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Travaux d’intérêt général pour les allocataires du RSA : haro contre la réapparition d’une vieille antienne

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En déclarant vouloir imposer une contrepartie de travail non rémunéré aux allocataires du revenu de solidarité active, Laurent Wauquiez a déclenché un raz-de-marée de réactions associatives, politiques et syndicales. La risposte est d’autant plus forte que l’idée, loin d’être nouvelle, est portée par un membre du gouvernement, à l’approche de la campagne présidentielle.

Le ballon d’essai va-t-il aussitôt se dégonfler ? Le sujet récurrent de l’assistanat est réapparu sous la forme de déclarations pour le moins virulentes de Laurent Wauquiez, ministre des Affaires européennes et ancien secrétaire d’Etat à l’emploi, qui ont suscité une levée de boucliers, y compris au sein de la majorité présidentielle. Qualifiant sur BFM TV « les dérives de l’assistanat » de « cancer de la société française », le ministre UMP a annoncé que les députés de son groupe « la droite sociale » déposerait « dans les dix jours », à l’Assemblée nationale, une proposition de loi en vue d’imposer aux allocataires du revenu de solidarité active (RSA) une « contrepartie » de « cinq heures de service social par semaine », de plafonner le cumul des minima sociaux à 75 % du SMIC et de fixer une durée minimale de travail pour que les étrangers bénéficient du système de protection sociale. L’objectif est, selon le ministre, que ces propositions soient expérimentées avant la présidentielle et puissent nourrir la campagne électorale.

Le pacte républicain en cause

Après le dépôt, plus discret, le 30 mars, par le député Pierre Lang (UMP) d’une proposition de loi visant à « demander aux chômeurs indemnisés depuis plus de six mois et aux bénéficiaires du RSA d’effectuer des travaux d’intérêt général », ces propos ont aussitôt suscité des réactions indignées de l’opposition et des associations. Le MNCP (Mouvement national des chômeurs et précaires) condamne des propositions stigmatisantes, qui tendent à consider les bénéficiaires de minima sociaux « comme des individus ayant commis des faits délictueux », alors qu’« après 30 ans de politique de l’emploi, aucun gouvernement n’a réussi à endiguer le chômage ». L’Association nationale des assistants de service social (ANAS) dénonce « une manœuvre politicienne », où les plus fragiles « sont jetés en pâture des classes moyennes ». « C’est notre pacte républicain qui est en cause », résument les 35 associations du collectif Alerte, qui rejettent en bloc les présupposés avancés par le maire du Puy-en-Velay (Haute-Loire).

Car, au-delà du message politique qui touche à la philosophie même du système de protection sociale, les associations démontent les arguments du ministre pour justifier ce projet. Et en particulier son affirmation selon laquelle « aujourd’hui, un couple qui est au RSA, en cumulant les différents systèmes de minima sociaux, peut gagner plus qu’un couple dans lequel il y a une personne qui travaille au SMIC ». Faux, rétorquent-elles. « Depuis la création du RMI, en 1988, alors à 50 % du SMIC, le RSA n’a cessé de baisser et ne représente plus que 43 % du SMIC », pointe ATD quart monde. A situation égale, le ménage qui ne dispose pas de revenus du travail gagne toujours moins. « Le RSA a précisément été conçu comme une allocation différentielle qui prend en compte tous les revenus afin de favoriser la reprise d’activité. Il est donc totalement inutile de vouloir limiter à 75 % du SMIC le cumul de tous les minima sociaux », ajoute l’Assemblée des départements de France.

Le dispositif comporte d’ailleurs des droits, mais aussi des devoirs en matière d’insertion, avec des sanctions en cas de non-respect de ces obligations. En 12 ans, insiste la FNARS (Fédération nationale des associations de réinsertion sociale), le nombre d’allocataires du RMI, ou du RSA sans emploi, est resté stable (1,1 million). Seules 600 000 personnes touchent aujourd’hui le « RSA activité », ce qui montre qu’« il n’y a pas suffisamment d’emplois aujourd’hui pour permettre au RSA de répondre à son objectif de départ : garantir un retour à l’emploi suffisamment rémunérateur pour sortir les personnes de la pauvreté ». C’est sur l’accompagnement que l’effort doit porter, souligne l’association, en rappelant les moyens insuffisants de Pôle emploi. Il est par ailleurs « indécent », poursuit-elle, « de laisser croire que n’importe quel étranger peut toucher le RSA », alors que la législation fixe à cinq ans de séjour régulier en France avec autorisation de travail la durée minimale pour en bénéficier. La Fondation Abbé-Pierre pointe une autre erreur de jugement : « Citer l’aide personnalisée au logement parmi les minima sociaux, c’est se tromper sur la nature de l’aide et sur son affectation. »

Cacophonie dans la majorité

Au sein de la majorité, le sujet a semé la cacophonie. Plusieurs députés UMP ont apporté leur soutien à Laurent Wauquiez, et la direction nationale du parti a accueilli ses propositions comme une « contribution importante » à la prochaine convention de l’UMP sur la « justice sociale », le 8 juin. A l’inverse, le chef du gouvernement, soucieux de défendre une réforme majeure du quinquennat, grâce à laquelle « reprendre une activité est plus attractif que la dépendance à l’égard de la solidarité », a tancé son ministre. Tout comme Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, qui a peu apprécié de voir son collègue empiéter sur ses dossiers et a opposé « des difficultés de principes et de mise en œuvre ». Des pistes d’amélioration du dispositif devraient être soumises au président de la République et au Premier ministre, a-t-elle précisé, à l’issue du travail d’évaluation qui doit s’achever fin juillet. Chargé de cette mission, Marc-Philippe Daubresse, secrétaire général adjoint de l’UMP, ancien ministre des solidarités actives, a, pour sa part, jugé les déclarations de Laurent Wauquiez « irresponsables ». Une accusation partagée par Martin Hirsch, qui avait dû, pour créer le RSA, affronter à la fois les résistances du parti présidentiel et les craintes de ceux qui voyaient derrière le volet « incitatif » du dispositif une forme de suspicion à l’égard des bénéficiaires des minima sociaux. Dans une ré­cente note de contribution pour améliorer le dispositif adressée à Marc-Philippe Daubresse, l’ancien Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté qualifie la suggestion d’une « contre­partie d’intérêt général » de « fausse bonne idée » qui « figurait déjà dans le programme du candidat de l’UMP en 2007 ». Il évoque le danger d’un effet d’aubaine pour les employeurs et plaide en revanche pour le recours au contrat unique d’insertion.

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