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Pour un véritable service public de la protection des majeurs

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Aucune personne vulnérable ayant besoin d’une protection judiciaire ne devrait avoir à participer au financement de sa mesure, estime Michel Marronnier, consultant formateur dans ce domaine et ancien président de la Fédération nationale des associations tutélaires.

« Nous sommes actuellement dans un contexte social et économique tendu. Le désengagement financier de l’Etat est inquiétant, avec pour corollaire une baisse importante des moyens dans des secteurs aussi différents que la protection judiciaire de la jeunesse et les services de maintien à domicile. La réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux va se réaliser dans des conditions aussi drastiques. De même, nous pouvons constater de la part de la puissance publique une absence d’anticipation dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Il faut également se préoccuper, dès aujourd’hui, de l’avenir des personnes handicapées vieillissantes, au risque d’être contraints rapidement d’inventer un “amendement Creton” (1) pour les plus de 60 ans.

C’est dans cet environnement difficile qu’est intervenue la décision du Conseil d’Etat du 4 février dernier relative aux modalités de financement des mesures de protection par les personnes protégées (2). Cet arrêt a ravivé un débat déjà ancien : celui du paiement par les bénéficiaires de l’exécution du mandat judiciaire les concernant et, par extension, celui du sous-financement des mesures de protection par la collectivité publique.

Désormais, à la suite de cette décision, la personne protégée ne devra plus s’acquitter d’une somme qui serait supérieure au coût de la mesure. Ce coût sera déterminé en fonction de la nature de celle-ci (curatelle, tutelle), du lieu de résidence de la personne (domicile ou établissement) et de la période d’exercice de la mesure (de l’ouverture à la clôture). Jusqu’à présent, faute de précisions et d’interprétation, les personnes protégées pouvaient subir des prélèvements largement supérieurs au coût réel de la mesure (200 à 400 € par mois pour certains), entraînant de facto pour le mandataire judiciaire (en réalité l’Etat), association ou personne privée, un enrichissement sans cause, au détriment de la personne protégée.

Le Conseil d’Etat ne fait pourtant que rappeler, dans cet arrêt, un principe fondamental, celui du paiement du coût réel de la mesure.

Mais cette décision est insuffisante car elle cautionne le principe du financement de sa mesure par l’intéressé. Anomalie, incongruité dans le paysage socio-judiciaire, le financement par les personnes protégées de leur protection renvoie à une conception de type libéral, à l’opposé d’une justice au service de tous, notamment des plus fragiles, les plus susceptibles d’être abusés et maltraités. Il s’agit d’une exception dans le monde judiciaire : l’intéressé paie pour une décision de justice qui n’est pas la sanction d’une faute, qui s’impose à lui, et dont il n’a pas, la plupart du temps, souhaité la mise en œuvre.

La gratuité conforme à l’intérêt de la personne protégée

Le principe de la gratuité est fondamental sur les plans éthique, philosophique et juridique (au regard de la Constitution et des textes européens) car il est conforme à la finalité de la mesure de protection, l’intérêt de la personne protégée.

Cette gratuité de la mesure aurait pour conséquences bénéfiques :

 d’assurer le principe d’égalité entre tous les bénéficiaires d’une mesure de protection, qu’elle soit exercée par la famille ou par un tiers. Le législateur a réaffirmé, avec force, la place et le rôle de la famille dans le système de protection judiciaire des majeurs et a prévu la gratuité de la mesure quand celle-ci est exercée par un parent. Pourquoi en irait-il différemment pour des personnes qui, très majoritairement, sont sans attaches familiales et isolées ? Cela reviendrait à leur infliger une double peine ;

 d’assainir la relation entre le mandataire judiciaire et la personne protégée. Cette relation est aujourd’hui viciée à la fois par le rôle de percepteur qui incombe au professionnel (c’est lui qui prélève directement la participation) mais aussi par l’assimilation du mandat judiciaire à une prestation de services ;

 de contraindre la collectivité publique à revoir le financement des mesures de protection. C’est urgent, faute de quoi des services pourront voir leur responsabilité engagée en raison de la surcharge importante et permanente de dossiers. Les derniers événements tragiques de Pornic ont montré que l’Etat n’hésitera pas à jeter en pâture les professionnels. Rien n’a changé avec la réforme en ce qui concerne le nombre moyen de dossiers par agent.

En effet, la loi du 5 mars 2007, en incluant les services de protection dans la liste des établissements sociaux et médico-sociaux (article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles), n’a pas réglé la question du financement du système ni amélioré les rapports avec l’autorité administrative (les délais prévus pour la tarification ne sont pas respectés).

Mais surtout, les nouvelles exigences (protection de la personne, meilleure prise en compte du consentement et de la volonté) issues de la réforme de la protection, voulue par les professionnels et la chancellerie, et de l’application de la loi du 2 janvier 2002 (obligations de formation, nouvelles procédures d’autorisation, mise en application des droits des usagers) ont entraîné un travail considérable sans aucune contrepartie économique.

La loi du 5 mars 2007 a déjà manqué un certain nombre de rendez-vous importants : celui de la formation, en refusant aux professionnels la reconnaissance d’un vrai métier, par la création d’un diplôme et non d’un simple certificat ; celui du statut de mandataire judiciaire, avec des exigences plus élevées pour le monde associatif que le secteur libéral.

Répondre aux enjeux de demain

C’est donc un véritable service public de la protection qui sera la réponse aux enjeux de demain (vieillissement et dépendance).

La protection a un prix, qu’il devient urgent de définir, non par défaut ni avec des critères parfois contestables comme c’est le cas aujourd’hui. Et j’appelle tous les professionnels qui le souhaitent (juges, associations, délégués, professionnels de l’action sociale et de la psychiatrie) à mener ce combat. »

Contact : marronnier.michel@orange.fr
Notes

(1) L’article L. 242-4 du code de l’action sociale et des familles, dit « amendement Creton », offre la possibilité de maintenir des jeunes adultes handicapés dans les établissements et services dispensant une éducation adaptée pour mineurs en l’absence de possibilité de placement dans un établissement pour adultes vers lequel ils ont été orientés.

(2) Voir ASH n° 2697 du 18-02-11, p. 18.

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