Depuis 2006, les pouvoirs publics ont pris en compte certaines recommandations du défenseur des enfants portant sur la vie quotidienne et les nouvelles configurations familiales. En revanche, l’Etat a apporté de plus en plus de restrictions aux droits des enfants étrangers et des enfants délinquants. Tel est le « triste » bilan dressé par la défenseure des enfants le 26 avril, quelques jours avant la fin de son mandat. Ses missions vont en effet être absorbées par le défenseur des droits (1). Celui-ci disposera d’un adjoint « défenseur des enfants » ayant un statut de collaborateur, sans aucune attribution propre et qui ne pourra pas être saisi directement par les enfants et leurs familles, dénonce encore une fois Dominique Versini. Selon son dernier bilan d’activité (2), les réclamations reçues par l’institution ont concerné plus de 14 000 enfants sur les cinq dernières années. En 2011, elles ont même augmenté de 30 % du fait de la publicité faite autour la création du défenseur des droits.
Même si plusieurs recommandations de la défenseure des enfants ont été prises en compte par les pouvoirs publics (déploiement des maisons des adolescents, expérimentation d’un dispositif complet de médiation familiale…), d’autres ont reçu « peu de suites », déplore Dominique Versini. Malgré le cri d’alarme lancé en 2007 dans son rapport pour une stratégie nationale de prise en charge des adolescents en souffrance psychique (3), la pédopsychiatrie manque toujours de spécialistes, de lits d’hospitalisation à temps complet et de structures de post-hospitalisation. Autre situation en stand by : la mise en place d’un statut des tiers qui partagent ou ont partagé la vie d’un enfant et ont des liens affectifs forts avec lui. Cette recommandation a certes été reprise par le gouvernement sous la forme d’un projet de loi mais, depuis, le texte est « bloqué à l’Assemblée nationale par la commission “Leonetti” », rappelle Dominique Versini (4). Elle déplore par ailleurs, une fois de plus, le « parcours du combattant » mené par les familles pour une scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire conforme aux prescriptions de la maison départementale des personnes handicapées. Elle dénonce à nouveau la pénurie d’auxiliaires de vie scolaire, et le manque « criant » de structures adaptées pour les enfants lourdement handicapés et les enfants autistes.
Les pouvoirs publics n’ont donné « aucune suite favorable » aux recommandations de la défenseure des enfants et du comité des droits de l’enfant des Nations unies sur les priorités permettant d’atteindre l’objectif de réduction de 30 % de la pauvreté d’ici à 2012, alors que deux millions d’enfants vivent dans des familles dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté (5). Dominique Versini regrette également que « l’absence de volonté politique de développer des logements sociaux et très sociaux [rende] inapplicable le droit au logement opposable » institué par la loi du 5 mars 2007 dans la mesure où il manque 600 000 logements. Autre grief : la loi réformant la protection de l’enfance « n’a pas été soutenue par les services de l’Etat dans son application, ce qui augmente les risques de placement d’enfants à l’aide sociale à l’enfance des enfants de familles précaires ».
« Les pouvoirs publics ont rejeté toutes les recommandations de la défenseure des enfants qui pouvaient être un frein aux objectifs de réformes restrictives dans les domaines régaliens », affirme en outre Dominique Versini. Ainsi, les enfants étrangers sont des « victimes collatérales des durcissements de la politique d’immigration », déplore-t-elle. Elle souligne encore une fois les nombreuses difficultés (des « tracasseries administratives » aux atteintes aux droits) vécues par les enfants dont les parents ont le statut de réfugié politique, par les mineurs étrangers isolés (séjour en zone d’attente pas toujours séparés des adultes, examens d’âge osseux, difficulté à être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance…). Et tire la sonnette d’alarme concernant les enfants rom. Le comité des droits de l’enfant de l’ONU avait déjà signalé en juin 2009 les graves manquements de la France à l’égard de leurs droits fondamentaux. Deux ans plus tard, « force est de constater que non seulement il n’y a pas eu d’amélioration sensible mais que la dégradation de la situation de ces enfants s’est accentuée, malgré les efforts remarquables des associations et de certaines collectivités territoriales ».
Enfin, Dominique Versini élève encore la voix contre les reculs répétés de la justice des mineurs. Dans ce domaine, la politique de la France « marque surtout un renoncement à investir dans la prévention, une volonté de pénaliser les parents sans les accompagner dans leur rôle éducatif ». Ce sont « autant de choix politiciens qui ne peuvent qu’entraîner à terme une augmentation de la récidive », prédit-elle.
En même temps que son bilan d’activité, Dominique Versini a présenté le 26 avril son dernier rapport thématique (6). La défenseure y formule plusieurs recommandations pour améliorer la situation des enfants et adolescents atteints de cancer et celle de leurs familles, recommandations qui s’inscrivent dans le droit-fil de la mesure 23 du plan « cancer » 2009-2013.
La défenseure des enfants préconise notamment d’instaurer un référent au sein des maisons départementales des personnes handicapées et des caisses d’allocations familiales. Ce référent devra être dédié au traitement des dossiers d’enfants atteints de cancer afin de réduire les délais actuellement trop longs (trois à six mois). Il devra en outre être formé pour éviter que la méconnaissance des textes, des droits et de la spécificité des familles n’aboutisse à des réponses inégalitaires. Dominique Versini suggère également d’étendre aux chômeurs non indemnisés le bénéfice de l’allocation journalière de présence parentale.
Un autre axe de recommandations vise à faciliter la scolarité et la vie sociale des adolescents, notamment en développant des conventions avec les associations d’enseignement aux malades lorsque l’Education nationale ne peut faire face aux besoins et en assurant systématiquement la prise en charge des frais de scolarité en cas de recours au centre national d’enseignement à distance. Enfin, la défenseure appelle à une prise en charge qui tienne compte des besoins spécifiques des adolescents.
D’autres préconisations concernent la prise en charge médicale et visent notamment à améliorer le dispositif d’annonce et l’accès aux traitements anti-douleur. L.L.
(2) Prochainement disponible sur
(6) Prochainement disponible sur