Après la publication, en février dernier, du décret sur la transmission d’informations sous forme anonyme aux observatoires départementaux de la protection de l’enfance et à l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED) (1), une autre question reste en suspens : l’information « préoccupante » sur un mineur en danger ou en risque de l’être, introduite par la loi du 5 mars de 2007 sur la protection de l’enfance, ne fait toujours pas l’objet d’une définition nationale précise.
Cette notion est pourtant un pivot essentiel de la réforme. Selon la loi, les professionnels doivent, « sans délai », transmettre cette information au président du conseil général, afin d’évaluer la situation du mineur concerné et de déterminer les actions d’aide et de protection nécessaires. Or le guide ministériel sur les cellules de recueil, de traitement et d’évaluation de l’information préoccupante n’éclaire pas suffisamment les professionnels sur la nature des éléments à communiquer, ce qui, comme l’avait fait valoir l’ANAS (Association nationale des assistants de service social), aboutit à des critères variables selon les départements.
Lors d’une journée technique sur l’application de la réforme organisée en décembre 2009 par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, la direction générale de l’action sociale et l’Assemblée des départements de France, une nouvelle proposition de définition issue de travaux interministériels avait été présentée (2). L’ANAS, avec l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés et le Syndicat national des médecins de PMI (protection maternelle et infantile), ainsi que l’Assemblée des départements de France et le groupe d’appui à la réforme de la protection de l’enfance piloté par la CNAPE (Convention nationale des associations de protection de l’enfant), avaient donné leur avis et présenté leurs contributions. En jeu : respecter le sens de la loi tout en écartant les interprétations trop larges en respectant le droit des usagers et en reconnaissant la compétence d’évaluation des professionnels.
Après toutes ces réflexions, Nadine Morano, l’ancienne secrétaire d’Etat à la famille, avait promis, en juin 2010, lors de la clôture des « états généraux de l’enfance », la diffusion d’une nouvelle version amendée au cours des ateliers (3). Depuis, plus rien.
Un vide regrettable, s’inquiète l’Ancasd (Association nationale des cadres de l’action sociale des départements). Dans un courrier adressé le 23 mai à Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale, elle souligne que cette absence de cohérence nationale « génère de nombreuses incertitudes pour les professionnels responsables de la transmission de ces informations préoccupantes, pouvant nuire à la pertinence du partage de l’information dans l’intérêt, mais aussi dans le respect, des personnes et des familles ». Ce flou a aussi des conséquences sur l’intervention des professionnels : l’absence de définition ne permet pas de « qualifier l’information en provenance de tiers extérieurs (institutions, parquet, particuliers) de façon homogène », ce qui entraîne « la multiplication des investigations ». Selon l’association, le temps ainsi mobilisé « empiète de façon non négligeable sur les actions de prévention et induit un rapport de contrôle vis-à-vis des familles concernées au détriment d’une co-construction des plans d’aide ».
L’Ancasd fait donc part de son impatience. A la direction générale de la cohésion sociale, on indique que cette définition devrait être intégrée dans le guide ministériel sur les cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, dont une version actualisée est prévue pour la fin de l’année.
(2) Elle s’appuyait sur les définitions de l’ONED, qui a également présenté une définition conjointe avec l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée, de l’ANAS et de celle figurant dans le guide ministériel.
(3) Voir sur