Recevoir la newsletter

Justice pénale des mineurs : tentatives de barrage au projet de loi

Article réservé aux abonnés

Auditionnées le 28 avril par la commission des lois du Sénat, l’Unicef France et la CNAPE (Convention nationale des associations de protection de l’enfant) ont demandé le renvoi des dispositions concernant les mineurs contenues dans le projet de loi sur la justice (1), qui devrait être discuté, en procédure accélérée, à partir du 17 mai.

« Glissement vers la justice des adultes »

S’inquiétant d’une « surenchère législative » qui « ajoute de la confusion au dispositif de la justice des mineurs », elles souhaitent que ce projet soit inscrit dans la réflexion plus globale, encore en cours, sur la rédaction d’un code de la justice pénale des mineurs. Elles dénoncent, sur le fond, « une nouvelle atteinte aux principes de l’ordonnance du 2 février 1945 » et un « dangereux glissement de la justice des mineurs vers celle des adultes ». Elles soulignent également que, si les dispositions existantes étaient « effectivement mises en œuvre, dans des délais raisonnables, et avec les moyens qui conviennent, elles permettraient d’apporter des réponses efficaces à la délinquance juvénile et à la lutte contre la récidive ».

Les deux organisations ont donc proposé de supprimer l’article le plus emblématique des « dérogations au principe de la spécialité de la justice pénale des mineurs », celui créant un tribunal correctionnel pour les 16-18 ans en état de récidive. Le texte prévoit que le tribunal serait composé de trois juges, dont un juge des enfants, mais ne mentionne pas la présence d’assesseurs spécialisés.

Autre inquiétude : l’élargissement des motifs de placement en centre éducatif fermé (CEF). Le texte accroît en effet le recours à ces structures dans le cadre d’un contrôle judiciaire, étendu aux 13-16 ans sans antécédent, encourant une peine d’au moins cinq ans pour violences volontaires, sexuelles ou délits avec circonstance aggravante de violence. Le juge des enfants, dans ses fonctions d’application des peines et non plus seulement lors du jugement, pourrait également prononcer un placement en CEF pour le suivi d’un sursis avec mise à l’épreuve, lorsque le non-respect des obligations fixées peut entraîner la révocation du sursis et la mise à exécution de la peine d’emprisonnement. Selon l’étude d’impact du projet de loi, ces nouvelles possibilités de placement nécessiteraient 240 places supplémentaires en CEF par rapport aux 540 prévues en 2013 (500 places aujourd’hui).

Alors que la circulaire budgétaire des établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse révise déjà les normes d’encadrement à la baisse (2), les associations refusent que les surcoûts soient compensés par de nouvelles restrictions dans le secteur associatif habilité. L’étude d’impact émet en effet l’hypothèse de « créer 20 nouveaux CEF par transformation d’unités éducatives d’hébergement collectif » et évalue le surcoût des effectifs supplémentaires à 3 millions d’euros. La CNAPE et l’Unicef insistent aussi sur la nécessité d’accompagner les mineurs à la sortie pour favoriser leur insertion et rappellent que les centres éducatifs renforcés, dont l’avenir semble, selon elles, compromis, « ont démontré toute leur utilité dans la lutte contre la délinquance juvénile ».

Accélération de la procédure

La nouvelle procédure de convocation rapide à comparaître devant le tribunal pour enfants par un officier de police judiciaire est une autre atteinte à la spécialité de la justice des mineurs, font valoir l’Unicef-France et la CNAPE. Elles s’interrogent sur la pertinence de l’accélération des procédures, alors que le manque de moyens « accroît le nombre de mesures en attente ». La constitution du « dossier unique de personnalité », qui doit permettre de regrouper l’ensemble des éléments relatifs au mineur lors des procédures pénales ou d’assistance éducative, « ne doit, en aucun cas, être un facteur d’aggravation de la réponse judiciaire en incitant à une graduation de la sanction », craignent les organisations. Elles réclament en outre que le législateur fixe « un cadre strict » à son utilisation : « Si l’étude d’impact précise que l’accès au dossier unique sera encadré et sécurisé, et que des décrets d’application seront pris en Conseil d’Etat après avis de la commission nationale de l’informatique et des libertés, rien n’est précisé dans le projet de loi. » Les mesures visant à « renforcer l’implication des parents dans la procédure pénale » suscitent également leur réserve. « Si les parents doivent être au centre des procédures judiciaires mettant en cause leur enfant, cette implication doit s’appuyer sur un objectif de soutien et de prévention », estiment-elles.

Les observations des deux associations sont très proches de celles du Syndicat de la magistrature, qui rappelle que le Conseil constitutionnel a, en mars dernier, censuré les dispositions de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) concernant les mineurs. La procédure de convocation par un officier de police judiciaire en faisait partie… Les précisions apportées sur ce point par le nouveau texte – sur les conditions d’âge ou le quantum des peines encourues – ne constituent pas des garanties suffisantes, estime le syndicat. Il s’insurge également contre le renforcement des mesures de sûreté à l’égard des mineurs : l’extension des possibilités de contrôle judiciaire risque, selon lui, d’aboutir à une augmentation des incarcération. Il juge également la possibilité de placer un mineur sous surveillance électronique à domicile dans le cadre d’un contrôle judiciaire « inacceptable » : au-delà des problèmes pratiques qui se poseront dans des « situations familiales destructurées », cette mesure lui semble « difficilement conciliable avec les particularités de l’adolescence ».

Notes

(1) Projet de loi sur « la participation des citoyens au fonctionnement de la justice et le jugement des mineurs » – Voir ASH n° 2706 du 22-04-11, p. 5.

(2) Voir ASH n° 2699 du 4-03-11, p. 23.

Sur le terrain

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur