Un nom commence à circuler dans le secteur social : Chorus, le logiciel de gestion en cours de déploiement dans les ministères et services déconcentrés, dans le cadre de la stratégie de modernisation du système d’information financière de l’Etat. Après s’être illustré par ses « ratés » au ministère de la Défense en 2010, il est désormais, selon plusieurs associations – notamment celles gérant des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), financées par le ministère de l’Intérieur et de l’Immigration –, à l’origine d’énormes retards de paiement. En cause : un défaut de maîtrise du nouveau système, plusieurs préfets de région ayant reconnu auprès des associations que le changement des procédures comptables au 1er janvier a retardé les versements. « Cette situation, ajoutée à la baisse vertigineuse des crédits alloués aux CADA, va directement impacter les missions d’accompagnement des établissements », s’indigne Pierre Henry, directeur général de France terre d’asile. Entre les retards pris dans les délégations de crédits et ceux directement imputés au logiciel, « l’Etat doit depuis le début de l’année huit millions d’euros à l’association, explique-t-il. Du jamais vu. » Même constat à Forum réfugiés, qui déplore avoir un million d’euros de paiement en attente pour ses CADA, centres provisoires d’hébergement et centres de transit. Dans plusieurs régions, la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) confirme que des structures se retrouvent en grande difficulté. En Rhône-Alpes par exemple, des établissements ont temporairement disparu de la base des services de l’Etat… Un certain nombre d’associations « sont à la veille d’une cessation de paiement », alertent également les sections syndicales CFE-CGC d’Adoma, de l’AFTAM et de France terre d’asile, qui dénoncent la « désorganisation des services de l’Etat due à la révision générale des politiques publiques » et, plus globalement, s’inquiètent des conditions de financement du secteur.
Interrogée par les ASH, la direction générale des finances publiques a indiqué ne pas être en mesure de confirmer ces éléments, « faute de remontées » sur le sujet. Dans un rapport datant de février 2011, la Cour des comptes explique pourtant que « le déploiement de Chorus s’effectue dans des conditions difficiles ». Elle précise que « des retards de paiement d’un montant total de six milliards sont intervenus, lors de la “bascule” dans Chorus, début 2010, de la gestion de certains programmes des ministères de l’Education nationale et de la Justice et de la totalité des programmes du ministère de la Défense ». Le ministère du Budget avait, quant à lui, répondu en réfutant les critiques de la Cour sur la conduite du projet. Il avait, en revanche, estimé qu’une « période d’appropriation de plusieurs mois est généralement nécessaire » pour la mise en place d’une telle réforme et que les bonnes conditions du fonctionnement de l’outil constituait une priorité pour 2011. Le secteur associatif, déjà financièrement fragilisé, reste circonspect, peu enclin à faire les frais de nouveaux aléas budgétaires.