 mai, à l’Assemblée nationale une nouvelle proposition de résolution portant sur « l’attachement au respect des principes de laïcité, fondement du pacte républicain, et de liberté religieuse »… sans toutefois obtenir le succès qu’il escomptait. Toute la gauche a en effet voté contre le texte tandis que les députés du Nouveau Centre ont, de leur côté, décidé de ne pas prendre part au vote (2). Au final, la résolution aura quand même été adoptée mais avec les seules voix de l’UMP.
Le texte – qui n’a qu’une valeur symbolique et n’est pas contraignant comme une loi ou un décret (3) – décline 14 déclarations de principe directement issues de la convention nationale du parti de la majorité, qui avait fait couler beaucoup d’encre en mars dernier. Certaines ont une portée très générale tandis que d’autres répondent à des situations concrètes. Telle celle à travers laquelle l’Assemblée nationale « estime nécessaire que le principe de laïcité soit étendu à l’ensemble des personnes collaborant à un service public ainsi qu’à l’ensemble des structures privées des secteurs social, médico-social ou de la petite enfance chargées d’une mission de service public ou d’intérêt général » (4) (sur la question de la laïcité dans le travail social, voir aussi ce numéro, page 28). Un vœu qui constitue une réponse directe à l’affaire de la crèche Baby-Loup, à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), qui avait licencié une salariée voilée.
D’autres polémiques autour du port du voile lors de sorties extrascolaires ou encore les refus par certaines femmes de se faire soigner par des hommes à l’hôpital sont aussi visées par la résolution. Le texte affirme ainsi solennellement que « dans une République laïque, nul ne peut se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ». Il condamne en outre « tous aménagements de ce principe qui, au nom d’accommodements prétendument raisonnables, consistent à transgresser les lois de la République en cédant à des revendications communautaristes ». Et souligne que « le principe de laïcité interdit à quiconque, dans le cadre d’un service public, de mettre en cause son fonctionnement normal, par exemple en se soustrayant à l’obligation scolaire, ou de récuser un agent pour des motifs religieux ».
Le ministre de l’Intérieur a rappelé, au cours des débats, qu’un groupe de travail interministériel a été chargé de clarifier les conditions d’application du principe de neutralité du service public et d’en proposer les « conclusions juridiques appropriées » (5). Il « vient d’être installé » et « présentera rapidement ses conclusions », a-t-il promis, ajoutant que son souhait est « de privilégier le recours au règlement intérieur de la structure pour intégrer des prescriptions en matière de neutralité ». Aux yeux du ministre, « cette solution permettrait à la fois de mieux faire respecter le principe de neutralité des agents de structures privées concourant au service public et de respecter un espace de liberté pour tenir compte des spécificités propres à certains établissements, notamment ceux qui présentent un caractère propre d’inspiration confessionnelle ».
Autre déclaration de principe, plus globale : l’Assemblée nationale « souhaite que tous les moyens utiles soient mis en œuvre pour garantir le respect des principes de laïcité et de liberté religieuse et assurer la diffusion des droits et des devoirs qui en résultent, notamment par l’élaboration d’un code de la laïcité et de la liberté religieuse, qui regrouperait l’ensemble des principes et règles applicables en la matière ». Le gouvernement travaille d’ores et déjà sur le sujet. Ainsi, selon Claude Guéant, l’élaboration de ce code « devrait aboutir dans les tout prochains jours ». « Il fera l’objet d’une publication dans le courant du mois de juin à La Documentation française et sera accessible sous forme électronique », a précisé le ministre, ajoutant qu’il s’agira « d’une compilation des textes existants et de la jurisprudence, en aucun cas d’une modification des lois existantes ».
(2) « Sur le fond, le texte n’apporte pas de grands bouleversements », a expliqué le président des députés du Nouveau Centre, François Sauvadet, qui regrette « une proposition de résolution trop pâle, trop déclamatoire pour déboucher sur une loi à la hauteur des enjeux ».
(3) Pour mémoire, c’est l’article 34-1 de la Constitution qui ouvre la possibilité aux assemblées de voter des résolutions pour exprimer un avis sur une question de leur choix, dans certaines limites. Les propositions de résolution peuvent être déposées à l’Assemblée ou au Sénat par un ou plusieurs parlementaires, ou par un président de groupe, de la majorité comme de l’opposition. Elles sont principalement utilisées par les parlementaires pour formuler un vœu, une recommandation.
(4) Hors le cas des aumôneries et des structures présentant un caractère « propre » d’inspiration confessionnelle.