Les mesures de sécurité non proportionnées imposées à un détenu lors d’une consultation médicale constituent un traitement dégradant contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Dans un arrêt non définitif (1) rendu le 26 mai et opposant un détenu à l’Etat français, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a ainsi jugé que le recours aux menottes et au port des entraves de pied, combiné à la présence du personnel pénitentiaire lors des consultations médicales d’un détenu, sont disproportionnés au regard des nécessités de sécurité.
Dans cette affaire, un homme condamné en décembre 2002 à 15 ans de réclusion pour viol sur mineur a dû se rendre à plusieurs reprises en milieu hospitalier extérieur du fait de son état de santé. Et s’est plaint des conditions dans lesquelles les extractions et les consultations médicales se sont déroulées : recours aux menottes (parfois dans le dos) et aux entraves, tant pendant le transport que pendant la consultation ; exécution de gestes médicaux relevant de l’intime sous les yeux des agents de l’escorte.
Ne disposant pas du dispositif précis de sécurité mis en œuvre à l’occasion des extractions et consultations médicales subies par le détenu (2), la CEDH s’est appuyée sur un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2005 qui exposait les faits relatés par l’intéressé, des faits confirmés par les personnels de soins et pénitentiaires, et non contestés par le gouvernement français. Selon l’IGAS, les conditions de sécurité ont primé sur l’intimité et la confidentialité du patient, qui n’était pourtant pas considéré comme dangereux. La Cour européenne s’est également basée sur la jurisprudence du Conseil d’Etat, qui prévoit que les mesures de sécurité doivent être adaptées et proportionnées à la dangerosité du détenu et prendre en compte un certain nombre d’éléments particuliers (risques d’évasion, état de santé, etc.). La CEDH s’est aussi référée à un avis du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, selon lequel l’examen des détenus soumis à des moyens de contrainte est une pratique contestable, et qui préconise de réaliser les soins médicaux des détenus sans la présence des personnels d’escorte.
Considérant, au vu de tous ces éléments, que le gouvernement français n’a pas démontré que le dispositif appliqué au détenu lors des extractions et des consultations médicales était strictement nécessaire aux exigences de sécurité, la Cour européenne des droits de l’Homme en conclut que les mesures de sécurité dont a fait l’objet le plaignant constituent effectivement un traitement dégradant. Et condamne l’Etat français à verser au requérant 6 000 € pour dommage moral.
(1) Dans un délai de trois mois, toute partie peut en effet demander le renvoi de l’affaire devant la Grande chambre de la Cour européenne. Un collège de cinq juges déterminera alors si l’affaire mérite plus ample examen. Si tel est le cas, la Grande chambre se saisira de l’affaire et rendra un arrêt définitif.
(2) La trace des extractions ne sont en effet conservées que pendant un an.