Recevoir la newsletter

Un éclairage inédit sur la mendicité

Article réservé aux abonnés

Trente euros pour une « bonne journée », 10-15 € le plus souvent : les résultats de la mendicité à Paris sont aléatoires et varient selon les lieux, les personnes et les postures mais celle-ci est, dans tous les cas, « peu rentable » si l’on prend en compte le temps passé, la pénibilité et le coût en termes d’image de soi, pointe l’enquête qualitative du Centre d’étude et de recherche sur la philan­thropie (CerPhi) (1). Celle-ci s’était fixé comme objectif « d’éclairer le phénomène et les enjeux de la mendicité, en donnant la parole à ceux qui la pratiquent, une visibilité aux réalités individuelles que recouvre le terme de mendicité, pour aider la société civile à s’interroger et à penser cette question au-delà des stéréotypes » (2).

La mendicité est-elle de plus en plus répandue ? C’est sans doute le cas dans les grandes villes compte tenu de l’augmentation de la pauvreté, mais cette perception est surtout renforcée par la nécessité, pour les mendiants, de se rendre de plus en plus visibles aux passants ; ils se concentrent ainsi dans les lieux à forte fréquentation : couloirs de métro, seuils des commerces et des lieux de restauration rapide, alentours des distributeurs automatiques de billets, trottoirs proches d’un abribus, lieux de culte…

Premier constat, il n’y a pas de profil type : hommes, femmes, jeunes ou plus âgés, bénéficiant ou non de prestations sociales, en recherche d’emploi ou exclus du marché du travail… mendient. Une constante toutefois : leur grande solitude affective et sociale. A noter que tous les mendiants ne sont pas sans domicile, de même que tous les sans-domicile ne sont pas mendiants car « il faut avoir les compétences nécessaires pour réaliser ces “performances” » : station debout des journées entières, confrontation à la foule, répétition permanente de sa demande mais aussi échecs, agressions, absence de perspective. « Ceux qui sont trop usés et n’ont plus suffisamment de motivation pour y faire face obtiennent encore moins de résultats et sont conduits à réduire d’autant leurs besoins », note l’étude.

Autre constat : la rentabilité est bien inférieure pour les mendiants rom que pour les autres. A titre d’exemple, les chercheurs ont observé pendant une demi-heure Alberte, une « petite grand-mère » française et Hanna, rom roumaine, toutes deux faisant la manche dans un lieu de passage : la première a reçu six dons pour 605 passants, soit un rapport dons/passants entre 1 et 2 % tandis qu’Hanna a reçu trois dons pour 2 720 passants soit un rapport de 0,1 % environ, alors même que sa pratique alternant moments sans sollicitation verbale et suppliques aux personnes est « plus active, plus pénible ». Comme elle, la plupart des Roms mendiants sont donc contraints à « une plus grande assiduité » pour retirer des ressources que les autres mendiants, ce qui accroît leur visibilité ainsi que la montée de la discrimination. Les chercheurs soulignent ainsi la part d’arbitraire dans le don et l’importance qui peut être accordée à l’apparence physique et vestimentaire et au mode de vie réel ou supposé de ceux qui pratiquent la mendicité.

Enfin, les mendiants dans leur ensemble, bien informés sur la crise, reconnaissent aux donateurs « une générosité », même si beaucoup constatent une baisse des dons ces derniers temps. Ils apprécient les paroles et les gestes de sympathie et sont « particulièrement touchés par certains dons, mêmes symboliques, dont la valeur est plus affective qu’économique ». Enfin, ils affirment être conscients que leurs sollicitations « dérangent les gens » et trouvent des « circonstances atténuantes » à « ceux qui ne donnent pas comme à ceux qui ne répondent pas ».

Notes

(1) « Les mendicités à Paris et leurs publics » – Recherche réalisée par le CerPhi en partenariat avec la Fondation Caritas France, le Secours Catholique et le magazine La Vie – Mai 2011 – www.cerphi.org.

(2) Réalisée entre janvier et mars derniers, l’étude a reposé sur un inventaire des lieux et types de mendicité à Paris puis sur un questionnement direct des mendiants et l’observation des situations de mendicité, avec quand c’était possible, le comptage des dons recueillis durant le temps d’observation. Des passants ayant et n’ayant pas faits de dons ont aussi été questionnés.

Sur le terrain

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur