Alors que les conclusions des groupes de travail nationaux sur la dépendance sont attendues pour le mois de juin, l’Assemblée des départements de France (ADF) présente 55 propositions. Issu des trois ateliers qui se sont tenus cet hiver dans le cadre de ses « assises de l’autonomie » (1), le document de travail devait être présenté le 20 mai, jour de clôture de ces travaux et « point d’orgue de la discussion à laquelle prennent part de nombreux partenaires publics et privés », explique Claudy Lebreton, président de l’ADF. Ce n’est toutefois que le 7 juin que le bureau de l’assemblée débattra de ces mesures et choisira les propositions qui constitueront la contribution des départements au débat national.
L’ADF rappelle en premier lieu que la question de la perte d’autonomie n’est pas un phénomène insurmontable. Selon ses estimations, en 2025, la France compterait entre 1,38 et 1,42 million de personnes âgées dépendantes. Alors qu’elles représentent aujourd’hui 8,2 % des plus de 60 ans, cette proportion serait comprise entre 7,1 et 7,3 % en 2025 et entre 7,2 % et 7,7 % en 2040.
Garantir une prise en charge juste et économiquement soutenable de nos aînés suppose une révision en profondeur des dispositifs d’accompagnement des personnes âgées, affirme l’ADF. Elle évoque ainsi deux grands principes : les départements doivent être les chefs de file de la politique gérontologique et l’aide sociale doit s’adapter aux nouvelles solidarités familiales. Pour cela, elle propose plusieurs mesures techniques, notamment la suppression de l’obligation alimentaire en matière d’aide sociale à l’hébergement.
Autre principe : « une politique coordonnée de prévention » visant à retarder les facteurs causant la situation de dépendance et son aggravation dans le temps. « Bien conduite, la prévention pourrait entraîner plusieurs milliards d’économies à l’assurance maladie », défend Claudy Lebreton. En ce sens, il propose d’instituer un volet « prévention des effets du vieillissement et de la perte d’autonomie et coordination des acteurs » dans le schéma régional « prévention » élaboré par l’agence régionale de santé. Il suggère également de permettre aux services d’aide à domicile autorisés par les départements de bénéficier des crédits de la sécurité sociale au titre des missions de prévention (chutes à domicile, aide au retour après une hospitalisation…). Sans surprise, il demande de maintenir le GIR (groupe iso-ressources) 4 (attribué aux personnes peu dépendantes) dans le périmètre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), contrairement à l’option défendue dans le rapport Rosso-Debord.
D’autres mesures inscrites dans ce document de travail visent à favoriser le maintien des personnes à domicile. L’ADF propose la réforme de la tarification des services d’aide à domicile prestataires autorisés par le conseil général qu’elle a élaborée avec les fédérations d’aide à domicile, et qui doit être expérimentée dans plusieurs départements cet été (2). Elle souhaite, par ailleurs, que les montants des plans d’aide qui déterminent l’APA soient revalorisés en fonction de l’inflation pour les aides techniques et du SMIC horaire pour les aides humaines. Elle invite également à réviser le calcul du ticket modérateur de l’APA à domicile (qui correspond au reste à charge à domicile) en fonction des aides techniques, des aides humaines et de la solvabilisation des structures de répit.
Quatorze propositions sont consacrées à la réduction du reste à charge en établissement. Plusieurs d’entre elles visent à répartir différemment les charges sur les trois tarifs : « soins » (financé par l’assurance maladie), « dépendance » (pris en charge par l’APA) et « hébergement » (à la charge de la personne) dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). L’ADF propose également que l’assurance maladie finance à 100 % les salaires des aides-soignantes et des aides médico-psychologiques (aujourd’hui 30 % sont financés par la section « dépendance »), ainsi que ceux des psychologues. Parmi les autres pistes, l’ADF souhaite qu’il soit permis aux conseils généraux de fixer par arrêté « des référentiels départementaux de coûts et des indicateurs de convergence tarifaire dans les EHPAD ». Elle demande également la revalorisation annuelle des forfaits relatifs aux frais de transport des personnes âgées en accueil de jour ou la mise en place du financement d’agents en charge de l’exercice des mesures de protection juridique des personnes âgées en EHPAD public.
Autre préoccupation : l’accueil des personnes handicapées vieillissantes. L’ADF propose notamment de médicaliser, sur la base d’un référentiel validé par le conseil scientifique de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), les structures d’hébergement et d’accompagnement à la vie sociale.
Quant à la question centrale du financement, Claudy Lebreton affirme sans ambages que la politique destinée à la prise en charge de la perte d’autonomie « va coûter plus cher, surtout si des mesures de prévention sont créées », même si les évaluations sur le coût supplémentaire que va entraîner le vieillissement de la population sont variables suivant les estimations (selon le gouvernement, il faut 7 à 8 milliards d’euros). Quoi qu’il en soit, il rejette tout recours à l’assurance privée qui risque de se traduire, comme le confirme l’expérience américaine, « par une offre de couverture centrée sur la dépendance lourde – plus prévisible et plus coûteuse –, avec une offre de contrats s’accompagnant pour la dépendance partielle de restrictions visant à sélectionner les risques ». La récupération sur succession pour financer les aides attribuées à la personne est aussi à exclure. L’ADF privilégie un système fondé sur un socle de financement public complété par un système assurantiel privé pour la prise en charge de certains aspects de la perte d’autonomie.
Pour trouver de nouveaux financements, elle retient plusieurs solutions. Elle souhaite notamment que la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA, qui correspond au lundi de Pentecôte travaillé) « soit affectée à titre principal à la compensation de l’APA et de la prestation de compensation du handicap ». Elle réclame en outre que la loi fixe que l’APA est financée pour moitié par l’Etat, l’autre moitié incombant aux départements, alors que ceux-ci la financent à hauteur de 72 %, précise Claudy Lebreton. L’ADF retient également, entre autres propositions, l’alignement du taux de la contribution sociale généralisée des retraités sur celui des actifs ainsi que l’élargissement de l’assiette de la CSA aux non-salariés.
Enfin, pour l’assemblée, il est nécessaire de « repenser complètement le rôle de la CNSA et de sa gouvernance ». Celle-ci doit, « pour s’affirmer définitivement dans le paysage institutionnel de notre pays, devenir une véritable maison commune pour l’Etat, les départements et les partenaires sociaux ». Par ailleurs, l’ADF propose que les parlementaires fixent chaque année, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, les principales dépenses et recettes de la CNSA.