En 2010 comme en 2009, les dépenses sociales des conseils généraux remontent en flèche après deux années de moindre augmentation, indique la traditionnelle lettre de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS) (1).
La dépense nette totale d’action sociale des départements (2) a, en effet, atteint 30,3 milliards d’euros, soit + 5,8 % par rapport à 2009 (voir encadré ci-dessous). Cette progression n’a cependant pas fait plonger les départements dans le rouge, car des « recettes supplémentaires salutaires », issues des droits de mutation (3), sont venues remplir les caisses. Si ces ressources fiscales liées à la forte reprise du marché de l’immobilier « constituent un motif de soulagement », cette situation reste conjoncturelle et ne règle pas « l’écart structurel qui se creuse entre la dynamique des dépenses et celle des recettes », avertit l’ODAS.
L’augmentation des dépenses d’action sociale résulte de la hausse de la charge relative aux allocations universelles de solidarité, notamment pour l’insertion et le soutien aux personnes handicapées. Après déduction des apports de l’Etat (5,6 milliards), la charge nette du revenu de solidarité active (RSA) et des actions d’insertion atteint 1,7 milliard d’euros, soit 24 % de plus qu’en 2009. Les dépenses liées à l’allocation ont augmenté de 15 %. Néanmoins, la situation s’améliore en 2010 puisque l’ODAS note « une quasi-stabilité du nombre de bénéficiaires du RSA », en particulier du RSA « socle ». L’embellie du marché de l’emploi en 2010 commence à avoir un impact : les allocataires du RSA « socle + activité » ont augmenté de 12 %. En contrepartie de la forte hausse des dépenses d’allocation, « on observe une chute de celles d’insertion, qui passent de 830 à 700 millions (- 16 %) ». En plus de l’évolution du nombre de bénéficiaires du RSA, le poids représenté par l’allocation au détriment de l’insertion peut également s’expliquer par « des charges de gestion liées au RSA plus lourdes que celles du système RMI ».
En 2010, les dépenses consacrées aux personnes handicapées (5,12 milliards d’euros) dépassent pour la première fois celles destinées aux personnes âgées (4,85 milliards). C’est en partie la conséquence du dynamisme de la politique de création de places d’accueil (environ 5 000 nouvelles personnes handicapées accueillies en 2010 comme en 2009). La charge liée aux allocations – PCH et ACTP (prestation de compensation du handicap et allocation compensatrice pour tierce personne) – atteint 1 milliard d’euros, soit une augmentation de 28 %. Quant à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) – qui représente l’essentiel de la dépense à destination des personnes âgées –, elle s’élève à 5 milliards d’euros, soit 3,1 % de plus qu’en 2009.
L’ODAS note que la dégradation de la situation économique a conduit à une réduction des concours de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) à partir de 2008. En 2010, le taux de couverture des allocations par la CNSA est de 34 % pour les allocations destinées aux personnes handicapées (PCH et ACTP) et de 30 % pour les personnes âgées (APA).
Pour faire face à ces coûts supplémentaires, les départements misent sur la rigueur. C’est dans le secteur de l’APA à domicile que l’effort de rationalisation des coûts est le plus important : harmonisation des plans d’aide, audits des services prestataires, incitations à mutualiser la gestion, développement du chèque emploi-service et de la télégestion. Certains départements réduisent aussi le nombre d’heures attribuées en GIR 4 (les personnes moins dépendantes) après une analyse plus approfondie des besoins. Mais cela ne suffit pas, indique l’ODAS. Rappelant l’écart qui se creuse entre les prix de revient des services rendus à domicile et les tarifs fixés par la puissance publique, l’observatoire précise que « les opérateurs de l’aide à domicile et les usagers attendent une clarification des responsabilités », d’autant que l’investissement sur l’aide à domicile et, plus généralement, sur la prévention, « est un enjeu social et économique ayant un impact sur l’ensemble du système social, médico-social et sanitaire ».
De façon générale, les départements cherchent des marges de manœuvre en limitant leurs dépenses de structure, notamment leurs dépenses de personnel. Ils effectuent aussi des arbitrages en faveur des dépenses de prise en charge immédiate au détriment de celles liées à la prévention ; une tendance, juge l’ODAS, contraire au mouvement de décentralisation « qui est de restructurer l’intervention sociale du curatif vers le préventif ». En étant contraints à cette approche « plus gestionnaire que stratégique de l’action sociale départementale », les départements, met en garde l’observatoire, pourraient perdre leur principal atout au moment de la réforme territoriale.
Alors que l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS) livre ses chiffres pour 2010 (voir ci-contre), la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publie sa photographie des dépenses d’aide sociale départementale pour 2009.
La méthodologie est toutefois légèrement différente puisque la DREES s’appuie sur un questionnaire renvoyé par 90 départements, alors que l’ODAS fait ses estimations à partir d’un échantillon de 38 départements. Ces données sont néanmoins comparables et complémentaires. En 2009, la dépense nette d’aide sociale s’élève à 28,7 milliards d’euros, dont 27,2 milliards pour la France métropolitaine.
Premier poste de dépenses : celles liées à l’insertion (RMI, CI-RMA, contrats d’avenir, RSA expérimental et RSA « socle » et « socle majoré »), qui atteignent 6,7 milliards d’euros (+ 5,8 % par rapport à 2008). Les dépenses destinées aux personnes âgées, deuxième poste, ont progressé de 3,4 % et s’élèvent à 6,3 milliards d’euros. Du même ordre, les montants liés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) (6,2 milliards) représentent 26 % des dépenses totales et occupent le troisième poste. Viennent ensuite les dépenses en faveur des personnes handicapées (5,1 milliards) qui connaissent, comme le confirme l’ODAS, une forte augmentation (+ 9,3 %).
(1) Disponible prochainement sur
(2) La dépense nette est la dépense brute de laquelle sont déduites les recettes de type récupérations et indus.
(3) Les droits de mutation à titre onéreux sont perçus par les départements sur les transactions immobilières.