La proposition du rapport de la mission parlementaire sur la prostitution de sanctionner les clients (1) ne fait pas l’unanimité. Ce projet, qui, selon la députée Danielle Bousquet (PS), présidente de la mission, devrait être prochainement inscrit dans une proposition de loi, a reçu le soutien de la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale. Cette position est saluée par les associations « abolitionnistes », pour lesquelles la prostitution est une forme d’exploitation et une violation des droits humains, découlant des inégalités des rapports sociaux. « Créer le délit de recours à la prostitution, c’est non seulement désigner la responsabilité du client dans le phénomène prostitutionnel, mais aussi signifier clairement à la société que la personne prostituée est victime », estime ainsi la Fondation Scelles. Le rapport, riche de 30 propositions, dont certaines visent aussi à lutter contre le proxénétisme et à offrir des alternatives à la prostitution, « s’écarte enfin des mesurettes hasardeuses qui ont jusqu’ici tenu lieu de politique pour fonder une vraie perspective féministe et abolitionniste », se réjouit également le Mouvement du Nid. La volonté, inédite en France, de responsabiliser le client, « permettra un changement de norme sociale », ajoute l’Amicale du Nid, qui aide les personnes à sortir de la prostitution en leur offrant des solutions d’hébergement et d’insertion. Néanmoins, insistent les organisations favorables à cette disposition, celle-ci doit faire partie d’une politique publique ambitieuse et être assortie de l’abrogation du « délit de racolage passif » instauré par la loi sur la sécurité intérieure de 2003, qui, de l’avis de tous les acteurs associatifs, rend les personnes prostituées encore plus vulnérables en renforçant la clandestinité.
Mais pour d’autres, comme les associations de santé Act Up et Médecins du monde, la répression des clients pourrait entraîner les mêmes effets que celle déjà exercée à l’encontre des personnes prostituées. « Outre son peu d’effet sur la pratique, nous avons constaté deux conséquences de la loi sur la sécurité intérieure de 2003, souligne Olivier Bernard, président de Médecins du monde : une plus grande exposition des personnes prostituées à la violence et une plus grande difficulté pour nos équipes d’aller à leur rencontre, dans le cadre des démarches de prévention des risques et d’accès aux soins. Nous craignons que la pénalisation des clients renforce de la même manière la marginalisation des personnes prostituées. »
La dégradation de leur situation sanitaire et sociale est une crainte partagée par Les Amis du bus des femmes, pour qui « la prostitution dite “traditionnelle” » est exercée « par des personnes qui en ont fait un choix affirmé ». Défendant une « prostitution libre », l’association dénonce une proposition « répressive sur l’activité prostitutionnelle, dans une société où priment l’ordre moral et le contrôle social ». Moins la prostitution sera visible, « plus le proxénétisme se renforcera », s’inquiète-t-elle.