La loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a renforcé le dispositif des pénalités administratives afin de mieux lutter contre la fraude aux prestations gérées par les organismes chargés du versement des prestations familiales et vieillesse (1). Elle a notamment étendu le champ des griefs et des personnes susceptibles de faire l’objet d’une pénalité, et instauré des pénalités mieux proportionnées à la gravité du préjudice. Après avoir été précisé par décret (2), le dispositif est aujourd’hui explicité par une circulaire de la direction de la sécurité sociale (DSS).
Tous les organismes du régime de base chargés de la gestion des prestations familiales et d’assurance vieillesse, dont la liste détaillée figure dans la circulaire, peuvent mettre en œuvre le dispositif des pénalités financières. L’organisme compétent pour mettre en œuvre la procédure de pénalité est celui qui est victime des faits. « En cas de changement d’affiliation de l’assuré, c’est l’organisme qui a subi les faits qui reste compétent tant pour engager la procédure que pour la mise en recouvrement de la pénalité », indique la DSS.
En vertu de l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, cette procédure peut s’appliquer à toutes les prestations servies par les organismes visés. Sont désormais concernées les prestations non contributives de la branche vieillesse, telle que l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et les anciennes allocations du minimum vieillesse, sous réserve qu’elles soient servies par les organismes listés (3). Peuvent également entrer dans son champ d’application les prestations d’action sanitaire et sociale (aides financières, prestations à caractère facultatif…).
En outre, peuvent faire l’objet d’une pénalité financière non seulement les faits pour lesquels l’intention frauduleuse a été établie mais aussi de « simples faits » détectés lors d’un contrôle et pour lesquels l’intention frauduleuse n’est pas prouvée. Sur ce dernier point, la DSS explique que l’objectif est de « pouvoir sanctionner des manquements réitérés pour lesquels l’intention de frauder n’est pas clairement matérialisée, tout en veillant à écarter les situations où l’assuré ou l’allocataire semble visiblement de bonne foi ». Le caractère intentionnel de la fraude peut, lui, être tiré : de la nature de l’information en cause (4) ; d’agissements caractérisés (escroquerie…), en particulier lorsque l’intéressé a produit de faux documents ou justificatifs ; de l’existence et de la teneur de l’information à disposition de l’usager quant aux conditions d’attribution des prestations et aux obligations de déclaration qui en découlent. Enfin, le dispositif des pénalités administratives peut viser certains faits en l’absence de préjudice financier, à savoir ceux révélés en amont du paiement des prestations ou lors de la constitution des droits avant la liquidation de la pension. A ce stade, la tentative peut être sanctionnée, excepté en cas de travail dissimulé ayant permis le bénéfice de prestations sociales. Dans cette dernière hypothèse, si l’intéressé a pu prétendre à des prestations familiales, l’organisme doit prendre en compte à la fois la période de travail dissimulé et les revenus correspondants pour procéder à une révision des droits. Il en est de même lorsqu’il perçoit le revenu de solidarité active (RSA) : les revenus et la situation professionnelle déclarés doivent être rectifiés pour tenir compte des ressources et de l’activité dissimulées.
Il appartient au directeur de l’organisme d’apprécier l’opportunité d’enclencher ou non la procédure, de la poursuivre ou de l’abandonner. En cas de poursuite, il doit notifier sa décision à l’assuré ou à l’allocataire par lettre recommandée avec accusé de réception, la notification devant préciser les faits reprochés et le montant de la pénalité envisagée ainsi que le délai de un mois pour présenter des observations écrites ou demander à être entendu (5). La DSS demande aux directeurs des organismes d’attendre réellement la fin de ce délai avant de se prononcer sur la suite de la procédure. En outre, s’ils décident de prononcer une pénalité, l’administration les invite à notifier cette décision dans un délai raisonnable « qui ne saurait excéder trois semaines dans la plupart des cas ». Notification qui doit indiquer que l’assuré ou l’allocataire dispose de un mois pour s’acquitter de la somme réclamée ainsi que les voies et délais de recours qui s’offrent à lui. L’intéressé peut en effet exercer un recours gracieux auprès du directeur de l’organisme – qui saisit alors la commission des pénalités (6) – et/ou saisir le tribunal administratif. En tout état de cause, la DSS demande que les sommes réclamées ne soient pas recouvrées avant l’expiration du délai de un mois ouvert pour le recours gracieux. Si ce recours est engagé, il convient d’attendre la notification de la décision du directeur, qui dispose, lui, d’un délai de trois semaines à compter de la réception de l’avis de la commission pour fixer le montant définitif de la pénalité. A défaut de notification dans ce délai, la procédure est réputée abandonnée.
Bien que le cumul entre les sanctions pénales et administratives ait été admis, l’organisme doit opérer un choix, indique la DSS. Ainsi, suggère-t-elle, il convient d’enclencher la procédure des pénalités administratives lorsque le préjudice financier est inférieur à quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale (11 784 € en 2011) – montant maximal de la pénalité – et, au-delà de ce montant, de préférer le dépôt de plainte. Dans cette dernière hypothèse, ou si le dossier est en cours d’instruction ou d’enquête préliminaire et que l’organisme envisage malgré tout d’infliger parallèlement une pénalité administrative, deux cas de figure s’offrent à lui : soit il met en route la procédure de sanction administrative qu’il suspend ensuite jusqu’au jugement, soit il va au terme de cette procédure afin d’obtenir une sanction rapide et préalable à la sanction pénale. Et, dans ce cas, « la pénalité doit être envisagée d’un commun accord avec le procureur ou le juge d’instruction en charge du dossier ».
S’agissant du cas particulier du RSA, l’organisme chargé du service de la prestation et le conseil général, qui, lui, la finance, peuvent tous deux prononcer des sanctions administratives. Toutefois, rappelle l’administration, le cumul des sanctions est dans ce cas interdit. Aussi l’organisme doit-il « impérativement et rapidement (le plus en amont possible) informer le conseil général de ses intentions ».
La circulaire donne par ailleurs des éléments d’appréciation pour le calcul de la pénalité. Ainsi, illustre-t-elle, « la fausse déclaration ou l’omission délibérée devra nécessairement se voir infliger une pénalité d’un montant supérieur à la fausse déclaration ou à l’omission dont le caractère intentionnel n’est pas avéré ». La détermination du montant de la pénalité doit aussi « tenir compte du nombre d’inexactitudes ou d’erreurs que comporte une fausse déclaration et des conséquences de chacune de ces erreurs sur le droit à prestation » ou encore de « la durée de l’omission en cas de non-déclaration d’un changement de situation ». Pour la DSS, le montant de la pénalité doit en outre « être correctement adapté au préjudice financier, à sa durée ainsi qu’aux procédures et moyens utilisés ». Par exemple, « une escroquerie caractérisée, même si elle n’a entraîné aucun préjudice financier, devra obligatoirement valoir une pénalité d’un montant supérieur à la seule qualification de « fausse déclaration », même si ce dernier manquement présente un caractère répété ou délibéré ». En tout état de cause, insiste l’administration, « il est essentiel que chaque organisme national prenne des instructions internes afin de garantir au sein de son réseau une mise en œuvre harmonisée des règles de calcul de la pénalité ».
(3) En effet, explique la DSS, « quand l’ASPA est servie par le service de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, service rattaché à la Caisse des dépôts [pour les personnes qui ne relèvent d’aucun régime de base obligatoire d’assurance vieillesse], ne versant pas de prestations d’assurance vieillesse, elle ne fait pas partie des prestations concernées par le dispositif des pénalités ».
(4) « Une information non susceptible d’erreur, comme la situation matrimoniale ou l’exercice d’une activité professionnelle, peut être présumée frauduleuse si elle est inexacte », souligne la DSS.
(5) Pour l’administration, la demande d’entretien doit être faite dans ce délai de un mois requis mais l’entretien peut intervenir au-delà, en fonction des disponibilités du directeur et de la personne concernée.
(6) Même si le code de la sécurité sociale ne fixe pas de délai pour cette saisine, il est souhaitable qu’elle intervienne « dans les trois à quatre semaines maximum suivant la date de réception du recours gracieux », estime la DSS.