Après le secteur associatif et le Syndicat de la magistrature (1), c’est au tour de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) de monter au créneau contre les dispositions concernant les mineurs du projet de loi sur « la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs », qui a commencé son parcours parlementaire le 17 mai. L’organisation a lancé une « cyber action » (2) afin d’obtenir la suppression de ces mesures « en attendant une véritable concertation pour un code pénal régissant la justice pénale applicable à la jeunesse ».
Alors qu’une refonte de l’ordonnance du 2 février 1945 est annoncée depuis trois ans, le projet de loi prévoit une énième retouche par des mesures qui relèvent « d’a priori non vérifiés », « sans aucune volonté de dessiner un projet ambitieux pour l’enfance en difficulté », dénonce l’AFMJF. Sans compter que certaines de ses dispositions font fi de la récente mise en garde du Conseil constitutionnel contre toute atteinte à la spécificité de la justice des mineurs (3). Le texte « achève la destruction de l’ordonnance de 1945 et la consécration d’une justice des mineurs qui ne s’intéresse plus qu’aux actes commis par ces derniers et non plus à l’évolution durable d’une personnalité en construction », juge l’organisation. Parmi les mesures décriées, qui devaient être examinées par les sénateurs jusqu’au 20 mai : l’instauration d’un tribunal correctionnel pour les plus de 16 ans en état de récidive, la possibilité de convoquer un mineur directement devant le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel sans passer par le juge des enfants, le recours accru aux centres éducatifs fermés dans le cadre du contrôle judiciaire des 13-16 ans, dont les possibilités sont étendues, ou encore l’utilisation qui pourrait être faite du dossier unique de personnalité qui, craint l’AFMJF, pourrait aboutir à l’accélération du jugement.
Dans une note du 13 mai, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) partage ces inquiétudes. Au vu des modifications en jeu, « le retrait de la procédure accélérée engagée sur ce texte apparaît nécessaire », demande l’instance. « A défaut, le gouvernement devrait amender le projet de loi pour supprimer les dispositions relatives aux mineurs, celles-ci ne devant en aucun cas être examinées en urgence. » Auditionnées par la commission des lois du Sénat le 28 avril, l’Unicef-France et la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE) ont également demandé le renvoi de ces dispositions, pour les intégrer à la réflexion plus globale sur la refonte de l’ordonnance de 1945.
(2) Elle permet d’envoyer un courrier électronique directement aux décideurs, dans ce cas le ministre de la Justice et les parlementaires. Lancée avec le soutien du Syndicat de la magistrature et du Conseil national de barreaux, elle est disponible sur
(3) La Haute Juridiction a, le 10 mars, censuré plusieurs dispositions de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2) concernant les mineurs.